L’impact de la loi de Clare soulève des questions en Saskatchewan

Lani Elliott milite aussi pour les victimes de violence domestique.
Photo : La Presse canadienne / Michael Bell
Fraîchement adoptée par la Saskatchewan, la loi de Clare, qui permet aux victimes et aux victimes potentielles de violence familiale d'obtenir des renseignements de la police sur le passé violent de leur conjoint, ne fait pas l'unanimité dans la province.
Avant même de raconter ce qui lui est arrivé, Lani Elliott le dit d’entrée de jeu : une telle loi ne l’aurait pas aidée.
L’origine de la loi de Clare
- Adoptée en Royaume-Uni en 2014 après le meurtre de Clare Wood.
- La femme de 36 ans avait été abattue par son ex-conjoint cinq ans plus tôt.
- Clare Wood ignorait que George Appleton, qu’elle fréquentait depuis 15 mois, avait déjà été reconnu coupable de violence.
Elle n’oubliera jamais la violence qu'elle a subie en 1993 de la part de son mari de l’époque.
Le couple, habitant sur les terres d'une Première Nation, était en voiture et se dirigeait vers Regina. Tout à coup, son mari est devenu agité, a immobilisé le véhicule sur le côté de la route, s'est mis à la pourchasser avant de la battre.
Mme Elliott se souvient encore des coups de bâton de baseball qu’elle a reçus et de l’image de son fils bien ancrée dans sa tête.
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Après cet épisode de violence, le couple a repris la route et l’homme s'est mis à parler tout bonnement « de ce qu'[ils allaient] acheter à l’épicerie ».
Lani Elliott a par la suite puisé dans ses forces pour quitter cette relation malsaine. Elle milite aussi pour les victimes de violence domestique.
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La raison pour laquelle la loi de Clare n’aurait nullement aidé Lani Elliot est fort simple : l’homme dont elle a subi les violences avait un casier judiciaire vierge. Vivant en milieu rural, elle avait besoin d’une chose : des ressources pour s’en sortir, rappelle-t-elle.
« Pas la solution »
La Saskatchewan a adopté jeudi en troisième lecture la loi de Clare, qui sera donc mise en place dans l’année.
L'Alberta pourrait bien être la prochaine province à faire de même. Son nouveau premier ministre, Jason Kenney, a fait la promesse de déposer un projet de loi similaire avant son élection, le mois dernier.
Certains avocats estiment que la loi de Clare est un outil de protection supplémentaire pour les victimes. D’autres doutent qu’elle puisse réellement réduire le taux de violence domestique et s’inquiètent du rôle que va jouer la police.
La directrice des maisons d’hébergement et des refuges pour femmes victimes de violence conjugale au YMCA de Regina, Hillary Aitken, fait partie du second groupe.
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Selon elle, les victimes manquent plutôt de ressources appropriées pour rompre en toute sécurité des relations dangereuses. Elles doivent également surmonter des obstacles, comme trouver un logement, en continuant à prendre soin de leurs enfants, le cas échéant.
De plus, il peut aussi avoir des problèmes de dépendance et de santé mentale dans certains cas plus complexes, note Mme Aitken.
Le ministre de la Justice de la Saskatchewan, Don Morgan, précise que la loi de Clare se voulait préventive et qu’elle s’appliquait aux personnes dont la relation n’en était qu’à ses débuts, c’est-à-dire avant que la violence ne dégénère.
De son côté, la directrice générale de l’Association provinciale des maisons d’hébergement pour femmes de la Saskatchewan, Jo-Anne Dusel, dit que la loi de Clare n’aidera probablement qu’un petit nombre de victimes.
Conditions de divulgation
Les policiers ne fourniraient les informations demandées qu’au cas par cas, s’ils estiment que le danger est réel.
La divulgation des renseignements n’est donc pas automatique, même si la personne visée a un passé de violence.
Selon Jo-Anne Dusel, seule une partie de la population du Royaume-Uni a eu recours à la loi, et la police n’a révélé des informations que la moitié du temps.
Le Service des coroners de la Saskatchewan a noté que 71 personnes avaient été victimes d’un homicide domestique entre 2005 et 2019.
Mme Dusel milite auprès de la province pour que son groupe soit présent lorsque les victimes ou les victimes potentielles reçoivent une réponse de la police. Peu importe les informations obtenues, l’Association provinciale des maisons de transition pourra ensuite informer ces personnes vulnérables sur les étapes à suivre.
Selon les données, les femmes autochtones présentent trois fois plus de risques d’être victimes de violence domestique que les femmes non-autochtones. Une statistique qui inquiète Hillary Aitken, qui crait que les Autochtones ne soient moins enclines à demander l’aide de la police.
En revanche, Darlene Okemaysim-Sicotte, une femme de Saskatoon qui milite pour les femmes autochtones disparues et assassinées, affirme que la loi de Clare pourrait s’avérer une belle occasion pour la police de renforcer la confiance avec les femmes autochtones.
D'après des informations de Stephanie Taylor de La Presse canadienne