Clubs vidéo : des irréductibles qui tirent leur épingle du jeu

Les étalages du Club vidéo Centre-ville
Photo : Radio-Canada / Carl Boivin
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les clubs vidéo se font rares dans la région de Québec, qui compte moins d'une dizaine de centres dédiés à la location de films. Mais quelques passionnés subsistent malgré la montée en force des Netflix et autres plateformes de diffusion en continu. Trois centres nous disent comment ils tirent encore leur épingle du jeu.
Un texte de Valérie Cloutier
À contre-courant dans un domaine en forte décroissance, le Vidéo Centre-Ville du quartier Saint-Sauveur, créé il y a plus de 30 ans, est certainement une référence quand on parle de tenir bon face à la mouvance.
Il doit peut-être son succès à sa collection de quelque 45 000 films, dont plusieurs difficiles à trouver sur les plateformes en ligne, et qui font le bonheur des cinéphiles. Et le commerce continue même de grandir, raconte l’employée Marie-Claude Girard.
Je crois que c'est le meilleur [club vidéo] au Québec.

Marie-Claude Girard, Vidéo Centre-Ville
Photo : Radio-Canada
À la suite de la fermeture du célèbre club vidéo montréalais La Boîte noire en 2016, le Vidéo Centre-Ville a mis la main sur une partie de l’inventaire comptant quelques trésors.
« La Boîte noire était l'équivalent d'ici à Montréal. Quand ça a fermé, il y a quelques films qui ont été récupérés pour ne pas que ce soit perdu et que ça continue d'être diffusé », souligne Mme Girard qui évoque que cette passion du cinéma est partagée par nombre de clients.

Les étalages du club Vidéo Centre-Ville
Photo : Radio-Canada / Carl Boivin
Ainsi, beaucoup de films rares et des films de série B, à petit budget, façonnent la personnalité de la boutique dédiée au 7e art. Dans plusieurs sections, les créations classées par réalisateurs se consultent comme dans une bibliothèque, ce qui permet de découvrir des pans intéressants de filmographies.
Ici, les films de Frank Capra, là, ceux Yorgos Lanthimos, le réalisateur du film La Favorite, se retrouvent à côté d'une étagère où trônent des rééditions de films des années 50 comme l'atteste le sourire de Judy Garland sur la pochette du film A Star is Born paru en 1954.
De nombreux objets reliés aux films (figurines, aimants, affiches) campent le décor de ce commerce à l’ambiance d’une autre époque.

Section adulte dans un club vidéo
Photo : Radio-Canada / Carl Boivin
Fait notoire, sa section de vidéos pour adultes, située au sous-sol, continue d'attirer une part importante de sa clientèle.
Commerce local
Dans le secteur de Sainte-Foy, le local du VidéoDrome déborde aussi de DVD de films et de séries télévisées. On y retrouve un total d'environ 30 000 films, mentionne Éric Dufour, copropriétaire du commerce.
Ce dernier tire la motivation pour continuer dans les commentaires positifs de ses clients qui fréquentent le commerce de proximité.
À chaque jour, il y a quelqu'un qui arrive ici surpris qu'il y ait encore un club vidéo, qui dit merci d'être encore là!

Miguel Deschênes, un habitué du VidéoDrome
Photo : Radio-Canada
Miguel Deschênes, un habitué de la place, par exemple, loue moins de films qu'il y a quelques années lorsque ses enfants étaient à la maison, mais il s'y arrête encore presque chaque semaine.
« Ça permet d'encourager un commerce local, quelque chose du coin plutôt que d'encourager une multinationale. C'est très important aussi pour moi de voir des films en français, des films en français traduits au Québec! »

Des films rangés dans un club vidéo de Québec.
Photo : Radio-Canada / Marc-André Turgeon
Durant les grosses années du VidéoDrome, Éric Dufour employait jusqu'à quatre personnes les samedis soir. Même s'il admet que les choses ont bien changé, il est heureux qu'une clientèle demeure fidèle au club vidéo.
Le commerce parvient aussi à subsister en s’adaptant. Une affiche bien en vue à l'entrée du commerce signale que tous les films sont à louer, ou à vendre.
Les films de répertoire, les nouveautés, les rééditions de vieux films, les séries, et même les quelques films plus rares en format VHS, dont certains s'envolent d'ailleurs à fort prix.
« Ça fluctue. Il y a un paquet de films de Kurosawa, le Japonais, des films de grands réalisateurs italiens qui sont discontinués, c'est sûr que ces films-là vont se vendre entre 50 $ et 100 $ », explique Éric Dufour.
Offre variée
En périphérie de Québec, le Vidéoasis de Lac-Beauport s'est pour sa part adapté à une baisse de clientèle en variant l'offre du commerce qui propose maintenant un service de nettoyeur et de cordonnerie.
« Une chance qu'on a une cordonnerie parce que sinon, la fin du club vidéo serait venue d'une façon plus précipitée », souligne Sébastien Noël, copropriétaire du Vidéoasis.

Le club vidéo Vidéoasis diversifie son offre
Photo : Radio-Canada / Valérie Cloutier
Mais à son avis, l'offre des clubs vidéo est encore la meilleure pour les consommateurs. Il fait valoir que la multiplication des plateformes de diffusion en continu telles que Netflix et prochainement Disney, Fox et Apple divise le marché.
« Si on s'abonne avec les plateformes, il faut payer 10 $, 15 $ par mois, et si on veut avoir accès à tout, ce sont des coûts faramineux », plaide-t-il soulignant que le consommateur qui vient louer un film a accès à tous ces produits en un même endroit.
Louer un film coûte encore entre 2 $ et 6 $ dans les clubs vidéo. Les cartes de fidélité offrant les meilleurs tarifs.
Décroissance du marché
Parallèlement à cela, le marché de la location vidéo continue sa décroissance.
Depuis 1995, le Québec a connu une baisse de 84 % du nombre de clubs vidéo tandis que la diminution est de 64 % dans la ville de Québec.
Selon les données du ministère de la Culture et des Communications, la ville de Québec compte encore 27 lieux de location de vidéos, en comptant les points de service dans des dépanneurs.
Les centres vidéo plus spécialisés ne sont plus qu'une poignée dans la région de Québec.
Pour Michel Savoy, qui a été directeur général du défunt club vidéo de l'avenue Cartier, le marché du film matériel demeurera pour les vrais amoureux du cinéma.
Entouré de ses films préférés, il parle de ses « ob-je », des objets qui le définissent, à la manière du poète français Francis Ponge qui s’intéressait aux objets du quotidien.
« D'aucuns se contentent d'un signal numérique, mais moi, ce sont tous mes amis [les films] Je fais partie des gens qui aiment s'entourer d'objets qui me prolongent. »

Intérieur du Vidéo Centre-Ville
Photo : Radio-Canada / Carl Boivin
Dans l'histoire, le cinéma a quelque cent vingt années. S’il disparaît, le commerce de location de films aura tout de même duré quelque 35 ans, soit presque le quart de l'historicité du cinéma, conclut M. Savoy avec philosophie.