Le glyphosate et les pesticides « tueurs d'abeilles » de plus en plus présents dans l'eau au Québec

Le ministère de l'Environnement prélève chaque année des échantillons d'eau dans les rivières agricoles du Québec et publie un rapport tous les quatre ans.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Un nouveau rapport du ministère de l'Environnement du Québec révèle une « augmentation significative » de la présence de pesticides, comme le glyphosate et les néonicotinoïdes, dans les rivières de la province, parfois au-delà des critères établis pour la protection des espèces aquatiques. Parallèlement, l'industrie critique le travail des scientifiques du gouvernement.
Le Québec peine à freiner la croissance de l'utilisation des pesticides. Plusieurs produits, parmi les plus à risque pour l'environnement et la santé, sont encore omniprésents dans les cours d'eau agricoles de la province.
Les résultats montrent une tendance à la hausse des concentrations de l'herbicide glyphosate dans les milliers d'échantillons prélevés entre 2015 et 2017.
« L'augmentation est significative », note l'auteure du rapport, Isabelle Giroux, directrice de l'information sur les milieux aquatiques au ministère de l'Environnement, en entrevue à Radio-Canada.
Près de 98 % des prélèvements ont révélé la présence de glyphosate, tout en respectant les critères de qualité de l'eau dans la plupart des cas.
Explosion de l'utilisation du glyphosate
Le glyphosate est l'herbicide le plus appliqué dans le monde pour éliminer les mauvaises herbes et le Québec ne fait pas exception.
Entre 1992 et 2016, la superficie des champs de maïs et de soya traités avec cet herbicide a été multipliée par 10.
En 2016, 1 750 000 hectares ont reçu du glyphosate, soit 36 fois la taille de l'île de Montréal.
L'auteure du rapport écrit : « Puisque les superficies totales de maïs et de soya sont de 745 000 hectares [au Québec], on en déduit que le produit a pu être utilisé plus d'une fois sur les champs en culture ou encore à une dose plus élevée que la dose moyenne ».

Évolution des concentrations de glyphosate dans différentes rivières.
Photo : Rapport du MELCC
« On est inquiets, réagit Nadine Bachand, chargée de projet Pesticides et produits toxiques chez Équiterre. Il faut vraiment aller vers une interdiction des substances les plus dangereuses et on demande à ce que le glyphosate soit placé sur une liste de pesticides à usage restreint au Québec. »
C'est un échec des stratégies qu'on a mises en place jusqu'ici.
Le gouvernement du Québec s'est donné comme objectif de réduire de 25 % l'impact des pesticides sur la santé et l'environnement d'ici 2021 par rapport à 2006-2008, mais c'est le contraire qui est en train de se produire.
À lire aussi :
Les pesticides « tueurs d'abeilles » dépassent les normes

Des pesticides néonicotinoïdes utilisés au Canada
Photo : Radio-Canada
Non seulement les insecticides néonicotinoïdes se retrouvent dans près de 100 % des échantillons, mais en plus, ils dépassent la plupart du temps les critères de qualité de l'eau pour la protection des espèces aquatiques, constate le rapport.
Entre 2015 à 2017, deux des trois insecticides « tueurs d'abeilles » ont dépassé les normes dans 79 à 100 % des cas. Le troisième dans 30 % des cas.
Depuis 2011, au Québec, presque toutes les semences de maïs et la moitié des semences de soya sont traitées avec des néonics. Une étude a démontré que beaucoup d'agriculteurs les utilisent inutilement.
L'utilisation des néonics sera encadrée dès avril 2019 au Québec. Les agriculteurs devront obtenir la prescription d'un agronome pour en faire l'usage.
Quelques bonnes nouvelles
L'herbicide atrazine est moins présent qu'avant dans les échantillons d'eau. Considéré par le gouvernement comme le pesticide le plus à risque, à la fois pour la santé et l'environnement, il a tout de même été détecté dans 95,7 % des échantillons en 2017.
Les concentrations de dicamba et de 2,4-D sont aussi à la baisse.
Après un record en 2014, les quantités de pesticides vendues au Québec ont diminué en 2015 et 2016 pour atteindre leur niveau de 2013. On commercialise encore plus de 4000 tonnes d'ingrédients actifs par année dans la province.
Autre bonne nouvelle, le ministère de l'Environnement a accepté, sans tarder, de nous accorder une entrevue avec la fonctionnaire responsable du rapport, ce qui n'avait pas été possible lors de la précédente publication, en 2015.
Des traces de pesticides dans les puits d'eau potable

Une agricultrice se protège avant d'épandre des pesticides.
Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet
En 2015 et 2016, 52 puits individuels ont été échantillonnés par le ministère près de champs en cultures de maïs et de soya. Des pesticides ont été détectés dans sept puits (13,5 %).
Le ministère a retrouvé neuf produits différents, dont le glyphosate, l'atrazine et des néonicotinoïdes. « Les concentrations mesurées sont faibles et respectent largement les normes », précise le rapport.
Les agriculteurs utilisent les pesticides pour lutter contre les mauvaises herbes et les insectes ravageurs afin d'obtenir de meilleurs rendements, limiter les pertes et gagner du temps.
Les producteurs qui vivent à proximité des champs sont aussi les premiers touchés par les effets de ces produits.
L'UPA demande un véritable plan vert agricole
L'Union des producteurs agricoles (UPA) réclame au gouvernement un investissement de 60 millions de dollars annuels de plus dévolus à la recherche, l'accompagnement et le transfert de connaissances en agroenvironnement.
« L'actualité des dernières semaines démontre que les Québécois s'interrogent sur le recours aux pesticides en agriculture, dit le président de l'UPA, Marcel Groleau. Les producteurs agricoles du Québec souhaitent donner suite à ce questionnement. »
Écoutez l'entrevue de Marcel Groleau, président de l'UPA, à l'émission Midi info, sur les ondes d'ICI Première.
Le ministre de l'Environnement du Québec, Benoit Charette, n'était pas disponible vendredi pour réagir au rapport.
André Lamontagne, ministre de l'Agriculture, affirme que ces résultats « motivent » le gouvernement dans son « objectif de réduire ces empreintes-là ».
Ça augmente parce que la population du Québec augmente, nos cultures augmentent. C'est certain que c'est un facteur qui n'est pas aidant.
L'industrie des pesticides critique le rapport du ministère
« Les concentrations de tous les pesticides dans l’eau demeurent très faibles », souligne le PDG de CropLife Canada, Pierre Petelle, qui représente les manufacturiers et les distributeurs, comme Bayer – qui a racheté Monsanto – ou Syngenta.
Le représentant de l'industrie critique la méthodologie utilisée : « Le gouvernement a modifié le seuil de mesure de la présence de néonics dans l’eau depuis son dernier rapport. Changer les seuils, sans raison valable, est totalement injuste pour les agriculteurs. »
Malgré la façon déroutante dont les données sont rapportées, il ressort que les producteurs québécois utilisent les néonics d’une manière responsable et qui ne menace pas l’environnement.
Le ministère de l'Environnement nie toutefois avoir changé ses critères depuis son dernier rapport.
En ce qui concerne le glyphosate, Pierre Petelle affirme qu'il a « un très faible niveau de toxicité », précisant que « l’utilisation du glyphosate apporte d’importants avantages au Québec, en contribuant notamment à la conservation des sols, à la séquestration du carbone et à la réduction des gaz à effet de serre ». Et d'ajouter : « Nous encourageons l’industrie et les producteurs agricoles à travailler ensemble pour s’assurer que tous les pesticides, y compris le glyphosate, sont utilisés selon les directives qui figurent sur leur étiquette, afin d’atténuer les risques et de protéger la santé des humains et de l’environnement. »
Lire le rapport (Nouvelle fenêtre) du ministère de l'Environnement : Présence de pesticides dans l'eau du Québec. Portrait et tendances dans les zones de maïs et de soya 2015 à 2017