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La nation attikamek veut son centre de formation professionnelle

Des élèves se dirigent vers le gymnase de l'école secondaire.

Les élèves de l'École secondaire Otapi sont invités à une journée carrières.

Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

La nation attikamek de la Haute-Mauricie travaille depuis un an sur un important projet : celui d'un tout nouveau centre d'enseignement consacré à ses jeunes. Aux prises avec un taux de décrochage scolaire important et un manque d'emplois qualifiés dans les communautés, le Conseil de la Nation Atikamekw espère que cette nouvelle école permettra à plus de jeunes d'obtenir un diplôme.

Janvier 2019. C’est la Journée carrières à l’École secondaire Otapi, à Manawan. Des centres de formation, mais aussi des employeurs ont érigé des kiosques dans le gymnase. Une occasion pour les jeunes de découvrir les choix qui s’offrent à eux.

Steffi Ottawa-Dubé n’obtiendra son diplôme que dans deux ans, mais elle sait déjà ce qu’elle veut faire plus tard.

Je veux être artiste, dit l’adolescente aux cheveux flamboyants. Je veux aller dans un programme d’arts visuels.

Steffi Ottawa-Dubé.
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Steffi Ottawa-Dubé veut obtenir un diplôme en arts visuels à sa sortie de l'école secondaire Otapi.

Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Steffi est déterminée à poursuivre ses études après l’école secondaire. Elle sait toutefois qu’elle fait partie d’une minorité.

«  »

— Une citation de  Steffi Ottawa-Dubé

Dans la communauté attikamek, l’éducation est un défi de taille. Selon le Conseil de la Nation Atikamekw (CNA), 66 % des 3375 membres de la nation qui sont âgés de plus de 15 ans ne détiennent aucun diplôme ou certificat scolaire.

Pour nous, il y a un constat d'échec, dit le grand chef de la nation attikamek, Constant Awashish. Il y a trop de gens qui vont à l'école présentement et qui ne finissent pas nécessairement leurs études.

Au pays, le taux de diplomation des membres de premières nations a augmenté depuis 10 ans, mais il demeure sous la moyenne canadienne.

Pourcentage des 25 à 64 ans ne détenant aucun diplôme en 2016

  • Premières nations : 30 %
  • Ensemble du Canada : 11,5 %

Source : Statistique Canada

Éloignement, difficulté d’adaptation, différences culturelles, lacunes en français : plusieurs obstacles se dressent sur le chemin de la réussite pour les jeunes Attikameks.

Le CNA veut remédier à la situation. Depuis près plus d’un an, le Conseil travaille à la mise sur pied d’une école consacrée à l'accueil des apprenants attikameks : le centre de formation professionnelle Kiskeritamowin.

Le village de Manawan à l'hiver.
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Dans la communauté attikamek de Manawan, deux tiers de la population âgée de 15 ans et plus n'a aucun diplôme.

Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

Un centre à saveur attikamek

Un peu comme le cégep Kiuna, à Odanak, le centre Kiskeritamowin cherchera à offrir un milieu d’apprentissage personnalisé et adapté à la culture attikamek.

Ça va être pareil comme ailleurs, c’est juste qu’on veut vraiment créer une proximité. On veut rendre ça plus familial pour les Attikameks, indique Constant Awashish.

La Commission scolaire de l’Énergie et l’École forestière de La Tuque sont partenaires du projet. En plus d’offrir de la formation continue et de mise à niveau, le centre éducatif prévoit offrir plusieurs programmes de formation professionnelle.

Des programmes offerts au centre Kiskeritamowin

  • soutien informatique
  • comptabilité
  • santé, assistance et soins infirmiers
  • transports par camion
  • opérateur d’équipement de production

Constant Awashish dit espérer que la première cohorte du centre de formation soit sur les bancs d’école dès septembre 2019. Toutefois, il reste encore une étape cruciale à franchir avant que le projet puisse aller de l'avant : boucler le financement. Début mars, le grand chef de la nation attikamek indiquait être toujours en attente d’un retour de la part de Service Canada et du ministère de l’Éducation à cet effet.

Constant Awashish en entrevue au Centre d'amitié autochtone de Trois-Rivières
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Le grand chef du Conseil de la nation attikamek, Constant Awashish

Photo : Radio-Canada

Constant Awashish souhaite que ce projet permette à sa nation de rattraper le retard accumulé.

«  »

— Une citation de  Constant Awashish, grand chef de la nation attikamek

Le problème de l’éloignement

Comme plusieurs Québécois, les jeunes de Manawan devront déménager pour leurs études. Mais pour ces derniers, quitter leur communauté représente un défi d’adaptation plus difficile à surmonter.

Je connais des gens qui ne veulent pas aller en ville, parce que c’est loin et ils ont peur du racisme, précise Steffi Ottawa-Dubé.

La jeune femme hésite entre deux établissements d’enseignement : le Cégep de Trois-Rivières et l’Institution Odanak, tous deux situés à plus de quatre heures de chez elle.

Steffi n’est jamais sortie de sa communauté de 1600 âmes pour très longtemps. Son plus long séjour à l’extérieur a été d’un mois. Elle souhaiterait ne pas avoir à quitter ses frères et soeurs, mais demeure déterminée à poursuivre ses études.

Il y en a beaucoup, justement, à qui ça fait peur, qui veulent rester près de leur famille, indique la conseillère en orientation à l’école Otapi, Catherine Paquet. S’il y avait un centre ici, ce serait vraiment, vraiment bénéfique.

Pallier la pénurie de main-d’oeuvre

Le CNA s’est enquis des besoins des grands employeurs de la Mauricie et de la Haute-Matawinie, comme Hydro-Québec et Produits forestiers Résolu, pour établir son offre de formations.

Le CNA est également en discussion avec la minière Nouveau monde graphite (NMG), installée depuis quelques années à Saint-Michel-des-Saints, pour qu’elle devienne partenaire du projet. L’entreprise, qui entrera bientôt dans sa phase d’exploitation, a d’ailleurs déjà enclenché une campagne de séduction auprès de la communauté de Manawan, où environ la moitié de la population est âgée de moins de 22 ans.

La minière espère embaucher environ 130 employés d'ici 2021.

Des étudiants attikamek se renseignent sur les possibilités d'emploi chez Nouveau monde graphite.
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La minière Nouveau monde graphite veut recruter de nouveaux employés pour travailler sur son site de Saint-Michel-des-Saints.

Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme

On est un peu, je dirais, à l'opposé de la perception qu'on a en termes de pénurie de main-d'oeuvre, note le directeur des ressources humaines à NMG, Daniel Guénette. Il y a une grande disponibilité de main-d'oeuvre, il suffit juste de la former.

Paul-Émile Ottawa espère lui aussi que sa population pourra profiter de cette pénurie qui afflige plusieurs industries au Québec pour décrocher des emplois de qualité.

Critique

Le projet du CNA ne fait toutefois pas l’unanimité. Guy Laloche, qui siège au conseil de bande de Wemotaci, lui assène quelques critiques. Il déplore notamment avoir été écarté du projet, alors qu’il affirme défendre l’idée d’un tel centre depuis des années.

« Au lieu que ce soit mobilisateur, ça crée plus de frictions, pour la communauté de Wemotaci en tout cas », dit-il.

Guy Laloche aurait espéré que le centre de formation soit annexé aux écoles secondaires et qu’il permette d’abord et avant tout de combler les besoins spécifiques de professionnels dans les communautés.

Par exemple, la communauté de Wemotaci est dépourvue de garagiste. « On est obligés d’aller à La Tuque quand vient le temps de changer les pneus, souligne-t-il. On aurait besoin de mécaniciens formés. »

S’il n’écarte pas la possibilité d’ajouter des formations spécifiques aux besoins des communautés, Constant Awashish balaie ces critiques du revers de la main.

« Ça fait très longtemps qu’il parle d’un projet comme ça, mais ça n’a jamais abouti à rien, lance le grand chef. Depuis un an, on a travaillé très fort pour en arriver à quelque chose de concret. L’important, c’est de sortir les gens de l’aide sociale, et de leur donner des opportunités d’emploi. »

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