Le Canada a refusé l’entrée au pays à Carles Puigdemont

L'ancien président catalan Carles Puigdemont
Photo : Reuters / Hannibal Hanschke
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'ex-président catalan Carles Puigdemont conteste, en cour fédérale à Montréal, une décision du gouvernement du Canada qui l'empêche de venir au pays dans le cadre d'une visite organisée par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB).
Les démarches pour faire venir M. Puigdemont ont commencé l’automne dernier. La SSJB de Montréal prévoyait une tournée au Québec qui commençait le 2 avril avec une conférence de presse, puis une visite à l’Assemblée nationale à Québec le lendemain et d’autres activités par la suite.
Selon la SSJB de Montréal, Carles Puigdemont avait obtenu une Autorisation de voyage électronique (AVE), un document obligatoire pour les ressortissants d’une cinquantaine de pays, dont les pays européens, qui désirent venir au Canada par avion.
Les plans ont été bousculés par l’annonce, début mars, de la candidature de M. Puigdemont aux élections européennes de la fin mai.
Le voyage au Québec a été reporté à une date indéterminée. Mais selon la SSJB de Montréal, le 31 mars, quelques heures avant la date initialement prévue de son départ pour le Canada, l’ex-président catalan a été informé par courriel que le ministère fédéral de l’Immigration révoquait son autorisation.
Cette décision a pour effet d’empêcher M. Puigdemont de venir au pays.
Cette situation provoque l’indignation de la Société Saint-Jean-Baptiste. Elle s’explique mal comment l’autorisation a d’abord pu être donnée pour ensuite être annulée.
La SSJB de Montréal soupçonne une intervention politique du gouvernement fédéral pour refuser que M. Puigdemont vienne au Québec. Elle laisse entendre que la décision revient à dire que sa présence est indésirable au Canada.
Dans un échange de courriels, le président de la SSJB de Montréal, Maxime Laporte, affirme qu'il ne ménagera aucun effort pour que M. Puigdemont vienne faire « résonner ici, au Québec, sa parole libératrice ».
« Il est absolument honteux que le Canada se fasse encore une fois le complice de l’autoritarisme espagnol, pourtant dénoncé à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec », a déclaré par voie de communiqué M. Laporte.
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L'affaire a eu des échos jusqu'à la Chambre des communes où le député du Bloc québécois, Luc Thériault, a déposé lundi après-midi une motion pour dénoncer la décision du gouvernement fédéral de refuser l'entrée au Canada de l'ex-président catalan. La motion a été rejetée par la Chambre.
Contestation judiciaire
Carles Puigdemont a engagé l’avocat Stéphane Handfield pour le représenter. Celui-ci a déposé lundi matin une requête en cour fédérale pour contester l’annulation de l’AVE et exiger des explications.
Me Handfield réclame les documents qui évoquent les motifs de cette volte-face ou les notes de l’agent de l'immigration qui a révoqué l'AVE de Carles Puigdemont plus d'un mois après l'avoir autorisée.
« En février dernier, l’AVE lui a été délivrée. Malheureusement, au 31 mars dernier, sans raison, M. Puigdemont reçoit un courriel du ministère de l’Immigration l’informant que l’AVE qui lui a été délivrée est révoquée et donc qu’il ne peut pas voyager au Canada », a expliqué Me Handfield lundi sur les ondes de l'émission Midi Info, à la radio de Radio-Canada.
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« Il n’y a rien qui justifie cette décision-là à moins évidemment d’une intervention politique. Il est possible que dans l’intervalle un agent ou une personne à Ottawa ait jugé M. Puigdemont comme un indésirable et ait décidé de révoquer sa venue au Canada », croit l'avocat spécialisé en questions d'immigration.
Habituellement, explique-t-il, pour que la venue au Canada d'une personne soit refusée, il faut des motifs sérieux comme la détention d'un casier judiciaire, être membre d’un groupe terroriste, être membre du crime organisé ou encore être atteint d'une maladie grave. Ce qui n'est pas le cas de M. Puigdemont, selon lui.
Des motifs politiques, selon son avocat
Or, le fait que le gouvernement espagnol accuse l'ex-président du gouvernement catalan de rébellion, de sédition et de désobéissance à l'autorité de l'État relève plus d'accusations politiques que criminelles, souligne Me Handfield.
« Le seul crime qu’on peut reprocher à M. Puigdemont c’est qu’en tant que président élu démocratiquement il a participé à l’organisation d’un référendum sur la sécession du peuple catalan », plaide l'avocat.
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À Ottawa, l’attaché de presse du ministre Ahmed Hussen a expliqué lundi à Radio-Canada que « chaque application est traitée au cas par cas conformément aux lois sur l'immigration », ajoutant ne pouvoir « commenter les détails d'un cas particulier sans le consentement écrit de cette personne ».
Depuis 2016, les citoyens d’une cinquantaine de pays, dont ceux de l’Union européenne, doivent détenir une AVE pour entrer au Canada. Pour l'obtenir, le voyageur doit remplir un formulaire en ligne et acquitter des frais d'une dizaine de dollars. L'autorisation qui est donnée électroniquement est valide pour 5 ans ou jusqu’à l’expiration du passeport. Elle peut bien entendu être retirée à tout moment si la personne ne satisfait plus aux critères d'entrée imposés par le gouvernement canadien.
L’ex-président Puigdemont s’est exilé en Belgique à l’automne 2017 après la déclaration d’indépendance de la Catalogne. L’indépendance a été jugée illégale par le gouvernement espagnol qui a délivré un mandat d’arrêt en Espagne contre l’ancien président catalan.
Il y a moins d’un an, un autre mandat d’arrêt, international celui-là, a été suspendu. Cela permet en principe à M. Puigdemont de voyager librement ailleurs qu’en Espagne.