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Une eau embouteillée à Malartic aux propriétés vertueuses : vrai ou faux?

Des bouteilles d'eau sur une chaîne de montage.

L'entreprise souhaite vendre son eau embouteillée aux quatre coins du Québec.

Photo : Radio-Canada

L'entreprise l'Or bleu, de Malartic en Abitibi-Témiscamingue, compte exporter sous peu aux quatre coins du Québec un nouveau type d'eau embouteillé présenté comme étant « structurée et dynamisée par vortex ». Elle aurait des propriétés vertueuses, selon l'entreprise, ce que réfutent des spécialistes du traitement des eaux.

Le produit intitulé « Aqua Boost » serait beaucoup plus hydratant qu’une eau régulière, selon le concepteur, Yvan René Guay, qui affirme être président d’une entreprise nommée ABM Médics.

Son procédé permettrait de « fractionner » les molécules d’eau, affirme-t-il en entrevue. À partir d’une molécule, on en fait une centaine et elles sont donc plus assimilables par les métabolismes, affirme-t-il.

Ça permet à ceux qui en prennent d’avoir une meilleure vitalité, une meilleure énergie, une meilleure santé.

Une citation de Yvan René Guay

L’eau transiterait dans un « vortex » (brassage d’eau dans un cylindre), pour « fractionner les molécules d’eau ». Dans la conduite, il y aurait des « pierres précieuses », dont de l’or, du jade vert et des rubis. Le tout se conclurait par l’apport des infrarouges lointains, ce qui permet de conserver la haute teneur énergétique de l’eau.

M. Guay affirme que son concept augmenterait la durée de vie des aliments cultivés avec cette eau de 50 %. Ça réduit la mortalité des poulets de 50 %, ajoute-t-il. Les cocottes de cannabis seraient aussi deux fois plus grosses, toujours grâce à son eau.

Le «vortex» dont parle le concepteur.

Le «vortex» dont parle le concepteur.

Photo : Radio-Canada

Des propos mis en doute par des scientifiques

Radio-Canada a soumis un enregistrement des explications de M. Guay à deux professeurs spécialisés dans le traitement de l’eau depuis plusieurs années, mais ils n’ont pas procédé à une analyse d’un échantillon de l’eau. Ils sont unanimes dans leur analyse des propos du concepteur.

Je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit de bénéfique à faire les manipulations décrites, considère le professeur Yves Comeau, de l'école Polytechnique de Montréal, qui se questionne même si les composés inertes ajoutés ne pourraient pas plutôt nuire à la qualité de l’eau. Mais l’effet placebo est bien réel, conclut-il.

Le professeur en technologie de l’eau au Cégep de Saint-Laurent Mathieu Bergeron estime que les explications de M. Guay sont incohérentes. On utilise beaucoup de termes scientifiques pour essayer de vendre un produit, mais en réalité, les liens qui sont faits ne tiennent pas la route, s’exclame-t-il.

Il raconte qu’il crée des molécules, qu’à partir d’une, il va en faire une centaine. Il y a quelqu’un [Jésus] qui a déjà fait cela avec du pain, puis ça fait 2000 ans.

Une citation de Mathieu Bergeron

Une eau ne peut pas être plus hydratante qu’une autre eau, considère M. Bergeron. Il va parler que l’eau est plus hydratante, mais je regrette, il n’y a pas de fondement scientifique là-dedans.

Le professeur Benoît Barbeau, aussi de l’école Polytechnique, est du même avis. Où sont les preuves scientifiques? S’il n’y en a pas, il n’y a rien à discuter, nous a-t-il répondu par courriel.

L’embouteilleur et un utilisateur y croient toujours

Invité à réagir aux constats des professeurs, le propriétaire de l’Or bleu, Claude Ricard, qui embouteille de l’eau depuis plusieurs années, demeure convaincu que cette nouvelle eau est bel et bien plus hydratante.

Il fonde notamment sa conviction sur l’utilisation du concept par l’entreprise Aquafushia, depuis presque deux ans. Le propriétaire de cette entreprise spécialisée dans la culture de luzernes et de pousses, Jean Pierre Joseph, affirme que ses produits ont « un meilleur goût » et une meilleure longévité sur les tablettes des épiceries grâce à cette eau.

Un homme portant une chemise de La Source d'eau accorde une entrevue à la caméra.

Claude Richard

Photo : Radio-Canada

Mais si la technologie ne fonctionnait pas, il n’y aurait pas des gens qui auraient ce système. C’est sûr que comment ça marche, on ne le sait pas tout.

Une citation de Claude Ricard

Les deux entrepreneurs concèdent aussi ne pas savoir avec exactitude comment fonctionne le mécanisme qui a été installé dans leurs entreprises par Yvan René Guay.

Et la science?

Questionné sur le constat des chercheurs, le concepteur Yvan René Guay maintient son point. Il affirme qu’il existe « 1750 recherches » portant sur l’eau structurée dynamisée par vortex.

Est-ce qu’ils [les chercheurs] ont Google, est-ce qu’ils sont en mesure de faire des recherches et de consulter les recherches qui existent?

Une citation de Yvan René Guay

Quant à savoir s’il existe des preuves scientifiques des performances sur son système, il se contente de rappeler l’appréciation de son produit par le président d’Aquafuchsia

Des demi-vérités

Il prétend que son eau Aqua Boost est brevetée au Canada. Nous avons vérifié auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, qui n’a aucune trace d’un tel brevet. M. Ricard affirme qu’une demande a été déposée, mais que l’information n’est peut-être pas à jour.

Il affirme aussi que l’Université de Sherbrooke mène une étude pour le compte de l’Armée canadienne sur l’eau dynamisée par vortex. L’université parle plutôt d’une étude portant sur l’adaptation du corps humain à la déshydratation. M. Guay maintient son point.

Un homme pointe un système de lumières au néon.

Claude Ricard explique ses installations.

Photo : Radio-Canada

Enjeux légaux

Les embouteilleurs d’eau n’ont pas besoin d’une autorisation préalable de Santé Canada avant d’être mis en marché. Le producteur doit toutefois soumettre une série de documents au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, qui n’a pas voulu commenter le cas d’Aqua Boost.

Selon les deux hommes d’affaires, Yvan René Guay et Claude Ricard, l’eau Aqua Boost sera distribuée incessamment avec l’aide d’Aquafuchsia, qui est présent massivement dans les épiceries au Québec.

Le professeur Mathieu Bergeron se questionne quant à lui sur le mécanisme de surveillance. Comment se fait-il qu’un produit comme cela puisse se retrouver sur nos tablettes?,conclut-il.

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