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Accueillir des « anges gardiens » n’est pas un geste hostile envers Washington, selon Snowden

Edward Snowden en entrevue à l'émission 24/60.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Dans une entrevue à l'émission 24/60, le lanceur d'alerte Edward Snowden affirme qu'en accordant l'asile à deux des réfugiés qui l'ont hébergé alors qu'il était l'homme le plus recherché de la planète, le Canada « est en train d'aider les États-Unis à vivre à la hauteur de leurs propres idéaux, en protégeant des personnes qui le méritent ».
Le lanceur d’alerte Edward Snowden, qui a parlé à partir d’un lieu tenu secret en Russie, se dit soulagé de savoir que ces « anges gardiens » éviteront une expulsion de Hong Kong pour avoir refusé de collaborer avec les autorités.
En 2013, cet ex-employé de la NSA, l’Agence nationale de sécurité des États-Unis, a démontré l’existence d’un système mondial de surveillance des communications et d’Internet par les États-Unis en révélant le contenu de milliers de documents secrets de l'agence. Accusé d'espionnage par les États-Unis, son passeport a été invalidé et il s’est réfugié en Russie.
Mais avant sa fuite en Russie, trois familles d’origine sri-lankaise et philippine, elles-mêmes réfugiées à Hong Kong, ont caché Edward Snowden pendant 13 jours.
Visiblement ému par la nouvelle que Vanessa Rodel et sa fille de 7 ans sont arrivées à Toronto lundi soir, Edward Snowden a remercié le Canada d’avoir ouvert ses portes « à une mère et une enfant qui en ont désespérément besoin et qui le méritent absolument ».
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Snowden n’avait jamais imaginé autant de représailles
Même si l’avocat canadien de M. Snowden, Robert Tibbo, a tenté de protéger ces réfugiés des représailles du gouvernement de Hong Kong, leurs vies sont devenues progressivement plus difficiles après le passage du lanceur d’alerte.
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En entrevue avec Anne-Marie Dussault à ICI RDI, Edward Snowden dit n’avoir jamais imaginé à quel point ces personnes auraient été pénalisées pour avoir posé « un geste humanitaire ». « Elles n’avaient pas commis de crime en m’aidant. Tout ce qu’elles ont fait était légal. »
Mais les révélations de M. Snowden ont causé tout un émoi politique dans le monde et placé ces réfugiés dans une situation extrêmement compliquée.
« Mon avocat me l’a dit : "Lorsque vos ennemis ont un certain niveau de force, lorsque vous vous êtes mis à dos les mauvaises personnes, la loi n’a plus vraiment d’importance. Le cas devient politique à 99 % et juridique à 1 %". »
Et pourtant, Edward Snowden est resté optimiste, même si certains le disaient naïf de croire qu’un pays accueillerait des personnes au coeur d’un si gros scandale. « On me disait : "Personne ne se soucie de ces personnes. Elles seront expulsées de Hong Kong et il n’y aura pas de fin heureuse pour elles". Ces affirmations ne sont vraies que si on les laisse se produire. »
Un choix politique controversé
Selon Edward Snowden, le premier ministre Justin Trudeau a bien fait d’offrir l’asile à Vanessa et à sa fille, même si les États-Unis pourraient voir dans ce geste un certain affront politique. Le lanceur d’alerte admet qu’il est un paria dans plusieurs pays qui hésitent à se mêler de cette affaire et à irriter la superpuissance que sont les États-Unis.
Leur donner l’asile « n’est pas un geste hostile [envers les États-Unis]. C’est le geste d’un ami ».
« La relation entre les États-Unis et le Canada a toujours été importante, mais nous avons maintenant besoin du Canada pour aider les États-Unis à atteindre leurs propres idéaux. Il s’agit d’un cas où le Canada peut aider les États-Unis à agir pour le bien, non seulement pour ces familles, mais pour tous ceux qui croient aux droits de la personne. »
Il demande maintenant au premier ministre Justin Trudeau d'accueillir ses cinq autres « anges gardiens ».
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Puisque Vanessa et sa fille ont été acceptées par le Canada, Edward Snowden dit qu’il voit mal comment les autres demandes pourraient être refusées.
Sympathiser avec la situation des réfugiés
Dans son entrevue à 24/60, Edward Snowden raconte que son séjour parmi les trois familles est quelque peu flou. « C’était une période folle. [...] J’étais dans les rues à Hong Kong et j’essayais de ne pas être identifié, mais mon visage était partout à la télévision, aux nouvelles. Où pouvais-je aller? [...] À ce moment, j’étais perdu et désespéré. »
Il décrit comment il a été soulagé lorsqu’il est entré dans le minuscule appartement de la première famille. « Ils n’ont pas posé de questions. Cela importait peu. Ils comprenaient ce que ça veut dire d’être traqué, chassé, de vivre des représailles pour ses actions », dit-il en précisant que Vanessa et sa fille vivaient déjà depuis plusieurs années en exil, sans stabilité, sans certitude et dans une extrême pauvreté.
« J’ai vu comment ces enfants et ces parents luttaient pour survivre, pour avoir une vie, un avenir, de l’espoir. »
Il ajoute avoir beaucoup de respect et d’admiration pour leur ténacité. « Pour plusieurs d’entre nous qui avons grandi dans des démocraties, nous ne voyons pas comment la majorité des personnes dans le monde vivent. »
Edward Snowden affirme que la générosité des trois familles a complètement changé sa vie.
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C’est pourquoi il est prêt à tout pour assurer un meilleur sort à ces familles et continuera de militer pour les cinq autres réfugiés qui vivent dans l’anxiété à Hong Kong.
Même s’il n’est pas sur le point de mettre fin à son exil en Russie, Edward Snowden espère un jour pouvoir remercier Vanessa et Keana Rodel en personne… en sol canadien.
« Vanessa en a fait assez pour moi. Elle m’appelle un héros, mais je pense plutôt que c’est elle l’héroïne. »