Le directeur de la SQ relevé de ses fonctions pour allégation d'infractions criminelles

Le directeur de la SQ, Martin Prud'homme, lors de sa comparution en commission parlementaire le jeudi 4 mai 2017.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La ministre de la Sécurité publique du Québec, Geneviève Guilbault, suspend le directeur général de la Sûreté du Québec (SQ), Martin Prud'homme, après avoir été informée « d'une allégation relative à des infractions criminelles » le concernant.
La ministre Guilbault en a fait l'annonce mercredi, 24 heures après avoir été avisée des « faits allégués ».
La suspension est temporaire et durera « le temps nécessaire à la réalisation de l'enquête et à l'examen approfondi de la situation ». L'enquête est menée par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI).
Les autorités ont rencontré M. Prud'homme mercredi, mais il n'a pas été arrêté puisqu'il ne fait pas face à une accusation, a expliqué la ministre Guilbault.
Radio-Canada a appris que l'allégation qui pèse sur Martin Prud'homme est liée aux fuites dont avaient fait l'objet deux enquêtes de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) : Mâchurer et le Projet A. Le BEI cherche à savoir si M. Prud'homme a été impliqué dans ces fuites d'informations confidentielles aux médias.
Rappelons que l'enquête Mâchurer porte sur le financement du Parti libéral du Québec, sur l'ex-premier ministre Jean Charest et sur son grand argentier de l'époque, l'entrepreneur Marc Bibeau.
Quant au Projet A, il visait à trouver qui avait pu remettre des informations confidentielles aux médias. Le Projet A s'était soldé en octobre 2017 par l'arrestation par l'UPAC du député libéral Guy Ouellette, ami personnel de Martin Prud'homme et ancien policier de la SQ.
Un an plus tard, en octobre 2018, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avait dû reconnaître que les mandats obtenus par l'UPAC pour procéder à des perquisitions à la résidence et dans le véhicule de Guy Ouellette étaient invalides.
Et, juste après ce revers encaissé par l'UPAC et le jour même des élections qui ont porté la Coalition avenir Québec (CAQ) au pouvoir, le grand patron de l'UPAC, Robert Lafrenière, avait démissionné sans donner la raison de son départ.
Enfin, le 25 octobre dernier, le ministère de la Sécurité publique a demandé au BEI d'examiner l'ensemble des fuites provenant des projets d'enquête de l'UPAC.

Une situation délicate
La ministre Guilbault n'a pas précisé la teneur de l'allégation contre M. Prud'homme, se refusant à dire si elle était liée, ou pas, à ses fonctions. « C'est bien sûr une situation qui est délicate, qui est complexe, a-t-elle déclaré. On veut surtout éviter de nuire à l'enquête. »
Notre gouvernement a agi rapidement afin de rassurer la population, de protéger l'institution qu'est la Sûreté du Québec, de préserver la confiance du public dans nos institutions et, surtout, de ne pas nuire à l'enquête en cours.
Martin Prud'homme, policier et gestionnaire de l'État
En 2009, le gouvernement libéral de Jean Charest avait nommé Martin Prud'homme sous-ministre de la Sécurité publique.
Martin Prud'homme a pris la tête de la Sûreté du Québec en 2014, sous le gouvernement de Philippe Couillard.
Fin 2017, il a été prêté au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dans la foulée d'un rapport qui recommandait de mettre un terme au climat de tension et de suspicion qui s'était installé au sein du corps de police montréalais. Il y a quatre mois jour pour jour, M. Prud'homme a remis son rapport sur le SPVM et est retourné à la SQ.
En raison de son actuelle suspension, c'est Mario Bouchard, directeur général adjoint à la SQ, qui assure l'intérim.

Des liens familiaux
Dans une entrevue accordée fin 2017 à Radio-Canada, Robert Lafrenière – alors grand patron de l'UPAC – avait eu cette déclaration : « Moi, je n’ai pas marié Martin Prud’homme [DG de la SQ], c’est ma fille qui l’a marié ».
M. Lafrenière, dont les deux enfants sont policiers à la SQ, avait affirmé dans cette entrevue que ses enfants avaient été promus au sein de la SQ, et ce, alors que lui-même n'y était plus. Robert Lafrenière avait exclu l'idée que « la famille Lafrenière-Prud’homme puisse faire de la sécurité publique ». « On est tellement surveillé, on a tellement de redditions de comptes », avait-il dit.
Le Parti québécois (PQ) et Québec solidaire (QS) ont déjà soulevé des inquiétudes concernant ces liens familiaux.
Après l'annonce de la suspension de Martin Prud'homme, l'opposition officielle libérale a salué la décision du gouvernement.
La porte-parole libérale en matière de sécurité publique, Christine St-Pierre, a déclaré qu'on a « pris la décision que tout gouvernement se devait de prendre en pareilles circonstances ». Elle a ajouté que la situation était « préoccupante » et qu'elle souhaitait que la lumière soit faite rapidement.
Avec les informations de Martine Biron et de La Presse canadienne