Les défenseurs des langues autochtones optimistes par rapport au projet de loi fédéral

Plus de 90 langues autochtones coexistent au Canada. Les trois quarts sont considérées comme « en danger » par l'UNESCO.
Photo : ICI Musique
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Plusieurs défenseurs des questions autochtones saluent le projet de loi C-91 sur les langues autochtones, déposé mardi à Ottawa, mais regrettent son manque de mesures concrètes.
La loi proposée reconnaît que « les langues autochtones font partie intégrante des cultures et des identités des peuples autochtones et de la société canadienne ».
« Le fait de reconnaître les langues autochtones et tout ce qui s’y rattache pourrait avoir un impact positif dans des domaines comme la justice et la santé », estime l'avocate franco-métisse Aimée Craft.
Elle espère néanmoins « voir des projets concrets de financement » pour appuyer ce projet de loi.
Défendre les langues avant qu’il ne soit trop tard
De son côté, l’anthropologue Yves Labrèche, qui enseigne les cultures autochtones à l’Université de Saint-Boniface, dit : « Tel que mentionné, [ce projet de loi ], est une bonne nouvelle, mais peut-être est-ce trop peu ou trop tard. »
Il craint que le projet de loi, censé protéger les langues autochtones, ne demeure un outil inefficace pour revitaliser les langues autochtones.
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« Il n’est pas trop tard et cela ne l’a jamais été », estime quant à lui un aîné métis manitobain et expert en langue mitchif, Normand Fleury.
Il précise que les Autochtones travaillent à la préservation et à la revitalisation de leurs langues, même si la connaissance des locuteurs peut être parcellaire.
« Il y a ceux qui comprennent [leur langue traditionnelle], mais ne [la] parlent pas, ceux qui [la] parlent et ceux qui l’écrivent », explique Normand Fleury.
Une question d'argent?
L'anthropologue Yves Labrèche s’inquiète cependant du fait que le gouvernement n'investisse pas suffisamment pour réellement revitaliser les langues autochtones.
Il mentionne également la difficulté de trouver un nombre suffisant de locuteurs. « Sauf chez les Inuits, les jeunes locuteurs des langues autochtones sont de moins en moins nombreux », précise-t-il.
Il souligne également la difficulté de trouver des ressources pédagogiques.
« Les peuples autochtones valorisent la tradition orale plutôt que l’écriture et les méthodes d’apprentissage qu’ils préconisent diffèrent des méthodes qui prévalent dans le système d’éducation conçu pour la majorité non autochtone », explique Yves Labrèche.

Aimée Craft, métisse de la rivière Rouge, avocate et professeure de droit.
Photo : Aimée Craft
La Nouvelle-Zélande en exemple
L'avocate Aimée Craft estime que le Canada pourrait s'inspirer des politiques néo-zélandaises en matière de revitalisation de langues.
« On a vu [une revitalisation] de la langue maorie en Nouvelle-Zélande avec des projets d’immersion dans les écoles, explique-t-elle. Cent ans plus tard, on a des jeunes, dont les parents ne parlaient pas couramment le maori, qui sont aujourd’hui complètement bilingues grâce à l’immersion. »
Pour le chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, les écoles d'immersion ne suffiraient toutefois pas pour des personnes qui ne parlent pas leur langue à l'extérieur des salles de classe.
Ghislain Picard ajoute qu'il existe encore une vraie discrimination quant à l'usage des langues autochtones.
Selon lui, les méthodes de revitalisation des langues autochtones restent encore à trouver et seront en fonction des fonds disponibles.
« On pourrait aller chercher du côté des technologies pour répondre aux défis de revitalisation auprès des jeunes qui, parfois forment, la plus grande part de nos populations », avance-t-il.