Les militaires canadiennes davantage agressées par leurs pairs que par leurs supérieurs

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Photo : Radio-Canada / Daniel Coulombe
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les femmes membres des Forces armées canadiennes (FAC) sont toujours aussi nombreuses à avoir été victimes d'agression sexuelle, mais elles le sont maintenant davantage aux mains d'un pair que d'un supérieur.
C’est ce que révèle notamment le Sondage sur les inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes (SISFAC) de 2018 mené par Statistique Canada, dont les données ont été rendues publiques mercredi matin.
Le constat est dur pour les FAC, puisque la situation est la même – les chiffres sont stables – depuis 2016, même si l'Opération Honour lancée en juillet 2015 vise à éliminer le harcèlement et les agressions sexuelles au sein de l'armée.
Environ 900 membres de la force régulière ont déclaré avoir été victimes d’agression sexuelle au sein de leur environnement de travail au cours des 12 mois précédant le sondage. Il s’agit d’une proportion de 1,6 % des membres, ce qui n’est pas très loin du 1,7 % observé en 2016, quand le premier SISFAC a été réalisé.
Les militaires se sont dits « choqués et déçus » par le nombre de membres des FAC victimes d'agression sexuelle au cours de la dernière année. Paul Wynnyk, vice-chef d'état-major de la Défense, a qualifié le processus d'éradication des agressions de « route longue et cahoteuse », mercredi matin, et a affirmé que seuls des « progrès limités » ont été réalisés.
« Ce n’est pas un échec, mais nous ne sommes pas très heureux d’où nous en sommes présentement », a ajouté son collègue Alain Guimond, adjudant-chef des FAC.
C’est un problème de culture, on le sait, et on est en train de la changer. On mise sur la communication, de continuer d’en parler afin d’arriver là où on veut.
Au sein des FAC, les femmes se disent aussi quatre fois plus victimes d’agression sexuelle que les hommes, comme en 2016, dans une proportion de 4,3 % par rapport à 1,1 % pour les hommes.
Par contre, les femmes autant que les hommes disent aujourd’hui, et ce, à 52 %, avoir été victime d’un pair. « Cela marque un changement par rapport à 2016 chez les femmes, année où celles-ci ont indiqué avoir le plus souvent été agressées par un superviseur ou une personne détenant un grade supérieur au leur », spécifie Statistique Canada.
Dans l'ensemble, les agressions sexuelles ont été plus fréquentes dans la réserve principale, où environ 2,2 %, soit 300 personnes, ont déclaré avoir subi des agressions sexuelles. Il s'agit d'une légère baisse par rapport à 2016, année où 2,6 % des militaires à temps partiel ont déclaré avoir été victimes d'agression sexuelle.
La prévalence des agressions sexuelles est près de six fois plus élevée chez les femmes dans la réserve, soit 7 %, comparativement à 1,2 % chez les hommes.
Les attouchements sexuels non désirés ont été la forme la plus courante d'agression sexuelle subie par les membres de la force régulière en 2018, ce qui correspond au nombre de cas signalés dans la population générale. « Les contacts sexuels non désirés étaient la forme la plus courante d’agression sexuelle, laquelle a été signalée par 1,4 % des membres de la force régulière », a précisé Yvan Clermont, directeur du Centre canadien de la statistique juridique, mercredi.
Baisse en public, stable en privé
M. Clermont, qui a dirigé les opérations liées au SISFAC chez Statistique Canada, a par ailleurs indiqué que son équipe a constaté « une diminution de la prévalence de la plupart des comportements sexualisés et discriminatoires mesurés au moyen du sondage ». « Les baisses les plus prononcées ont été observées pour les comportements qui ont tendance à être de nature publique, comme les blagues à caractère sexuel ou les commentaires inappropriés », a-t-il indiqué.
Le hic, c'est que cette baisse ne touche pas tous les types de comportements, plus particulièrement ceux de nature plus privée et qui comptent parmi les comportements les plus graves mesurés au moyen du sondage. On parle ici par exemple d'offrir des avantages à une personne au travail en échange de faveurs sexuelles ou de traiter une personne injustement pour avoir refusé des faveurs sexuelles.
Plus important encore, « la prévalence des agressions sexuelles, soit le comportement le plus grave mesuré par le sondage, n’a pas diminué », a déclaré Yvan Clermont.
Ce sont plus de 36 000 membres des FAC de la force régulière et de la première réserve qui ont répondu au sondage, ce qui représente 44 % de l’effectif total de l'armée, dont les 82 000 membres ont tous été invités à remplir un questionnaire en ligne. Les réponses ont été recueillies de septembre à novembre 2018.