Un absent de taille à la consultation publique sur l’Assomption Sud – Longue-Pointe

Quelque 250 personnes ont participé le 12 mars 2019 au lancement officiel de la consultation publique sur le secteur l'Assomption Sud – Longue-Pointe.
Photo : Radio-Canada / Jérôme Labbé
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
En litige avec la Ville de Montréal, l'entreprise Ray-Mont Logistiques était absente, mardi soir, pour l'ouverture de la consultation publique sur l'avenir du secteur l'Assomption Sud – Longue-Pointe, dans l'arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. Elle possède pourtant un terrain d'importance stratégique pour la relance de cette zone industrielle.
La société dirigée par Charles Raymond souhaite créer une plateforme de transbordement de céréales et de légumineuses à la limite ouest du secteur étudié par l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM), sur un terrain dont elle a fait l’acquisition en 2016. Mais une mésentente concernant l’interprétation d’un règlement d’urbanisme entre l’entreprise, la Ville et l’arrondissement l’en empêche.
L’affaire est devant les tribunaux depuis le printemps 2017. Un premier jugement de la Cour supérieure a donné raison à Ray-Mont Logistiques en juin 2018, mais la Ville a obtenu l'autorisation de porter la cause en appel.
Le dossier étant devant les tribunaux, M. Raymond est resté muet sur son projet depuis bientôt deux ans. Et il a choisi de le rester, a-t-il expliqué dans une lettre transmise à l’OCPM la semaine dernière (Nouvelle fenêtre).
Dans ce contexte délicat, nous avons sollicité l’opinion de nos avocats, [qui] nous ont conseillé, afin de respecter l’autorité de la Cour d’appel qui sera bientôt appelée à se prononcer sur la légalité du projet, de nous abstenir de faire quelques commentaires publics sur la question avant que jugement ne soit rendu.
Son projet est pourtant au cœur de ce qui était autrefois convenu d’appeler la « Cité de la logistique » et qui – changement de régime oblige – a été rebaptisé « Écoparc industriel de la Grande Prairie ».
« C'est un parc d'entreprises, mais qui a une vocation et une orientation vraiment plus écologique », explique la conseillère du district, Laurence Lavigne Lalonde, qui est aussi membre du comité exécutif de la Ville de Montréal. « On va avoir une attention vraiment particulière sur tout ce qui est en lien avec l'aménagement, la rétention des eaux de pluie, le verdissement, l'accès en transport collectif et actif, et aussi la synergie des entreprises qui vont venir s'implanter. »
N'empêche, les résidents du secteur – car il y en a – demeurent inquiets de ce qui les attend au cours des prochaines années. Surtout si Ray-Mont Logistiques va de l'avant avec son projet.
« Les résidents ont beaucoup de préoccupations par rapport au bruit et à la poussière », concède France Harvey, chargée de projet pour Mercier-Ouest Quartier en Santé. Son organisme représente les intérêts des résidents des secteurs Guybourg et Haig-Beauclerk, deux quartiers enclavés dans le parc industriel. Mais des résidents des secteurs avoisinants, comme Viauville et Longue-Pointe, ont également émis des craintes par rapport à la reprise des activités industrielles du secteur.

Aux fins de la consultation, le secteur étudié a été circonscrit par la rue Hochelaga et l’avenue Souligny (au nord), les installations du port de Montréal (au sud), le quartier Viauville (à l'ouest) et l’autoroute 25 (à l'est).
Photo : OCPM
Dans une déclaration transmise à Radio-Canada, M. Raymond a dit regretter que le litige avec la Ville l'empêche de présenter sa vision aux citoyens. « Nous aurions voulu qu’il en soit autrement », a-t-il écrit.
Son entreprise, qui possède en tout 2,4 millions de pieds carrés, se dit prête à développer une piste cyclable, un sentier pédestre, un parc et un mur antibruit végétalisé si elle obtient le feu vert pour aménager sa plateforme de transbordement de céréales et de légumineuses.

L’entreprise Ray-Mont Logistics possède 2,4 des quelque 10 millions de pieds carrés de la zone que souhaite développer l’arrondissement.
Photo : Infolot
Malgré ces engagements, le scepticisme subsiste, notamment à la Coalition Sauvons le ruisseau Molson, qui rêve d'aménager un corridor écologique qui relierait la rivière des Prairies, au nord, et le fleuve Sainte-Laurent, au sud.
Dans le mémoire qu'elle a préparé en vue de la consultation, le tracé dudit corridor contourne le terrain de Ray-Mont Logistiques, où des travaux de décontamination ont considérablement bouleversé le paysage.
Présent mardi soir, l'un des auteurs du mémoire, François Plourde, s'est dit déçu de l'absence de Charles Raymond. « J'aurais adoré lui parler. Je lui aurais demandé pourquoi il a rasé complètement la végétation sur son terrain. »
M. Plourde souhaiterait que la compagnie vende son terrain en petits lots. « Ça pourrait être redivisé en plusieurs petites industries et on passerait le parc nature à travers ça », suggère-t-il.
D'autres joueurs intéressés
La Coalition n'est toutefois pas seule à avoir des visées sur le terrain de Ray-Mont Logistiques, car celui-ci est au cœur d’un autre projet indissociable de la consultation publique que l’OCPM vient d’amorcer : le prolongement du boulevard l’Assomption et de l’avenue Souligny qui, de pair avec la construction d'un viaduc au-dessus de la rue Notre-Dame, permettrait aux camions de sortir beaucoup plus facilement du port de Montréal.

La Ville de Montréal, l'Administration portuaire et le ministère des Transports veulent prolonger le boulevard de l'Assomption et l'avenue Souligny pour faciliter l'accès des camions au port. Une boucle de ce tracé passerait dans le boisé Steinberg.
Photo : Ville de Montréal
Les deux projets ne seraient pas incompatibles, nous dit-on. Mais des négociations seront nécessaires, admet Laurence Lavigne Lalonde. « C'est sûr que, quand on veut faire un tracé sur un terrain privé, il y a des discussions qu'on doit avoir avec les propriétaires », reconnaît-elle.
Toutes les options sont donc sur la table, indique le maire de l'arrondissement, Pierre Lessard-Blais. Y compris le rachat du terrain? « C'est extrêmement difficile de penser le développement à la pièce, et on n'est pas prêts à se positionner sur un terrain ou sur un autre », tempère-t-il. « Cela étant dit, on a doublé le budget d'acquisition d'espaces verts à la Ville de Montréal, et la Ville regarde pour plusieurs opportunités d'acquisitions. Donc à partir de là, on ne peut pas se positionner sur un terrain ou un autre, parce que ça ferait de la spéculation et ce serait un très mauvais coup pour la Ville. »
On est très proactifs pour regarder toutes les possibilités d'acquisitions pour faire du verdissement, particulièrement dans l'Est.
Tout le secteur de l'Assomption Sud – Longue-Pointe a par ailleurs été identifié par l'administration Plante en novembre dernier comme étant un endroit où la Ville de Montréal pourrait exercer un droit de préemption. Advenant une vente, elle pourrait ainsi égaler la somme de la transaction pour acquérir le terrain. Et en faire ce qu’elle en veut.
Avec la collaboration d'Andrée-Anne Côté-St-Laurent