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Des médecins dénoncent l'abus de médicaments pour traiter le TDAH

Un petit garçon réfléchit

Le TDAH et ses traitements.

Photo : iStock

Radio-Canada

Dans une lettre ouverte, des pédiatres sonnent l'alarme pour dénoncer le traitement du Trouble déficitaire d'attention avec ou sans hyperactivité chez les enfants (TDAH) au Québec. Ils exigent une remise en question collective afin que le médicament ne soit plus utilisé systématiquement contre la maladie.

Dans la lettre ouverte publiée dans le Journal de Montréal, les médecins s’appuient sur des données de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS).

Ces mesures montrent l’augmentation des prescriptions de médicaments, pour tous les groupes d’âge étudiés entre 0 et 25 ans, entre 2006 et 2015, pour traiter le TDAH. Par exemple, pour les jeunes de 13 à 17 ans, le taux est passé de 3,4 % à 9,9 % entre 2006 et 2015.

Nous demandons impérativement à tous ceux concernés, et au fond n’est-ce pas toute la société qui est concernée, de faire un sérieux examen de conscience et de se questionner pour savoir pourquoi tant de jeunes présentent des symptômes d’inattention, d’hyperactivité, d’impulsivité et d’anxiété, au point d’être traités avec des médicaments psychotropes aussi souvent.

Une citation de Extrait de la lettre ouverte « TDAH et médicaments : sommes-nous allés trop loin? »

Des données « troublantes »

Dans la lettre, les pédiatres affirment aussi que le Québec a démontré une tendance plus forte que le reste du Canada à utiliser les médicaments face au TDAH. Pour le groupe des 10-12 ans, le pourcentage d’enfants québécois ayant un TDAH traité par médicament est de 13,97 %, alors que dans le reste du Canada, il est de 5,08 %.

Les signataires de la lettre reconnaissent l’efficacité du traitement médicamenteux à court terme, mais pas à long terme. Et selon eux, les questionnaires de diagnostic du TDAH sont les mêmes dans le reste du Canada, ce qui montre l’existence de « facteurs spécifiques au Québec ».

Ils regrettent aussi le fait qu'un traitement basé sur plus d'intervention psychosociale et de soutien aux parents soit délaissé.

En point de presse jeudi après-midi, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux Lionel Carmant a réagi aux inquiétudes de ses collègues médecins.

On peut vraiment intervenir tôt et prévenir la prise de médication. Je suis tout à fait d’accord avec ce qui a été écrit auparavant, mais nous, on a décidé d’agir plutôt que d’écrire.

Une citation de Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux

Pour ce faire, M. Carmant a entre autres évoqué l'utilité de sa plateforme web pour dépister le plus rapidement possible les troubles d'apprentissage chez les enfants de moins de cinq ans, une mesure dont il a annoncé le déploiement graduel jeudi.

« La plupart des enfants ont des signes précurseurs avant d’entrer à l’école, et dans ce contexte, quand le parent serait inquiet, il remplirait les questionnaires et cet enfant pourrait par exemple bénéficier d’une intervention d’une psychoéducatrice pour son comportement », a-t-il détaillé.

Écrire pour faire naître un débat

En entrevue à l’émission Gravel le matin, la docteure Valérie Labbé, pédiatre à Lévis et signataire de la lettre, souhaiterait un grand débat public au sujet du traitement du TDAH. « Quand on se parle, quand on se rencontre [entre médecins] tout le monde est alarmé de ce haut taux de médication. »

Pour elle, une réflexion de la société au complet est nécessaire, plutôt que de pointer les coupables, médecins ou parents, face à ce problème.

La société au complet est moins tolérante [face à la turbulence des enfants] il y a un phénomène de société qui amène les enfants à avoir de la difficulté à se poser, à se concentrer et bien gérer leurs émotions.

Une citation de Dre Valérie Labbé, signataire de la lettre ouverte

Elle reconnaît que le Québec a une tendance à la surprescription, mais selon elle, cela peut être dû au fait que dans le reste du Canada, les médicaments pour contrer le TDAH, comme le Ritalin, ne sont pas payés par le régime de santé publique.

Guy Falardeau, pédiatre à Québec, a lui aussi signé la lettre ouverte. Il critique le surdiagnostic du TDAH qui passe à côté d'autres maux dont les enfants souffrent.

Trop de traitements mais, surtout, ceux qui sont traités et qui ne souffrent pas de TDAH, sont des enfants anxieux, et on ne traite pas leur anxiété [...] J’en vois toutes les semaines des enfants qui ont explosé

Une citation de Guy Falardeau, signataire de la lettre

Autre son de cloche à Sainte-Justine

Si les pédiatres signataires de la lettre ouverte sonnent l'alarme, il en va tout autrement au CHU Sainte-Justine. « [Cette] préoccupation doit être mise en perspective et tempérée par les preuves scientifiques disponibles », a réagi Stacey Bélanger, pédiatre au Centre de développement de l'institution et responsable médicale de sa Clinique du TDAH.

La médecin insiste que le rapport de l'INESS « n'indique pas directement si le TDAH est surdiagnostiqué, mal diagnostiqué ou sous-diagnostiqué ».

Peu de preuves appuient les dires des pédiatres signataires, dit en somme Mme Bélanger. « Je crois que la lettre contribuera à l'inquiétude et la méfiance croissante du public quant à la possibilité d’un surdiagnostic et d'un surtraitement du TDAH chez des jeunes par les médecins au Québec », conclut-elle.

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