Talonnés par la Nouvelle-Écosse, les vignerons du Québec réclament de l'aide

Un vignoble
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Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les vignerons du Québec craignent que leur industrie soit en train de prendre du retard au Canada. Pour accélérer leur croissance, ils demandent au gouvernement provincial d'investir avec eux. Sans cet appui, ils redoutent de se faire doubler par la Nouvelle-Écosse, où la viniculture connaît un essor sans précédent.
« Là, on n'a pas assez de raisins. On n'a pas assez de surface de vignes », résume le vice-président du Conseil des vins du Québec (CVQ), Louis Denault.
Lui-même propriétaire d’un vignoble sur l’île d’Orléans, il constate que les consommateurs s’arrachent de plus en plus les vins du terroir. Or, le Québec ne produit que 2,3 millions de bouteilles; les ruptures de stock sont devenues fréquentes.
Le CVQ s’est donc fixé un objectif ambitieux : avoir plus de 1000 hectares de vignes en production au Québec d’ici 2025. C’est presque le double de la surface qui était en production en 2016.
Pour y parvenir, il faudra planter de la vigne, et vite. Un plan de développement pour l’industrie vitivinicole québécoise a d’ailleurs été présenté récemment au gouvernement provincial par le CVQ.
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La mesure phare du plan est simple : que le gouvernement provincial débloque de 25 à 35 millions de dollars afin de subventionner la plantation de vignes au Québec pendant 5 ans.
Selon M. Denault, cette somme permettrait d’aider grandement les producteurs, car planter de la vigne peut coûter jusqu’à 100 000 $ par hectare, lorsqu’il est question de cépages européens comme le pinot noir ou le riesling.
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Suivre l’exemple des autres provinces
Avec ce plan, le CVQ n’invente rien. Dans les années 1990, l’Ontario a largement subventionné la plantation de cépages européens afin de donner un coup de pouce à son industrie vinicole. La Colombie-Britannique a aussi agi en ce sens.
« Présentement, c’est la Nouvelle-Écosse qui emboîte le pas », indique M. Denault. En 2016, cette province maritime a effectivement débloqué 12 millions de dollars sur 4 ans, notamment pour la plantation de vignes.
M. Denault avoue qu’il est « envieux », d’autant plus que la Nouvelle-Écosse n’a pas vraiment un climat plus propice que celui du Québec pour cultiver la vigne.
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Le vice-président du CVQ croit que le Québec gagnerait à imiter ce modèle. Ses observations sont partagées par Karine Pedneault, qui effectue des recherches sur la vigne à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse.
« On est parti d'une industrie qui était une micro-industrie […] plus petite qu'au Québec, en passant, et puis tranquillement, assez rapidement même, ça se développe grâce à ce programme-là », dit-elle.
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En moins de 10 ans, le nombre de vignobles a presque doublé en Nouvelle-Écosse, et on compte aujourd’hui plus de 300 hectares de vignes.
Mme Pedneault rappelle que la viniculture est une porte ouverte sur « l’agrotourisme, la restauration et l’embauche de personnel ».
Une étude réalisée en 2015 au pays rapportait d’ailleurs que chaque dollar investi dans l’industrie du vin, au Canada, génère 3,42 $ de produit intérieur brut.
Une industrie bien enracinée
Au-delà de la plantation de vignes, le plan de développement du CVQ réclame aussi de l’aide financière pour acheter du matériel pour le chai, comme des cuves en acier inoxydable ou des pressoirs à raisins.
Le plan demande également une aide pour l’achat de matériel viticole, comme la machinerie pour protéger les vignes du froid, l’hiver.
Le vice-président du CVQ croit que le gouvernement québécois aurait tout à gagner en subventionnant l’industrie du vin, car elle ne pourra jamais être délocalisée.
« Toutes les vignes qui vont être plantées au Québec, ça va créer de la richesse parce que ça va rester ici. Demain matin, moi, je ne dirai pas : "OK, là j'ai de l'argent, je vais prendre ma vigne et je vais l'emmener en Chine!" », illustre-t-il.
Québec « n’est pas contre »
Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne, n’était pas disponible pour accorder une entrevue à Radio-Canada.
Par courriel, son cabinet a toutefois indiqué que le ministre « n’est pas contre le plan de développement proposé par l’industrie ».
Il s’agit néanmoins d’une « demande d’aide financière d’envergure […] qui devra faire l’objet d’une analyse approfondie », écrit-on.
Le cabinet a aussi tenu à rappeler qu’il existe déjà certains programmes agroalimentaires accessibles pour tous les producteurs agricoles, y compris les vignerons.
« Ce qui est décevant, c'est qu'ils ne veulent pas avoir de programme sectoriel, déplore Louis Denault. Encore là, ils veulent être justes avec tout le monde, comme un bon père de famille qui veut [répartir] son argent un peu partout, à parts égales dans tous ses secteurs. »