Le pape François oblige légalement le clergé à signaler les abus sexuels

Une fillette est présentée au pape François lors de l'audience hebdomadaire tenue mercredi 8 mai sur la place Saint-Pierre, au Vatican.
Photo : La Presse canadienne / AP/Alessandra Tarantino
Le pape François modifie le droit canon pour obliger les membres du clergé à rapporter aux autorités religieuses tout abus sexuel d'un membre de l'Église, interdire toute dissimulation de tels faits et forcer tous les diocèses à se doter d'un système de signalement accessible au public.
Ces décisions sont consignées dans une lettre apostolique intitulée Vos Estis Lux Mundi (Vous êtes la Lumière du monde), qui décrit en 19 articles les modifications apportées au droit canon, soit la législation interne de l'Église catholique.
Le texte condamne toute violence sexuelle, en mettant l'accent sur les mineurs et les personnes vulnérables. Cela inclut donc les cas de violence contre des religieuses par des clercs, ou le harcèlement de séminaristes ou de novices.
Le souverain pontife rappelle aussi qu'il est interdit de produire, détenir et distribuer par voie informatique du « matériel pédopornographique ».
La lettre oblige légalement la dénonciation d'abus sexuels « dans les meilleurs délais » par les prêtres, religieux et religieuses. Les laïcs travaillant pour l'Église sont pour leur part encouragés à signaler les cas d'abus et de harcèlement.
Si des soupçons visent des personnes ayant une position hiérarchique – cardinaux, patriarches, évêques – le signalement pourra être adressé à un archevêque métropolitain chapeautant les évêques d'une province, voire directement au Saint-Siège.
Le pape spécifie en toutes lettres que la hiérarchie de l'Église est condamnable en cas d'actions « visant à interférer ou éluder des enquêtes civiles ou des enquêtes canoniques, administratives ou pénales ouvertes à l'encontre d'un clerc ou d'un religieux ».
Jusqu'à présent, les clercs, religieux et religieuses dénonçaient des cas de violence en fonction de leur conscience personnelle.
90 jours pour examiner une plainte
La lettre apostolique stipule en outre que le système de signalement des diocèses devra être « facilement accessible » afin que le public puisse porter plainte dans des cas d'agressions sexuelles, de harcèlement ou de diffusion d'images pédopornographiques.
Toute plainte devra être examinée en 90 jours.
Les signalements rétroactifs seront en outre permis, afin que des victimes ayant subi des abus il y a déjà longtemps puissent s'en prévaloir.
Le pape a néanmoins souhaité que le secret de la confession demeure absolu, ce qui exclut donc une dénonciation de faits rapportés par un fidèle dans le confessionnal.
La nouvelle législation de l'Église ne comporte par ailleurs aucune obligation de signalement aux autorités judiciaires, sauf si les lois en vigueur dans un pays rendent cela obligatoire, et ne modifie pas non plus les peines déjà prévues.
Les abus sexuels « offensent notre Seigneur »
Dans l'introduction de sa lettre apostolique, le pape François souligne que « les crimes d'abus sexuel offensent Notre Seigneur et causent des dommages physiques, psychologiques et spirituels aux victimes ».
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« Pour que ces phénomènes, sous toutes leurs formes, ne se reproduisent plus, il faut une conversion continue et profonde des coeurs, attestée par des actions concrètes et efficaces qui impliquent chacun dans l'Église », écrit-il.
Lors d'un sommet inédit tenu au Vatican en février, le pape François avait réclamé des mesures « concrètes et efficaces » pour lutter contre les agressions sexuelles de mineurs perpétrées par des membres du clergé, en réponse aux victimes qui souhaitent un électrochoc.
Au terme de la rencontre, il avait appelé à une « bataille totale » contre les crimes pédophiles, qui secouent l'institution partout dans le monde.