Le dernier protecteur du code mohawk

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Levi Oakes traduisait des messages dans un langage codé, le mohawk.
Photo : Radio-Canada / Yves Tassé
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Au moment où le gouvernement Trudeau s'apprête à déposer un projet de loi visant à préserver, à protéger et à revitaliser les langues autochtones, difficile d'ignorer que des politiques gouvernementales passées ont nui à leur vitalité. Pourtant, ces langues ont contribué à notre histoire. Rencontre avec le tout dernier transmetteur mohawk de messages codés encore en vie.
Un texte de Madeleine Blais-Morin, correspondante parlementaire à Ottawa
Il aura fallu des décennies avant que Levi Oakes, d’Akwesasne, s’ouvre sur le rôle qu’il a joué durant la Seconde Guerre mondiale.
Pour éviter que des communications ne tombent entre les mains de l'ennemi, il traduisait les messages dans un langage codé. Ce code, c'était sa propre langue maternelle, le mohawk.
« Mes commandants me donnaient des bouts de papier. Je devais traduire des messages importants. »
L’ironie de l’histoire
Levi Oakes, âgé de 94 ans, est né au Québec, mais il s'est joint à l'armée américaine. Ces dernières années, il a été honoré aux États-Unis. Ici, c'est le secrétaire parlementaire Marc Miller qui a contribué à le faire connaître.
L’ironie du sort, c'est que c'est une langue qui nous a aidés à rester libres, [à préserver] la démocratie, le peuple qu'on est. Je reviens toujours à l'ironie du fait que les non-Autochtones, que ce soit de façon délibérée ou inconsciente, ont arraché la langue à son peuple.
Plus de 70 langues autochtones sont parlées au Canada. Plusieurs d’entre elles sont menacées. Le mohawk compte, selon Statistique Canada, moins de 2500 locuteurs.
Dans la famille Oakes, on se parle maintenant en anglais. La fille de Levi, Dora, raconte que, quand elle était enfant, les élèves qui osaient parler mohawk à l'école étaient punis physiquement.

Dora Oakes, fille de Levi.
Photo : Radio-Canada / Yves Tassé
Réparer des erreurs du passé
Selon nos informations, le gouvernement Trudeau doit déposer « très bientôt » le projet qu’il avait promis sur les langues autochtones. C'est l'un des derniers projets de loi qu'il doit présenter avant le rendez-vous électoral d’octobre prochain.
Ce projet de loi a comme particularité d’avoir été codéveloppé avec l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et la Nation métisse du Canada. Il fait suite à l’engagement du premier ministre de mettre intégralement en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, dont certains portent sur les langues autochtones.
Cette commission, qui s’est penchée sur le triste épisode des pensionnats, recommandait notamment de nommer un commissaire aux langues autochtones.
Ce vendredi, le ministre du Patrimoine canadien Pablo Rodriguez prononcera une allocution sur les langues autochtones à l'ONU. Il sera accompagné des chefs de l'Assemblée des Premières Nations, du Ralliement national des Métis et de l'Inuit Tapiriit Kanatami.
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Trop tard… pour certains
Or, Dora Oakes croit que, dans son cas, il est un peu tard pour se réapproprier la langue de son père qu'elle admire tant.
Je me sens bien, parce que, vous savez, tout le monde a des héros comme Spider-Man ou Superman, alors que moi, j’ai mon père.