La réforme du mode de scrutin pourrait prendre de 30 à 42 mois

Le premier ministre du Québec, François Legault
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) prévient le gouvernement de François Legault qu'il devra composer avec des délais de plus de trois ans s'il entend réformer le mode de scrutin d'ici les élections générales de 2022. « J'ai pris l'engagement de déposer un projet de loi d'ici le 1er octobre et on va respecter cet engagement », répond François Legault.
Le DGEQ, Pierre Reid, évalue que la réforme nécessitera de 30 à 42 mois – presque quatre ans – pour préparer une élection générale, « tout en préservant l'intégrité des élections ».
Selon les évaluations du DGE, le projet de loi doit être adopté au plus tard en décembre 2019 pour que la prochaine législature soit élue sous un nouveau mode de scrutin.
Le DGEQ a fait part de son analyse dans une lettre datée du 3 avril dernier et adressée à la ministre LeBel, qui l'a rendue publique jeudi. « On va continuer à travailler, a déclaré Sonia LeBel en impromptu de presse, jeudi, dans les couloirs de l'Assemblée nationale. Tout est encore sur la table. »
« Il faut travailler avec ces paramètres-là, dit-elle. Le DGEQ est indépendant. Donc c’est la donnée qu’on ne contrôle pas. »
On est toujours engagés à discuter avec nos partenaires et les oppositions, et notre propre caucus, et la société civile pour travailler à déposer un projet de loi qui est crédible, qui répond aux attentes et qui répond à un certain consensus.
L'analyse du DGEQ a été menée à la suite de l'adoption, en janvier dernier, par le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ), d'un décret qui mandatait la ministre de consulter le DGEQ, et ce, en vue de la rédaction d'un projet de loi.
La réforme, une promesse qu'avait faite François Legault en campagne électorale, vise à remplacer le mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour, qui est celui du Québec actuellement, par un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire, avec listes régionales.
Cette réforme entraînerait de profonds changements pour les électeurs québécois et leurs élus.
« C’est un virage qui est sérieux, qui est important, on va prendre le temps de bien faire les choses », assure la ministre LeBel.
« Ça peut aller très vite » - Jean-Pierre Charbonneau
Jean-Pierre Charbonneau remet en question les délais mis en avant par le DGEQ.
« C’est pas vrai qu’on est obligés de prendre le chemin le plus long », affirme celui qui fut ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques dans le gouvernement péquiste de Bernard Landry en 2002-2003.
Aujourd'hui président du Mouvement démocratie nouvelle, un organisme citoyen non partisan, Jean-Pierre Charbonneau affirme que l'ex-DGEQ Marcel Blanchet avait déclaré à l'Assemblée nationale : « En deux ans, je suis capable de faire ce qui doit être fait ». C'était en 2007 et M. Blanchet avait étudié le dossier de la réforme du mode de scrutin pendant une année, soit « pas mal plus que l'actuel DGE », selon Jean-Pierre Charbonneau.
Pour mener la réforme plus rondement et respecter l'engagement électoral de 2022 en vertu d'un nouveau mode de scrutin, il existe un « raccourci simple », dit M. Charbonneau.
Ainsi, pour la première élection générale, la carte électorale serait découpée en fonction des circonscriptions déjà délimitées par le gouvernement fédéral et des délimitations des municipalités régionales de comté (MRC) ou des régions administratives du Québec. Cela éviterait les longues consultations nécessaires lorsqu'on refait la carte électorale du tout au tout, dit M. Charbonneau.
« Il n’y aurait pas de discussion », dit-il. Au fédéral, la carte a été faite comme au Québec par un DGE « qui n’a pas tripoté dans la carte électorale comme ça se faisait à une autre époque pour essayer de découper la carte selon des intérêts partisans », explique-t-il.
Moins d'un an en Écosse...
Ce raccourci a été expérimenté par l'Écosse et par le Pays de Galles qui ont adopté des législations et tenu des élections en moins d'un an. Le tout en passant « du mode de scrutin qu’on a au Québec au mode de scrutin qu’on veut avoir, avec le même type de système parlementaire et de système politique », dit Jean-Pierre Charbonneau.
Jean-Pierre Charbonneau affirme qu'il appartient à l'Assemblée nationale, et non au DGEQ, de déterminer le mode de scrutin.
Le 9 mai 2018, les partis d’opposition à Québec étaient parvenus à un rare consensus pour mettre en place un nouveau mode de scrutin proportionnel mixte pour les élections de 2022.
La CAQ, le Parti québécois, Québec solidaire et le Parti vert avaient signé une entente appuyée par le Mouvement démocratie nouvelle, entente par laquelle ils s'engageaient à travailler ensemble pour abolir le mode actuel de scrutin, uninominal à un tour, s'ils prenaient le pouvoir.
Jean-Pierre Charbonneau affirme qu’il rencontrera les représentants des partis signataires de cette entente la semaine prochaine, pour discuter des délais envisagés par le DGEQ.
Le DGE s'explique à MIDI INFO
Le directeur général des élections, Pierre Reid, a justifié les délais envisagés au micro de Midi info sur ICI Première, vendredi.
Selon lui, « ça règle rien » de recourir au découpage en place au fédéral. La réforme du mode de scrutin requiert, dit-il, d'effectuer une panoplie d'activités, certaines de manière consécutive et d'autres non.
Pierre Reid donne l'exemple des systèmes informatiques, actuellement au nombre de douze, et qui sont à revoir. Particulièrement si on passe d'un seul territoire électoral à deux, dit-il. C'est-à-dire un territoire pour les députés représentant des circonscriptions et un autre pour les sièges de compensation, qui seraient distribués en fonction du pourcentage de votes obtenus par chaque parti politique.
Il faudra aussi décider si l'on remet à l'électeur un ou deux bulletins de vote, revoir les règles entourant le dépouillement du vote et aussi, les règles de financement, ajoute M. Reid. Ce dernier aspect est important selon lui : « ces règles seront-elles les mêmes pour les candidats de circonscriptions que pour ceux inscrits aux listes régionales des députés de compensation ? »
Le DGE du Québec dit aussi que l'Assemblée nationale elle-même de nombreuses tâches à abattre, l'une d'elles consistant à revoir la Loi sur les consultations populaires.