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AnalyseLa pédophilie, symptôme d’un monde sans Dieu?

Le pape Benoît XVI (à droite), qui a quitté ses fonctions en février 2013, prie avec son frère Mgr Georg Ratzinger dans sa chapelle privée au Vatican, le 14 avril 2012.

Le pape Benoît XVI (à droite), qui a quitté ses fonctions en février 2013, prie avec son frère Mgr Georg Ratzinger dans sa chapelle privée au Vatican, le 14 avril 2012.

Photo : Reuters / Vatican Media

Voyant l'ampleur de la crise que traverse l'Église catholique avec ces incessants scandales de prêtres pédophiles, Benoît XVI s'est demandé comment il pouvait être utile. Lui qui connaît très bien le dossier a voulu faire œuvre utile. Il a donc publié ce matin une longue lettre de 6000 mots, un texte surprenant pour les uns, profondément choquant pour les autres.

Pour Benoît XVI, c’est clair : une partie des origines de tous ces scandales de pédophilie dans l’Église se trouve quelque part autour des années 60. Plus précisément, dans la mouvance de la révolution sexuelle où, pour ce pape émérite, tout était permis, preuve irréfutable de l’effondrement de la moralité. Et même que nous aurions en quelque sorte normalisé la pédophilie. Une thèse qui ne fera pas consensus.

Et Benoît XVI a des exemples en tête.

Il se souvient que dans ces années-là, lors d’un voyage à Ratisbonne, le jeune théologien qu’il était a vu placardées en ville des affiches sur lesquelles un homme et une femme enlacés s’embrassaient… nus!

Ce qui était caché jusque-là devenait chose publique et admise. On comprendra que les premiers cours d’éducation sexuelle de l’époque allaient bouleverser les hommes de l’Église.

Même qu’à l’époque, des adultes montraient à des enfants les corps nus d’un homme et d’une femme. Certains diraient aujourd’hui que ces images pourraient être utiles dans un cours d’éducation sexuelle, non?

Dans ses souvenirs, Benoît XVI souligne que même « l’habillement de l’époque pouvait provoquer une agression ». Il y a ici l’écho d’un vieux raisonnement qui, croyait-on, n’avait plus sa place dans la réflexion moderne. Bikini et mini-jupe invitent-ils vraiment à l’agression?

Mais tout ça au fond, pour Benoît XVI, ne sont que les symptômes d’une maladie bien plus grave : un monde qui se passe de Dieu!

« Un monde sans Dieu ne peut être qu’un monde vide de sens », écrit l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, autrefois surnommé le Saint Office. Comme si, sans Dieu, il n’est plus possible de déterminer ce qui est bien, ce qui est mal.

Ces horreurs de la pédophilie ne peuvent se produire que lorsque la foi est absente, insiste Benoît XVI. Certains auront envie de lui demander si cette foi n’a pas déserté l’Église.

Un peu plus, et l’ancien patron de la discipline de l’Église déclarait immoraux les athées et même quelques bouddhistes qui n’ont pas de Dieu pour les guider.

La société occidentale est une société où Dieu est absent de la sphère publique et à laquelle il n’a plus rien à offrir. Et c’est pour ça que cette société perd son humanité.

Une citation de Benoît XVI

La pédophilie en est l’illustration, dit cet ancien pape qui aura bientôt 92 ans.

Mais alors, que faire? Inutile, vous dira Benoît XVI, de créer une nouvelle Église pour repartir à zéro. « Oui, le mal existe dans l’Église. Mais même aujourd’hui, il y a cette Sainte Église et elle est indestructible ».

Voilà qui nous fait penser à cette idée typiquement Ratzinger selon laquelle dans ce monde obscur, ceux qui ont vraiment la foi seront moins nombreux, mais ils seront plus lumineux. Autrement dit, hors de l’Église (catholique)… point de salut.

Mais enfin, que faire?

La première chose à faire, dit-il, c’est de retrouver Dieu sans lequel, nous l’avons compris, les valeurs s’évaporent, notre humanité s’effondre, notre quête du bien et notre altruisme sont vains et perdus d’avance.

Au sein de l’Église catholique, ils seront nombreux à être troublés par les propos étranges de cet homme considéré pourtant comme un des plus grands théologiens de son époque.

Ce texte de 6000 mots se veut la contribution de Benoît XVI pour sortir l’Église et surtout le monde de la crise abyssale d’un monde sans foi. À bien des égards, c’est un texte fascinant qui, je crois, illustre à quel point dans l’Église il y a encore aujourd’hui deux visions qui ne se réconcilieront pas de sitôt.

D’un côté, ce pape émérite qui explique la criminalité dans l’Église par l’immoralité de la société occidentale en particulier. Le monde est perdu et corrompu, et contamine cette Sainte Église qui, faite d’hommes, n’a pu résister à la dépravation émanant de la révolution sexuelle et, faut-il le rappeler, de l’émancipation des femmes.

De l’autre côté, ce pape François qui ne cesse d’accuser le cléricalisme de sa propre institution, blâmant au passage une culture qui justifie ses excès et sa complicité dans les pires crimes contre des enfants.

Deux Églises semblent se confronter. Quant à savoir laquelle l’emportera, seul Dieu le sait et le Diable s’en doute.

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