Il reste des obstacles à l’avortement au Canada, même s'il est légal

Des contre-manifestants sont bloqués par les forces policières pour éviter des affrontements lors d'une démonstration pro-vie à Ottawa le 9 mai dernier.
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Bien que la procédure soit légale au Canada, certains défenseurs du droit à l'avortement affirment que les femmes se heurtent encore à des obstacles pour y accéder.
L'avortement n'est pas aussi accessible au Canada que certains pourraient le penser, notamment à cause des difficultés de financement et d'accessibilité aux cliniques, de même qu'en raison des différentes lois provinciales.
Les gens confondent souvent la décriminalisation et l’accessibilité, estime Frédérique Chabot, directrice de la promotion de la santé à Action Canada pour la santé et les droits sexuels.
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Le sujet controversé fait l’objet d’un regain d’attention à la suite de l’adoption de nouvelles interdictions d’avortement aux États-Unis.
Au cours de la dernière année, plusieurs États ont adopté des lois dites « battement de coeur », qui interdisent l'avortement dès qu'un battement de coeur peut être détecté, ce qui peut prendre six semaines après le début de la grossesse. Cette semaine, l’Alabama a interdit aux médecins de pratiquer des avortements.
Aucune de ces lois n'a encore pris effet. La querelle judiciaire pourrait se rendre à la Cour suprême des États-Unis, où les activistes anti-avortement espèrent que la nouvelle majorité conservatrice sera disposée à casser l'arrêt historique de la Cour en matière d’avortement défini dans l’affaire Roe c. Wade, en 1973.
Au Canada, les libéraux fédéraux ont accusé les conservateurs de vouloir rouvrir le débat sur l'avortement, ce que leur chef, Andrew Scheer, a nié.
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« Ça devient vraiment difficile »
L’avortement est un droit légal au Canada depuis 1988, année où la Cour suprême a annulé des lois qui l’interdisaient. Mais pour les femmes vivant en dehors des grands centres urbains comme Toronto, Montréal et Vancouver, accéder à cette procédure « devient vraiment difficile », dit Frédérique Chabot.
L’un de ces obstacles, c'est le financement.
En vertu de la Loi canadienne sur la santé, les services d'avortement sont assurés dans toutes les provinces et tous les territoires. Mais certaines provinces ont limité ce financement.
L'Ontario n'assume pas les frais de l'avortement dans toutes les cliniques, tandis que le Nouveau-Brunswick ne le fait que dans les hôpitaux. Dans son rapport annuel 2016-2017, Santé Canada a déclaré que le manque de couverture au Nouveau-Brunswick « demeure une préoccupation ».
La Coalition pour le droit à l'avortement au Canada (CDAC) affirme que cela ne suffit pas. Selon son interprétation de la Loi canadienne sur la santé, les services d'avortement dans tout le pays doivent être entièrement financés.
Dans le cas du Nouveau-Brunswick, le « gouvernement fédéral n'a pas réussi à pénaliser la province en retenant les paiements de transfert », dit la CDAC.
La distance pour accéder aux services d'avortement peut également être un obstacle. Dans de nombreuses localités éloignées, en particulier celles du Nord, il n'y a pas de cliniques d'avortement ni d'hôpitaux effectuant la procédure.
« Cela implique donc des frais de déplacement importants et une perte de temps de travail pour que les femmes puissent se rendre dans un endroit où elles peuvent y accéder », dit Karen Segal, avocate au Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes (FAEJ).
Selon elle, dans certaines régions, il n’y a que quelques centres de services. Par exemple, en Alberta, on ne trouve que deux cliniques : une à Edmonton et une à Calgary.
Longues listes d'attente
Les conditions requises pour un avortement à l'hôpital varient également d'un gouvernement à l'autre. Les provinces appliquent leur propre législation sur les soins de santé, ce qui peut inclure l'obligation de consulter un médecin. De plus, les hôpitaux ont souvent de longues listes d'attente.
L'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, a refusé tout service d'avortement jusqu'à ce que, après une longue bataille judiciaire, la province accepte en 2016 d'ouvrir une clinique. La province limite les avortements aux neuf premières semaines de grossesse.
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Si un médecin a une objection religieuse à fournir un avortement, il n'est pas obligé de le faire. Ainsi, un médecin pourrait être disponible pour pratiquer un avortement dans un hôpital local, mais un anesthésiste qui s'oppose à cette procédure pourrait refuser de lui prêter assistance.
« Alors, il est très difficile de le faire, car le personnel n'est pas d'accord et ne participera pas à la procédure », dit Mme Segal.
D'autres médecins anti-avortement refusent de recommander une patiente à un autre médecin qui, lui, pratique cette intervention.
La Cour d’appel de l’Ontario a décidé cette semaine que les médecins de la province doivent offrir tous les services médicaux, même ceux qui vont à l’encontre de leurs convictions religieuses, y compris l’avortement.
La Nouvelle-Écosse a contourné le problème des médecins réticents. Au lieu d'obtenir une recommandation d'un médecin, les femmes peuvent appeler un service d'assistance téléphonique géré par le gouvernement provincial.
Selon Sarah Baddeley, présidente de la section d'Halifax de la FAEJ, la région a connu une certaine amélioration en matière d'accès, grâce au service d'assistance téléphonique et à d'autres changements tels qu'un meilleur accès aux échographies et l'abandon de l'exigence d'avoir une échographie.
D'après un texte de Mark Gollom, de CBC News