Laïcité : Jolin-Barrette dénonce les propos « inacceptables » du maire de Hampstead

Le maire de Hampstead, William Steinberg, a fait connaître son opposition au projet de loi sur la laïcité en la qualifiant de «nettoyage ethnique»,
Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes
- Yanick Cyr
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le ministre de l'Immigration Simon Jolin-Barrette a vivement rabroué le maire de Hampstead, William Steinberg, qui a déclaré, au sujet du projet de loi 21 sur la laïcité, qu'il s'agissait « d'une tentative d'expulser ceux qui pratiquent des religions minoritaires, ne laissant que des non-croyants et des chrétiens au Québec », allant jusqu'à parler de « nettoyage ethnique ».
Le maire Steinberg a fait cette déclaration lors d’une conférence de presse annonçant une manifestation, le 14 avril prochain, pour dénoncer le projet de loi sur la laïcité.
Le maire de Hampstead était accompagné du député libéral fédéral de Mont-Royal, Anthony Housefather, de plusieurs élus municipaux de l’Ouest-de-l’Île de Montréal et de la présidente de la Commission scolaire English-Montréal, Angela Mancini.
« Ce n’est pas la position du groupe, pas du tout », a indiqué le député Housefather, visiblement mal à l’aise avec les propos de M. Steinberg. « On est ici pour rassembler, pas pour diviser. »
« J’invite le maire à faire part de sa divergence d’opinion dans le respect de tous les Québécois », a répliqué le leader parlementaire, Simon Jolin-Barrette, en appelant tous les partis au calme. « Des propos comme ceux-ci ne sont pas acceptables dans un débat comme nous aurons au cours des prochaines semaines ».
Des accusations comme celle-ci n’ont pas leur place.
« La nation québécoise a le droit et le devoir de légiférer sur cette question-là parce que » ça fait plus de 10 ans qu’on débat de la question, a-t-il poursuivi. « On est capables au Québec de débattre de cette question dans le respect de tout un chacun. »
La déclaration de M. Steinberg a éclipsé l'annonce prévue lors de cette conférence de presse. Intitulée « Rallye pour la liberté religieuse », la manifestation doit se tenir le 14 avril à Côte-Saint-Luc.
Dans deux tweets publiés en début de soirée, le maire Steinberg a cherché à clarifier ses propos : « Je regrette que certains médias se soient emparés du terme "nettoyage ethnique" sans expliquer pleinement ma position », a-t-il dit.
« Le projet de loi 21 entraînera une diminution du nombre de membres des communautés culturelles qui arriveront au Québec. Les membres de ces minorités qui se trouvent déjà ici envisageront de partir pour que leurs enfants puissent jouir d'une égalité des chances en emploi, plutôt que de subir de la discrimination. Le Québec deviendra moins diversifié et plus homogène. Je ne crois pas que la plupart des Québécois sont en faveur de cette idée », a-t-il ajouté sur le réseau social.
« Coercition » contre « figure d’autorité »
L’opposition à son projet de loi 21 n’ébranle en rien la conviction du premier ministre du Québec, François Legault, qui a pris avec un grain de sel les récriminations de Gérard Bouchard et du groupe d’universitaires qui ont fait connaître leur désaccord dans des médias québécois ce matin.
« On a un désaccord et ça fait longtemps qu’on le sait », a déclaré M. Legault au sujet du sociologue Gérard Bouchard, coauteur du rapport Bouchard-Taylor. Moi, je pense qu’un enseignant qui est avec un enfant de 5, 6, 7 ans est en position d’autorité et doit montrer une neutralité. »
Je suis très à l’aise avec notre position et je pense qu’il y a une grande majorité de Québécois qui sont d’accord.
De son côté, M. Bouchard avance le contraire. Il accuse M. Legault d’« errer gravement (ou de céder à la démagogie) », dans un texte paru dans La Presse +, en considérant les enseignants comme des figures d’autorité comparables aux policiers ou aux juges.
« M. Bouchard parle plus de coercition », a expliqué le premier ministre au cours d’un événement tenu à Repentigny. « Moi, je parle plus de figure d’autorité. » M. Legault va plus loin en indiquant que les enseignantes font souvent figure de modèles pour les « p’tites filles ».
Droits individuels et droits collectifs
Dans le cas des 250 universitaires signataires d’une lettre ouverte s’opposant au projet de loi 21, M. Legault estime qu’il s’agit d’une différence de vue au sujet de la préséance des droits individuels sur les droits collectifs. Les universitaires estiment que le projet de loi contourne la Charte des droits et libertés de la personne, « un socle fondateur » de notre État de droit.
« Je comprends qu’il y a des gens qui tiennent beaucoup aux droits individuels, mais je pense que ça s’arrête là où Il y a aussi des droits collectifs », a commenté le premier ministre Legault.
« La position que nous avons présentée est une position équilibrée entre les droits collectifs et les droits individuels », a ajouté M. Jolin-Barrette un peu plus tard. « Je suis convaincu qu’au terme du processus les gens vont se rallier. »
On est ouverts à des ajustements, mais quand j’entends des personnes dire que même les policiers devraient pouvoir porter des signes religieux, je ne pense pas qu’on va trouver de compromis avec ces personnes-là.
Le premier ministre estime avoir déjà fait des compromis en incluant une clause sur les droits acquis – les personnes portant des signes religieux qui sont déjà en poste pourront continuer à les porter – et en retirant le crucifix du salon bleu de l’Assemblée nationale.
« On retire le crucifix du salon bleu pour le déplacer dans une autre salle à l’Assemblée nationale parce qu’on veut avoir une certaine cohérence, a expliqué M. Legault. Quand on fait un projet de loi sur la laïcité, bien ça inclut de mettre de côté des signes religieux importants. »

Ce crucifix a été placé au-dessus du fauteuil du président de l'Assemblée nationale en 1936.
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Le premier ministre estime que le débat a assez duré et qu’il est temps de passer à autre chose.
Ça fait 11 ans, depuis la commission Bouchard-Taylor, qu’on débat de signes religieux, a-t-il ajouté. Je pense que les gens veulent qu’on règle ça une fois pour toutes et qu’on parle de culture et d’éducation.
« C’est de ça que les gens veulent entendre parler et je pense qu’il y a un consensus quand même important à l’effet que les personnes qui sont des figures d’autorité ne devraient pas porter de signes religieux », a-t-il ajouté.
« Les Québécois ont choisi le 1er octobre dernier de faire en sorte de mettre fin au débat sur la question du port de signes religieux », précise M. Jolin Barrette. « La position du gouvernement était très claire. »
- Yanick Cyr