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Le lien fusionnel entre l’image et les mots

Détail de <i>Silence d'or</i>, photographie virtuelle en noir et blanc d'Anouk A., l'avatar 3D créé par Karoline Georges dans  Second Life. Le visage de la femme image est masqué par une voilette, et sa tête porte une auréole. Ses paupières sont fermées, ses épaules nues et elle a les bras croisés.

Détail de Silence d'or de Karoline Georges

Photo : Karoline Georges

Cecile Gladel
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Les images, les photographies et les mots sont intimement liés. Le sont-ils toujours? Comment l'image inspire-t-elle les écrivains et écrivaines? Trois de ces artistes, dont deux sont aussi photographes, parlent de leur rapport avec l'image.

Dans le livre De synthèse, de Karoline Georges, la protagoniste se réfugie derrière son avatar 3D dans le jeu Second Life. Dans la vraie vie, l’écrivaine crée aussi des photographies virtuelles. De cette pratique est née Anouk A., une femme-image créée en 2013 et qui a directement inspiré la création du personnage principal du roman.

Anouk A. a également servi à l’élaboration d’une suite photographique exposée lors de la rétrospective intitulée De la quête du sublime au temps de la virtualité, que le Centre d’exposition Expression lui a consacrée en 2016.

Détail de <i>Ballerina in the Shadow</i>, photographie virtuelle en noir et blanc d'Anouk A., l'avatar 3D créé par Karoline Georges, représentant le visage d'une femme pensive, visage appuyé sur son poing.

Détail de Ballerina in the Shadow, photographie virtuelle d'Anouk A., l'avatar 3D que l'autrice Karoline Georges a créé dans Second Life au moment de commencer l’écriture de roman De synthèse

Photo : Karoline Georges

D’autres auteurs et autrices s’inspirent de l’image pour écrire. Mais chacun, chacune a sa méthode et l’utilise de manière très différente. Parfois, c’est l’inverse : l’écriture va inspirer une photo.

L’écrivain et photographe Laurent Theillet combine les deux disciplines. Il est difficile de dissocier l’une de l’autre pour lui.

«  »

— Une citation de  Laurent Theillet

Il souligne que tout le monde commence par des images. « J'ai d'abord été un artiste "visuel", comme le sont tous les enfants ou adolescents. On commence par voir, par être confronté directement à la beauté ou à la brutalité du monde, sans l'analyser réellement. Ensuite, avec la maturité, on intègre les expériences, et là, interviennent la réflexion, l'analyse et... l'écriture. »

La Pointe, photographie de Laurent Theillet : image en noir et blanc, avec une bande blanche sur fond gris sombre.

Détail de La Pointe, photographie de Laurent Theillet

Photo : Laurent Theillet

Laurent Theillet s’inspire parfois d’une image pour écrire. D’ailleurs, il le fait en ce moment en travaillant avec le poète Normand de Bellefeuille sur un livre mêlant ses poèmes à ses photographies. « Chacun de nous s'inspire des créations de l'autre. »

L’écrivaine Audrée Wilhelmy, dont la pratique photographique est récente, explique quant à elle que c’est secondaire pour elle. « [La photographie] est nourrissante, mais pas centrale dans mon processus créatif, contrairement à l’écriture. »

Quand l’écriture inspire la photo

En fait, l’écrivaine s’inspire plutôt de son écriture pour une partie de sa pratique en photographie. « Ces photographies-là sont souvent des autoportraits narratifs qui mettent généralement l’accent sur la relation femme-nature. Ces photographies s’enracinent très fermement dans mon travail littéraire et sont directement inspirées par mes projets romanesques. »

Exemple d'autoportrait narratif en couleur réalisé par Audrée Wilhelmy, écrivaine et photographe, la représentant dans la forêt tenant un panier métallique contenant du bois ramassé.

Exemple d'autoportrait narratif réalisé par Audrée Wilhelmy, écrivaine et photographe (détail)

Photo : Audrée Wilhelmy

Elle ajoute que la photographie lui permet d’être attentive à certains éléments qui l’entourent.

« Je fais souvent de la photographie "macro" de fleurs, de feuilles et d’herbes, particulièrement à l’automne, quand la nature se flétrit. Cette attention portée à la nature me permet ensuite de la décrire avec plus de finesse et de précision dans mes romans. »

Cependant, elle ajoute que les images et photographies servent régulièrement dans le processus d’écriture, « lorsqu’il s’agit de créer des scènes plus réalistes ou de décrire des objets et des lieux auxquels je ne peux pas avoir accès directement ».

Exemple en couleur d'autoportrait narratif réalisé par Audrée Wilhelmy, écrivaine et photographe, la représentant dans la forêt, en robe rouge.

Exemple d'autoportrait narratif réalisé par Audrée Wilhelmy, écrivaine et photographe

Photo : Audrée Wilhelmy

Dessiner pour mieux écrire

Ce qui est important pour Audrée Wilhelmy, c’est une autre sorte d’image, soit la pratique du dessin, qui favorise l’émergence des idées.

« Le dessin joue un rôle central dans mon processus d’écriture, il permet l’émergence des idées et facilite la plongée en soi. La photographie ne joue pas le même rôle, elle est souvent un espace d’échange et de rencontre, un élément qui me ramène vers l’extérieur, mouvement inverse de l’écriture. Je ne dessine pas mes idées avant d’écrire, mais je dessine tout simplement, et des idées émergent. Elles ne sont pas nécessairement dans le dessin lui-même, elles sont comme flottantes, dans ma pensée, et tandis que ma main s’occupe de l’image, elles apparaissent plus clairement. »

Laisser les lectrices et lecteurs se créer leurs propres images

L’image peut aussi être utilisée par l’écrivaine et l'écrivain pour aller plus loin dans l'histoire et mener à une réflexion. L’écrivain Yann Fortier, qui est aussi directeur du World Press Photo Montréal, soutient que, dans sa pratique, cela s’apparente à la bande dessinée. « Je vois ça comme peindre un tableau, plus que de faire de la photo. Je m’intéresse aux angles, à la perspective. »

L'auteur Yann Fortier

L'auteur Yann Fortier

Photo : Sarah Scott

En fait, Yann Fortier explique qu’il y a un dosage voulu dans son écriture pour éviter de trop décrire ce qui se passe dans ses histoires. « Je vais laisser aux lecteurs le soin de tracer la suite. Par exemple, plusieurs auteurs vont dire qu’un personnage s’est versé tel type de vin en donnant la marque précise. Moi, je vais simplement écrire : “Il s’est servi un verre de vin”. Je laisse le lecteur se faire son image. »

Yann Fortier aime laisser les gens imaginer une image. « Je trouve qu’on les prend trop par la main dans la manière dont les choses sont décrites. C’est de plus en plus difficile de capter l’attention. »

Laurent Theillet va plus loin et parle d'une bibliothèque interne d'images qui s’impriment dans notre mémoire et que nous construisons pour mieux y puiser le moment venu.

«  »

— Une citation de  Laurent Theillet
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