Archives80 ans de création et d’innovation à l’ONF

Le cinéaste Norman McLaren est l'un des nombreux artisans qui ont participé à la renommée de l'Office national du film.
Photo : Radio-Canada / ONF
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le déménagement de l'Office national du film (ONF) dans le Quartier des spectacles de Montréal s'amorce le 9 septembre 2019. Une transition de taille pour cet organisme public fédéral qui célèbre également son 80e anniversaire cette année. À travers nos archives, découvrez la riche histoire de l'ONF.
L'ONF a été créé le 2 mai 1939 par le gouvernement fédéral sous les recommandations du cinéaste John Grierson, avec le mandat de produire et de distribuer des films et des œuvres audiovisuelles.
Financé par le Parlement, il doit devenir « les yeux du Canada », conformément au souhait de son fondateur et premier commissaire.
La fondation de l’ONF est évoquée dans cet extrait du documentaire Cinéma d’ici - Les origines, diffusé le 28 mai 1972.

Le journaliste Pierre Nadeau s’entretient notamment avec Ross McLean qui a épaulé John Grierson, avant de lui succéder comme commissaire de l’ONF.
Il explique qu’à l’origine, le gouvernement canadien voulait s’inspirer du film documentaire tel qu’on le concevait en Grande-Bretagne.
Le cinéaste britannique John Grierson avait été mandaté pour analyser l'état du cinéma au Canada et proposer une formule pour en encourager la production.
Une fois son étude terminée et le texte de loi rédigé, le premier ministre Mackenzie King lui avait demandé de rester au Canada pour endosser le rôle de premier commissaire à la cinématographie.
La guerre allait donner à l'Office une chance inouïe. Il fallait faire connaître l'effort de guerre aux Canadiens et aux étrangers. Ottawa allait enfin donner à Grierson et à ses associés la liberté et les moyens de faire des films.
D’abord utilisé comme outil de propagande et d’affirmation de l’identité canadienne, l’ONF devient graduellement un lieu d’expression et de création.
En 1941, un studio d’animation est instauré sous la direction de Norman McLaren. L'arrivée de ce réalisateur écossais de renom permettra à l’ONF de s'orienter vers un nouveau genre : le film d'animation.
Puis, en 1956, l’ONF établit son siège social dans la métropole québécoise.
Un quartier général à Montréal

En 1956, l'ONF a établi son siège social à Montréal.
Photo : Radio-Canada
Nous ne sommes – ici au Canada – ni Français ni Anglais, mais Canadiens, Canadiens d'Amérique du Nord. Notre patrie est un pays nouveau. C'est un pays de pionniers. C'est un pays du Nord.
Le secrétaire d’État du Canada John Pickersgill exprime clairement les motifs de ce déménagement lors de la cérémonie d’inauguration du nouvel immeuble à Ville Saint-Laurent.
L’ONF souhaite désormais refléter les deux aspects de la nation canadienne. Deux cultures, mais « une seule nation », souligne l’honorable John Pickersgill.
« La ville de Montréal est une ville de langue française et c'est aussi une ville de langue anglaise », explique-t-il. « C'est la ville la plus canadienne au confluent des deux cultures de tout le pays. »
Cette direction, doublée de la création d’une unité francophone dans les années 60, fera émerger une génération de cinéastes.
Gilles Groulx, Pierre Perreault, Fernand Dansereau, Gilles Carle, Denys Arcand et bien d'autres feront leurs débuts à l'ONF.
Un laboratoire de créativité

Le 11 février 1961, l’émission Images en tête animée par Pierre Nadeau se penche sur une production originale de l’ONF.
Le journaliste se rend au Forum de Montréal où se prépare le tournage du documentaire La lutte.
Tour à tour, les artisans de ce film phare de l’ONF s’expriment sur leur travail.
« On est en train de faire un film semi-anthropologique sur la lutte », explique le réalisateur Claude Fournier. « Je dis semi-anthropologique, parce que ça donne un air sérieux à un film qui en fait va être sérieux. »
Pour convaincre la direction de la pertinence de sa démarche, il est allé chercher la collaboration du sémiologue français Roland Barthes.
Autour de lui, les caméramans Michel Brault et Claude Jutra s’activent. Ils doivent préparer les huit caméras qui capteront les moindres détails du match prévu, sans oublier la foule.
Le journaliste Pierre Nadeau se demande si les gens ne seront pas intimidés par la présence de l’équipe de production.
« Ils vont être tellement pris par le spectacle que notre spectacle à nous ne sera pas intéressant », assure Michel Brault avec un sourire espiègle.
Son collègue Marcel Carrière mise sur une autre stratégie : « On fait ça un peu à la sauvette, en étant hypocrite et en cachant le micro en arrière, en se baladant sans regarder les gens quoi! »
Le preneur de son a déjà capté quelques ambiances : l’entrée des spectateurs, le crieur de journaux et le vendeur de crème glacée.
Caché sous l’arène avec sa caméra, Claude Jutra compte pour sa part s’attarder à quelques amateurs choisis dans les gradins. Il souhaite aussi les interroger afin de mieux les comprendre.
Sous nos yeux, c’est le cinéma direct qui prend forme. Un style cinématographique qui fera la renommée de l’ONF.
Pourquoi pas nous?

Un autre exemple d’innovation à l’ONF est le Studio D auquel s’intéresse la journaliste Minou Petrowski à l’émission Femme d’aujourd’hui du 19 avril 1976.
Décrit par la journaliste comme l’atelier vidéo des femmes, le Studio D est une initiative unique à l’époque. Il permet à toute femme qui travaille à l’ONF de toucher aux métiers du cinéma dans le cadre d’une formation en vidéographie.
Minou Petrowski donne entre autres la parole à Huguette Bergeron, secrétaire à la production anglaise, Michelle Bischoff, commis à la photothèque, et Cécile Rodrigue, enseignante en français langue seconde.
Par cet atelier, elles ont découvert un nouvel intérêt, une nouvelle voix.
L’ONF aujourd’hui
80 ans plus tard, on ne compte plus les faits d’armes de l’ONF. Maintes fois primées, les créations de l’organisme public fédéral ont fait le tour du monde.
La production audiovisuelle de l’ONF est si riche que l’on a même eu l’idée de concevoir des films à partir de la collection conservée dans ses voûtes.

Comme le montre ce reportage de Mélanye Boissonnault au Téléjournal du 9 février 2018, c’est le cinéaste Luc Bourdon qui s’est affairé à cet exercice d'exploration et de collage.
Il a réalisé deux films documentaires en se plongeant dans les archives de l’ONF.
Sorti en 2008, La mémoire des anges portait sur le Montréal des années 1950 et 1960. Son dernier film, La part du diable, revient pour sa part sur les petits et grands moments d'un Québec en pleine ébullition dans les années 1960 et 1970.

Le déménagement des bureaux de l’ONF dans un immeuble au cœur du Quartier des spectacles de Montréal marquera certainement une autre étape dans le cheminement de ce haut lieu de création.
Ce reportage de Maxence Bilodeau diffusé au Téléjournal du 24 janvier 2018 illustre bien toute l’histoire que les artisans de l’ONF laisseront derrière eux.
Comme le souligne Hugues Sweeney, producteur exécutif au studio interactif de l’ONF, le déménagement pourra certainement stimuler un secteur dans lequel l’ONF se distingue déjà : la réalité virtuelle et les productions interactives.