Le combat de Sue Rodriguez pour mourir dans la dignité
Le suicide assisté de Sue Rodriguez a relancé le débat au Canada sur le droit de mourir dans la dignité.
Photo : Radio-Canada
Le 12 février 1994, Sue Rodriguez mettait fin à ses jours. Son décès relance un débat passionné sur le suicide assisté et l'aide médicale à mourir au Canada. Nos journalistes ont couvert cet événement charnière d'un pan de l'histoire du droit au pays.
Une mort qui ranime un débat
Si je ne peux consentir à ma propre mort, qui contrôle mon corps? Qui contrôle ma vie?
Directement ou indirectement, assister quelqu’un dans un suicide ou participer à un meurtre, l’effet est le même. C’est illégal et ça devrait le demeurer.

Téléjournal, 12 février 1994
En 1991, Sue Rodriguez, qui vit à Victoria, reçoit une nouvelle catastrophique, comme le raconte la journaliste Ghislaine Bouffard dans un reportage présenté au Téléjournal du 12 février 1994.
Sue Rodriguez reçoit le diagnostic de la maladie de Lou Gehrig.
Cette maladie dégénérative lui paralysera progressivement toutes ses fonctions vitales. Les médecins lui donnent entre trois et cinq ans à vivre.
Refusant les tourments du stade terminal de la maladie, Sue Rodriguez décide qu’au moment qu’elle jugera opportun, elle se suicidera. Elle demandera alors l’assistance d’un médecin.
Apparaît cependant un gros obstacle. Si le suicide est légal au Canada, aider quelqu’un à s’enlever la vie ne l’est pas. Le Code criminel canadien prévoit une peine de prison à qui le fera.
Sue Rodriguez demande une dérogation au Code criminel canadien à la province de la Colombie-Britannique où elle réside. Cette dernière rejette sa demande.
La cause de Sue Rodriguez se dirige alors vers la Cour suprême du Canada.
Rodriguez v British Columbia (AG)
Le 20 mai 1993, le plus haut tribunal du pays entend sa requête.
De son île de Vancouver, Sue Rodriguez écoute à la télévision les plaidoiries présentées aux neuf juges de la Cour suprême.

Téléjournal, 20 mai 1993
Comme le constate le correspondant parlementaire Daniel L’Heureux dans un reportage qu’il présente le 20 mai 1993 au Téléjournal, Sue Rodriguez voit dans le petit écran des magistrats déchirés.
Le juge en chef de la Cour suprême, Antonio Lamer, s’inquiète du précédent que le fait d’accepter cette requête entraînerait.
Une autre juge, Claire L’Heureux-Dubé, pour sa part, critique les groupes qui tentent de bloquer la requête de Sue Rodriguez au nom du principe général du droit à la vie.
« On parle ici d’une personne qui est en train de mourir », rappelle la juge à un avocat défendant la position des groupes pro-vie.
Le 30 septembre 1993, la Cour suprême rend une décision extrêmement serrée — cinq juges contre quatre juges — et déboute la requête de Sue Rodriguez.
Celle-ci n’a plus le choix. Elle va demander de l’aide pour se suicider. Cette personne en agissant ainsi va contrevenir au Code criminel canadien.
Le 12 février 1994, Sue Rodriguez met fin à ses jours assistée par un médecin dont l’identité reste inconnue encore aujourd’hui.
Le débat sur le suicide assisté est relancé
Aux côtés de Sue Rodriguez, il y avait le jour de sa mort le député fédéral Svend Robinson.

Téléjournal, 14 février 1994
Le 14 février 1994, le parlementaire convoque une conférence de presse. Le correspondant parlementaire Guy Gendron la résume dans un reportage qu’il présente ce jour-là au Téléjournal animé par Bernard Derome.
La voix brisée par l’émotion, Svend Robinson décrit les derniers moments qu’a vécu Sue Rodriguez.
Le geste de Sue Rodriguez relance le débat au Canada sur le suicide assisté.
Les parlementaires réclament une réouverture du débat à la Chambre des communes. L’opposition officielle propose un référendum national pour clore la discussion.
En 2015, la Cour suprême du Canada invalide sa propre décision déboutant la requête de Sue Rodriguez.
Le 17 juin 2016, le Parlement adopte un projet de loi qui légalise le suicide assisté au Canada.