Des signes pour bébés qui valent mille mots

L'éducatrice Émilie Gouin montre le signe «encore» aux bambins de son groupe.
Photo : Radio-Canada / Nancy Caouette
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Ils savent à peine marcher et ne parlent toujours pas. Pourtant, certains bébés peuvent faire comprendre aux adultes qu'ils ont faim ou qu'ils veulent du lait. Au Québec – tout comme en Europe et aux États-Unis –, de plus en plus de parents et de services de garde enseignent des signes aux enfants, afin qu'ils puissent communiquer avec leurs mains.
Il est 9 h au Centre de la petite enfance Plaisir d’enfant, à Carignan, sur la Rive-Sud de Montréal. Une dizaine d’enfants enthousiastes s’empressent de prendre place autour d’une table basse et dans des chaises hautes. Émilie et Cassandra, leurs éducatrices, leur servent des bananes. Après avoir englouti sa part, Anne, 17 mois, se met à taper frénétiquement le bout de son doigt dans la paume sa main.
« Tu en veux encore, Anne? Encore? Encore? », répète son éducatrice, Émilie Gouin, en pointant à son tour le creux de sa main. Rapidement, d’autres enfants l’imitent et obtiennent, eux aussi, un autre morceau du fruit jaune tant convoité.
Ce CPE a adopté en 2010 un vocabulaire composé d’une dizaine de signes dans le but de faciliter la communication entre les enfants et les adultes.
« On utilise surtout quatre signes, qui veulent dire "encore", "fini", "lait" et "manger", explique la responsable à la pédagogie du centre, Mélanie Martineau. Ça diminue les frustrations, ça renforce le lien entre l’enfant et l’adulte et ça favorise aussi leur développement. »

L'éducatrice Cassandra fait le signe «Manger» à ses petits apprentis.
Photo : Radio-Canada
Les signes que le CPE utilise tirent leur racine des « Baby Signs » (Signes de bébé), un vocabulaire de signes développé aux États-Unis dans les années 80.
Un interprète de la langue américaine des signes, Joseph Garcia, avait remarqué que les enfants entendants de ses amis sourds commençaient à communiquer plus tôt avec les adultes que les autres enfants.
Il en a fait son sujet de thèse, puis il a écrit un livre sur la question, Sign with your baby (en français, Communiquez par signes avec votre bébé), rapidement devenu un best-seller.
Une version made in Québec
« Il ne s’agit pas d’un langage ou d’une langue comme la langue des signes québécoise, car il n’y a pas de grammaire ou de verbe », précise l'orthophoniste au Centre Marie-Enfant du CHU Sainte-Justine, Frédérique Asselin-Giguère.
L'experte utilise couramment les signes pour bébés avec ses petits patients. Elle assure que la méthode ne retarde pas l’acquisition du langage, tant et aussi longtemps que les mots sont prononcés en même temps que le signe.

La co-fondatrice de Signe Bébé fait le geste pour le mot « jouer » à une petite fille.
Photo : Radio-Canada / Nancy Caouette
« C’est un peu comme l’enfant qui marche à quatre pattes avant de marcher sur deux pattes, illustre-t-elle. Quand le bébé se rend compte que c’est plus efficace sur deux pattes, il cesse de marcher à quatre pattes. Quand l’enfant se rend compte qu’on le comprend mieux avec des mots prononcés verbalement qu’avec des signes, il abandonne les signes. »
Au Québec, et plus largement dans les pays de la francophonie, plusieurs services de garde utilisent les signes de Signé Bébé. Fondée en 2004, l’entreprise a conçu une centaine de signes basés en partie sur les Signes de bébé des États-Unis, en partie sur la langue des signes du Québec et aussi sur des signes que les bébés font naturellement.
« C’est un peu comme ouvrir une fenêtre sur l’univers du bébé », affirme, tout sourire, la cofondatrice de l'entreprise, Marie Danielle Boucher. Elle ajoute que les bébés ont la capacité de comprendre beaucoup de mots, mais qu’ils n’arrivent pas à les prononcer en raison du développement lent de leur appareil phonateur.
« Un jour, une maman a vu son bébé signer une phrase complète sans parler : "Faut pas toucher les abeilles, ça pique", raconte l'entrepreneure en faisant les gestes. La mère était surprise que son enfant puisse penser tout ça dans sa tête alors qu’il marche à peine! »