Protection des hippocampes : des mesures inefficaces menant à la contrebande

Environ 95 % des hippocampes séchés en vente à Hong Kong proviennent de pays où leur pêche est illégale.
Photo : Project Seahorse / Tyler Stiem
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La quasi-totalité des hippocampes en vente à Hong Kong - la plaque tournante du commerce de ces poissons prisés en médecine chinoise - provient de la contrebande, indique une étude de l'Université de la Colombie-Britannique (UBC). Les résultats de cette recherche pourraient avoir des implications pour d'autres espèces marines menacées et protégées par des traités internationaux.
Quand, en 2002, l’équipe du Projet Hippocampe a réussi à faire ajouter le cheval de mer au nombre des espèces inscrites à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES (Nouvelle fenêtre)), il s’agissait d’une victoire majeure.
Pour la première fois, le commerce d’une espèce marine serait régulé en vertu de la convention internationale.
Seuls les hippocampes pêchés de manière durable et dont la source serait traçable pourraient se retrouver sur les marchés internationaux.
Dix-sept ans plus tard, une étude publiée par le même groupe dans le journal scientifique Marine Policy démontre que cette protection ne fonctionne pas.
Le commerce international de l’hippocampe se poursuit malgré les interdictions de pêche existant dans les pays exportateurs. Il se fait maintenant sous forme de contrebande, à l'insu des autorités locales.
L’annexe II de la Convention demandait que les exportations soient contrôlées à des niveaux durables, mais les pays ont mis en place des suspensions de commerce et, après ça, s’en sont lavé les mains.
Hong Kong : la plaque tournante
La biologiste de l'Université de Colombie-Britannique Amanda Vincent, ainsi que son équipe, ont mené une enquête à Hong Kong et ont démontré que 95 % des spécimens en vente provenaient de pays ayant interdit leur exportation pour respecter l’accord international.
« La majorité des hippocampes transitent par Hong Kong, il faut absolument comprendre et régler ce qui se passe à Hong Kong », explique Amanda Vincent.

Amanda Vincent a consacré sa carrière à comprendre les hippocampes.
Photo : Radio-Canada / Francis Plourde
Pour parvenir à leur estimation, les chercheurs du Projet Hippocampe ont effectué quelque 220 entrevues avec des commerçants de la région de Hong Kong entre 2016 et 2017.
Selon les commerçants, les hippocampes séchés vendus à Hong Kong provenaient de la Thaïlande, des Philippines, de l’Indonésie, de l’Inde, de la Malaisie et du Vietnam.
Ces pays, plutôt que de légiférer pour des pêches durables, ont procédé à des interdictions, mais sans s’assurer que celles-ci soient respectées, explique la chercheuse.
« On en est arrivé à avoir un commerce illégal et non déclaré. Ça ne sert à rien », dit-elle.

L'hippocampe épineux (Hippocampus histrix), atteignant 15 à 17 centimètres de longueur se retrouve le long des côtes des Philippines.
Photo : Guido Wouters/Project Seahorse
Des espèces prisées
Malgré leur petite taille, les hippocampes occupent une place importante dans l’imaginaire collectif, en raison notamment du fait que c’est le mâle qui effectue la gestation des oeufs pondus par la femelle.
La population, qui compte 44 espèces connues à ce jour à travers le monde, majoritairement dans les zones tempérées et tropicales, fait face à plusieurs menaces :
- le commerce légal et illégal;
- la pêche non sélective;
- la destruction et la dégradation de l’habitat en raison de la pollution marine, la destruction des récifs de corail et la déforestation.
Les hippocampes sont prisés chez les touristes, mais aussi en médecine traditionnelle chinoise, où ils sont utilisés sous forme de poudre, en capsule ou en tisane.
Traditionnellement, le cheval de mer est vu comme ayant des vertus aphrodisiaques. Il peut même être perçu comme un remède pour guérir des maladies comme l’asthme et les maladies du coeur.

Des hippocampes séchées en vente dans une pharmacie chinoise de Hong Kong, la plaque tournante de ce commerce.
Photo : Project Seahorse / Amanda Vincent
Selon Seahorse Canada, environ 20 millions d’hippocampes seraient vendus chaque année pour la médecine chinoise.
Des centaines de milliers seraient aussi vendus pour être conservés dans des aquariums en Amérique du Nord.
Les pêches non sélectives d’hippocampes représentent quant à elles 37 millions de spécimens chaque année, selon les données d’une étude parallèle menée dans 22 pays par le Projet Hippocampe.
Les contrôles de commerce international ne vont rien faire pour les populations sauvages tant que la pêche non sélective va continuer. Nous nous inquiétons beaucoup de la pêche accessoire et nous essayons aussi d’intéresser les pays à cette prise accessoire.
Des pionniers en matière de protection marine
En 2002, les hippocampes sont devenus la première espèce marine à être protégée selon la deuxième annexe de l’accord international CITES, qui fait en sorte que les pays signataires doivent s’assurer que le commerce ne nuise pas aux populations sauvages inscrites.
Aussi connue sous le nom de Convention de Washington (Nouvelle fenêtre), la convention, signée en 1973, contrôle le commerce international de 34 000 espèces animales et végétales.
[Les hippocampes] sont importants comme pionniers pour les contrôles du commerce international des espèces entièrement marines.
Pour Amanda Vincent, l’échec rapporté par son équipe augure mal pour d’autres espèces marines aussi protégées par la Convention.
« En principe, les gens aiment bien les hippocampes, conclut-elle. Si on n’arrive pas à mettre en place des façons de sauvegarder les hippocampes, qu’est-ce qu’on va faire avec d’autres espèces marines qui ne suscitent pas le même intérêt, comme les requins ou les raies? »