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Le bitcoin génère plus de déchets électroniques que le système bancaire

On voit des rangées de serveurs sur des étagères dans un bâtiment industriel.

Une mine de cryptomonnaies

Photo : Radio-Canada / Binh An Vu Van

Binh An Vu Van
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Le minage de bitcoin exige beaucoup d'énergie, on le sait bien à présent. Ce qu'on oublie, c'est que cette industrie génère aussi d'importantes quantités de déchets électroniques, comme le révèle une nouvelle étude sur l'empreinte environnementale du bitcoin.

Il y a 10 ans, pour miner des bitcoins, il suffisait d’avoir chez soi un ordinateur personnel. Avec le temps, afin d’obtenir davantage de bitcoins, les mineurs se sont tournés vers les cartes graphiques plus rapides.

Une mine de bitcoin peut aujourd'hui héberger des milliers de processeurs ultraspécialisés, des Asics, machines conçues dans l’unique objectif de faire une opération mathématique très spécifique (SHA-256) le plus efficacement possible afin de valider les transactions bitcoin. Ils n’ont aucun autre usage.

Puisque l’industrie du minage de bitcoin est extrêmement compétitive, chaque nouvelle génération de ces processeurs remplace rapidement les anciennes machines.

Dans un article publié il y a deux semaines, l’économiste néerlandais Alex de Vries observe que le minage des bitcoins nécessite en ce moment au moins 16 442 tonnes d’équipements.

Quelqu'un utilise un ordinateur portable déposé sur une table en bois devant une machine composée de ventilateurs pour ordinateur et de fils électriques.
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Les équipements servant à miner des bitcoins sont généralement changés après un an et demi.

Photo : iStock

Des équipements qui sont changés en moyenne chaque année et demie représentent une quantité de déchets qui serait bien supérieure aux déchets électroniques produits par le monde bancaire, selon ses calculs. Chaque transaction bitcoin génère donc 134,5 grammes de déchets électroniques contre 0,0045 gramme dans le monde bancaire en 2018.

« On parle d’environ 4 millions de machines pour cette génération, qui vont simplement devenir obsolètes, résume Alex de Vries. Nous savons qu’environ 20 % des déchets électroniques sont recyclés dans le monde. Si on présume que ces chiffres valent pour les Asics, cela signifie que 80 % de ces machines se retrouveront dans les dépotoirs. »

«  »

— Une citation de  Alex de Vries, économiste
Un jeune homme portant une courte barbe et des lunettes regarde vers le sol.
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L'économiste hollandais Alex de Vries

Photo : Radio-Canada

Une étude qui dérange

Alex de Vries, consultant chez PricewaterhouseCoopers, dérange les plus fervents défenseurs du bitcoin.

Il est tantôt haï, tantôt contesté. Il est aussi responsable du blogue Digiconomist, qui rapporte quotidiennement la consommation énergétique nécessaire pour l’entretien du réseau.

Les critiques virulentes à son sujet ne le perturbent pas.

« Plus le temps avance, moins il y a de critiques, estime-t-il. Je tenais à attirer l’attention du monde sur cet enjeu important, la consommation énergétique importante du bitcoin. »

Le consultant a publié un des premiers articles revus par les pairs sur la consommation énergétique de cette cryptomonnaie et ses chiffres ont été confirmés à plusieurs reprises par d’autres analyses.

Il a aussi croisé ses chiffres avec plusieurs approches distinctes pour les valider, en regardant tant le nombre de calculs effectués par le réseau que les réalités économiques des mines, que les données sur la production de matériel informatique dédié au bitcoin.

Sur ce blogue, l’économiste calcule la quantité d’énergie minimale requise par le réseau – dans une simulation idéale où tous les mineurs au monde emploieraient les processeurs les plus efficaces existants. « Il faut réaliser que c’est un chiffre minimal », rappelle-t-il.

Un homme vérifie les fils d'un serveur d'une ferme de bitcoins
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Bienvenue dans l’une des plus grandes fabriques de bitcoins du monde qui se trouve en Islande.

Photo : AFP

Alex de Vries propose aussi d’estimer une quantité d’énergie réelle en tenant compte des réalités économiques et des coûts de refroidissement. Et c’est ce dernier chiffre qui dérange.

Mais même les chiffres minimums suffisent à faire sourciller : une transaction bitcoin consomme au minimum autant que 14 maisons nord-américaines, et l’ensemble du réseau consomme au moins 43 térawatts-heures, soit davantage que certains petits pays et cinq fois la consommation de Google.

«  »

— Une citation de  Alex de Vries

Pour le moment, l’encours du bitcoin est minuscule en comparaison avec celui de la masse monétaire planétaire, mais plus le nombre d’utilisateurs augmente, plus le cours du bitcoin est susceptible d’augmenter et la consommation énergétique aussi.

Dans ce plus récent article, il enfonce le clou en comparant le coût énergétique par transaction au coût du système bancaire.

En 2018, l’empreinte électrique par transaction se situe entre 491,4 kilowatts-heures et 765,5 kilowatts-heures.

En comparaison, le coût énergétique par transaction dans le système bancaire traditionnel, y compris non seulement la consommation des serveurs, mais aussi celles des machines distributrices et des succursales, serait de 0,4 kilowatt-heure au plus, soit au moins 1000 fois moins.

« Il ne faut pas oublier que le bitcoin a aussi un écosystème de machines distributrices, d’entreprises qui ne sont pas incluses dans ce calcul », rappelle Alex de Vries.

Énergies renouvelables, solutions pour le bitcoin?

En réponse à cela, certains argumentent que la production de bitcoin se retrouve concentrée dans des régions où l’énergie est renouvelable.

Par exemple, il est parfois estimé qu’environ 48 % du minage se trouve dans la province de Sichuan, en Chine. Les surplus énergétiques et son faible coût ont attiré cette industrie énergivore.

Or, dans ce récent article, l’économiste rappelle que même s’il est vrai que les cryptomonnaies bénéficient du surplus pendant les saisons humides, la province doit importer de l’énergie sale pendant les saisons sèches.

De la même façon, en 2017, alors que le cours du bitcoin grimpe en flèche, le Québec s’est vu submergé de demandes de mineurs souhaitant produire des cryptomonnaies. Pour Hydro-Québec, c’est une manne inespérée. C’est l’occasion de transformer les surplus électriques en argent sonnant.

« Cela peut sembler intéressant, mais il faut se demander ce que nous aurions pu faire d’autre avec cette énergie verte, demande le chercheur. Cette énergie ne pourrait-elle pas servir à nettoyer la grille énergétique sale des voisins du Sud par exemple? »

En réponse à ces arguments, Francis Pouliot, fervent défenseur montréalais du bitcoin et cofondateur de Bull Bitcoin, tranche qu'il s'agit d'« un débat artificiel factice, créé par les banques centrales ».

«  »

— Une citation de  Francis Pouliot, cofondateur de Bull Bitcoin
Un homme avec des lunettes sur la tête travaille à un bureau avec trois ordinateurs différents.
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Francis Pouliot, cofondateur de Bull Bitcoin

Photo : Radio-Canada

Vers des cryptomonnaies moins polluantes?

Pourtant, Alex de Vries n’est pas contre les cryptomonnaies, bien au contraire, affirme-t-il.

Il espère éclairer le débat afin de réduire l’empreinte environnementale du bitcoin et encourage la recherche pour trouver de nouvelles façons de valider les transactions bitcoin appelées « preuves de travail ».

D’autres cryptomonnaies tentent déjà de nouvelles approches. Au Massachusetts Institute of Technology (MIT), les chercheurs se posent les mêmes questions.

« Je ne sais pas si la preuve de travail demeurera, observe Neha Narula, directrice du Digital Currency initiative. Les gens tentent de nouvelles approches, moins énergivores, mais est-ce que ces algorithmes seront aussi sécuritaires que la preuve de travail, c’est encore une question sans réponse. »

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