Tina Fontaine était abandonnée par le système bien avant sa naissance

Un nouveau rapport de la défenseure des enfants du Manitoba, Daphne Penrose, fait cinq recommandations pour éviter que des événements comme la mort tragique de Tina Fontaine ne se reproduisent.
Photo : Rose Fontaine
Les services qui auraient dû protéger Tina Fontaine ont manqué à leurs obligations bien avant sa naissance, révèle le rapport de la protectrice des enfants du Manitoba, rendu public mardi.
Le rapport lève le voile sur des détails troublants concernant la mère de Tina Fontaine, qui a été victime d'exploitation sexuelle quand elle était confiée à des agences de services à l'enfant et à la famille.
Ces détails font dire à la grand-tante de Tina, Thelma Favel, que la famille « était condamnée dès le début ».
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Le corps de Tina Fontaine a été retiré de la rivière Rouge, à Winnipeg, le 17 août 2014. Par la suite, le procès pour meurtre de Raymond Cormier s'est terminé par un acquittement. Personne n’a été reconnu coupable du meurtre de l'adolescente de 15 ans.
Tina Fontaine est une adolescente autochtone dont la mort, il y a cinq ans, a secoué la population et soulevé des questions sur le sort réservé aux femmes autochtones qui disparaissent, semant les bases d'une discussion nationale qui a mené à la création de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA).
Le procès de Raymond Cormier a cependant mis en lumière des défaillances de la part des services publics, dans les semaines ayant précédé la disparition et la mort de l’adolescente.
Le rapport montre également que l’échec des systèmes remonte bien avant la naissance de Tina Fontaine.
Mère exploitée durant l'enfance
Dans son introduction au rapport, la protectrice des enfants, Daphne Penrose, explique qu'elle y donne ces détails pour tracer un portrait complet de la situation.
En 1992, la mère de Tina, Valentina Duck, a été prise en charge de façon permanente par le Service à l’enfant et à la famille (CFS).
Valentina Duck a commencé à fuguer, consommer de la drogue et de l'alcool à un très jeune âge. Les travailleurs sociaux savaient également qu'elle subissait des violences sexuelles, mais ne sont pas intervenus, indique le rapport.
À l'âge de 12 ans, elle a rencontré l'homme qui allait devenir le père de Tina. Eugene Fontaine avait 23 ans à l'époque et il a bientôt commencé à exploiter sexuellement Valentina Duck.
Le père d'Eugene Fontaine, une victime des pensionnats autochtones, a mené une vie « d'alcoolisme grave et de violence ». Eugene Fontaine a quitté son domicile, dans la Première Nation Sakgeeng, à l'âge de 12 ans pour aller vivre à Winnipeg, où il a dû se débrouiller seul.
La rue comme seul ami
Valentina Duck a donné naissance à son premier enfant en 1996, à l’âge de 14 ans. Le CFS a immédiatement pris cet enfant en charge. Malgré des inquiétudes suscitées par sa relation avec Eugene Fontaine, qui l'exploitait sexuellement, Valentina Duck avait dit au CFS qu’il était le seul à prendre soin d'elle. « La rue est mon seul ami », avait-elle ajouté.
Tina Fontaine, deuxième enfant de Valentina Duck, est née le 1er janvier 1999. Sa mère était alors âgée de 17 ans, et son père en avait 28. Le couple tentait de se prendre en main, participant à des cours de parentalité et à des programmes de lutte contre la toxicomanie.
Les problèmes ont refait surface dès la naissance de leur troisième enfant, en juin 2000. Tina et sa sœur ont alors été retirées de leur famille par le CFS et placées dans un hôtel pendant quatre jours.
L'année suivante, Tina et sa sœur ont de nouveau été placées dans un hôtel pendant neuf jours et ont finalement été placées en famille d'accueil. C’est à cette époque que la relation entre Valentina Duck et Eugene Fontaine a pris fin.
TIna est confiée aux soins de son père
Tina et sa sœur sont ensuite retournées chez leur père, qui a suivi un traitement contre la toxicomanie et des cours d'éducation parentale.
« Il est préoccupant que l’agence ait si rapidement placé deux enfants âgées de moins de 3 ans avec le père de Tina, puis fermé rapidement leur dossier sans surveillance ni soutien », écrit Daphne Penrose dans son rapport.
Eugene Fontaine, qui continuait à lutter contre sa dépendance avec un succès mitigé, a confié ses enfants à la garde de sa tante, Thelma Favel. Ses filles l'appelaient grand-maman.
Pendant de nombreuses années, Thelma Favel a fourni un foyer stable aux deux filles, qui ont maintenu des contacts réguliers avec leur père avant que ce dernier ne soit tué. C’est cet événement qui bouleversera la vie de Tina Fontaine et la poussera à venir à Winnipeg.
Daphne Penrose affirme que la tragédie devrait servir à sonner la sonnette d'alarme.
« Ceux qui ont le pouvoir doivent faire en sorte de se lever et de s'impliquer de manière à ce que tous les enfants puissent grandir en ayant du soutien. Pour honorer le nom de Tina Fontaine, nous devons répondre à cet appel dans un esprit d’équité, de justice et de réconciliation », affirme la protectrice des enfants.