Le combat d’un élève pour une école pleinement accessible

Téo Roy doit faire son entrée au secondaire dès l'automne 2019.
Photo : Radio-Canada / Daniel Gagné
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Il y a un an et demi, nous posions la question : le Collège Louis-Riel, à Winnipeg, sera-t-il prêt à accueillir son prochain élève à mobilité réduite? La réponse : pas tout à fait. Si plusieurs travaux d'amélioration ont été réalisés, il manque encore la pièce maîtresse du casse-tête : un ascenseur.
Téo Roy, 13 ans, est maintenant en 8e et dernière année à l’École Précieux-Sang, à Saint-Boniface. Dans la suite logique des choses, il devrait se retrouver au Collège Louis-Riel dès la rentrée prochaine. C’est l’établissement secondaire de la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM) le plus proche de chez lui, où vont aller tous ses camarades de classe. Mais l’école n’est pas encore adaptée aux besoins de l'adolescent qui se déplace en fauteuil roulant.
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Ses parents ont pris contact avec le milieu scolaire il y a déjà quatre ans pour demander les changements nécessaires.
« Et presque toute la liste a été adressée, souligne son père, Daniel Roy. Au gymnase, il y a une salle de bain et une salle de rechange accessibles, et en salle de musique, un dispositif pour les chaises roulantes. Et d'autres petites choses seront faites cet été. »
La pièce manquante, c’est l’ascenseur, essentiel pour permettre à Téo de se déplacer entre deux étages.
Il pourrait employer des béquilles, mais descendre ou monter des escaliers en béquilles est un processus compliqué, qui nécessite l’aide d’une autre personne, explique-t-il. « Tu n'as pas beaucoup de temps entre tes cours et j'ai pas le goût d'attendre pour quelqu'un. »
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Pour l’adolescent, c’est une question d’efficacité, mais surtout d’autonomie.
Il estime que la division scolaire a pensé les travaux d’adaptation à l’envers. « Ils avaient quatre ans [...] S’ils avaient commencé plus tôt avec le plus gros travail en premier, l'ascenseur, je serais content. Et après ça, faire les plus petits travaux. »
Téo et sa famille doivent donc opter pour le Centre scolaire Léo-Rémillard. La seule autre école secondaire de la DSFM à Winnipeg, située dans le sud de la ville, est une construction plus moderne qui est adaptée. « J’ai pas le goût de prendre 30 minutes de route pour me rendre à l'école, mais si j'ai besoin de le faire pour être indépendant, je vais le faire », affirme Téo.
Discussions avec la province
La DSFM assure qu’elle n’a pas lâché le morceau ces dernières années. L’attente d’un projet d’école des métiers au Collège Louis-Riel a compliqué les choses, soutient le directeur général, Alain Laberge.
« En 2014-2015, la province nous avait indiqué que nous allions avoir ici une école d'art culinaire, qui venait avec un ascenseur. Puis en 2016, on nous a indiqué que c'était peut-être pas tout de suite dans les plans. Nous, on s'est un peu fiés là-dessus, parce qu'un ascenseur c'est entre 500 000 $ et 1 million de dollars de coûts, et malheureusement, ça n’a pas vu le jour. »
« On ne voulait pas aller directement à l'encontre de ce que le Ministère nous disait et faire un ascenseur individuel à part, poursuit-il. Dès qu'on a eu [une indication] que c'était de moins en moins garanti, on est allés vers des plans B. »
Parmi les solutions de rechange, un monte-charge, tombé à l’eau, car non conforme aux exigences des services d’incendie, ou encore une chenille monte-escalier, mais qui pose aussi des problèmes d’autonomie pour l’élève.
La division scolaire dit avoir fait, il y a quelques mois, une « demande d’urgence » à la province pour recevoir les fonds pour installer un ascenseur, sans succès. « Nous avons même offert de payer nous-mêmes avec un remboursement dans les années à venir. »
Alain Laberge ajoute que les écoles de la DSFM se trouvent en concurrence avec toutes les écoles manitobaines qui ont des besoins semblables.
Dans un courriel adressé à Radio-Canada, un porte-parole de la province affirme que les discussions avec la DSFM « se poursuivent ».
« La province prend en compte plusieurs facteurs pour donner la priorité aux projets d’ascenseurs dans les écoles existantes, notamment le nombre d’élèves nécessitant l’utilisation d’un ascenseur ainsi que le nombre d’années que ces élèves seront dans ces écoles. »
Le long chemin et les lenteurs du système
Peu importe « à qui la faute », le résultat pour Téo, c’est qu’il n’ira pas dans la même école que tous ses amis. Seule différence, son fauteuil roulant. Il a l’impression que le système n’a pas assuré, tout simplement. « Ça descend mon énergie un peu », confie l’adolescent.
« Ce n’est pas qu'il ne va pas se faire de nouveaux amis, enchaîne son père, Daniel Roy. C'est un gars sociable, mais, vraiment, ç’a été une bataille jusqu'à date et c’est fatiguant et frustrant pour les familles, d'avoir à toujours plaidoyer. »
Il considère que cet exemple, parmi d’autres, montre concrètement le chemin à faire pour garantir vraiment l’accessibilité et s’interroge sur la pertinence d’avoir une loi là-dessus au Manitoba, « peut-être plus symbolique qu’autre chose ».
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Encore une fois, c’est à Téo de s’adapter, souligne M. Roy.
Un porte-parole de la province a répondu : « La Loi sur l'accessibilité pour les Manitobains n'impose pas d'exigences pour les nouvelles constructions ou les rénovations de bâtiments existants, mais invite les organisations du secteur public à créer des plans d'accessibilité tenant compte de priorités d'accessibilité à long terme. »
« Il faut absolument qu'on soit plus proactifs pour toutes nos écoles », reconnaît Alain Laberge.
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Il reconnaît qu’il y a aussi un aspect communautaire unique à prendre en compte à la DSFM. « Les gens pourraient dire : "Vous avez une école à une dizaine de kilomètres d'ici qui a un ascenseur, alors [dans ce cas-ci] vous pouvez offrir l'éducation à cet élève." Oui, on peut le faire, mais c'est un peu dénaturer, pour les écoles francophones, l'esprit communautaire. »
« Ces élèves qui arrivent au Collège Louis-Riel proviennent de trois écoles nourricières. Là, on lui demande un peu de perdre son réseau social, ses amis et connaissances. Je comprends qu'on n’a pas les fonds, à la province, pour avoir des ascenseurs partout, mais le cas de la DSFM est différent parce qu'on n’a pas une école à 2 kilomètres d'ici pour accueillir cet élève. »
Téo, enfin, rappelle qu’il est peut-être au centre de cette histoire maintenant, mais il s’agit aussi de préparer le terrain pour les suivants. « Il y a d'autres personnes à mon école, s’ils vont à Louis-Riel, ils vont avoir besoin d'un ascenseur. Et c’est toujours bien d’avoir un ascenseur dans tous les cas, si un élève se fait mal, par exemple. »