L'ambassadeur canadien en Chine précise ses propos sur l’affaire Meng Wanzhou

Pour l’ancien ambassadeur Fred Bild, John McCallum n’a fait qu’expliquer au pays où il est en poste « comment son pays, à lui, fonctionne ».
Photo : Reuters / Andrew Kelly
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'ambassadeur du Canada en Chine, John McCallum, dit s'être « mal exprimé » en parlant de la procédure d'extradition aux États-Unis de Meng Wanzhou, la directrice financière du géant chinois des télécommunications Huawei.
Dans une déclaration rendue publique jeudi après-midi, M. McCallum se dit désolé que ses propos « aient semé la confusion ». « Je me suis mal exprimé », a-t-il admis.
[Mes propos] ne reflètent pas fidèlement ma position sur la question. Comme le gouvernement l'a toujours dit clairement, il n'y a eu aucune intervention politique dans ce dossier.
« En tant qu'ambassadeur du Canada en Chine, je n’ai aucun rôle à jouer dans l'évaluation des arguments ni à me prononcer sur le processus d'extradition. La priorité du gouvernement du Canada, ainsi que la mienne, est d'obtenir la libération des deux Canadiens détenus arbitrairement en Chine et de veiller à la protection des droits de tous nos citoyens », a ajouté l'ambassadeur.
Au cours d'une conférence de presse, mercredi, avec des médias sinophones dans la région de Toronto, M. McCallum a déclaré qu'à son avis Mme Meng a de bons arguments juridiques qui pourraient lui permettre d'éviter l'extradition vers les États-Unis.
Il en a même énuméré quelques-uns : « Premièrement, l'implication politique de Donald Trump, qui a fait des commentaires sur son dossier. Deuxièmement, l’aspect extraterritorial de son dossier. Troisièmement, il y a l'aspect des sanctions [américaines] contre l'Iran en jeu dans son dossier. Le Canada n'applique pas ces sanctions. »
« Alors, je crois qu’elle [Meng Wanzhou] a des arguments forts à faire valoir devant un juge », a poursuivi M. McCallum.
Ces commentaires lui ont valu des critiques et des appels à sa démission.
Le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, a immédiatement réclamé le congédiement de l'ambassadeur en Chine pour ces déclarations. Il a estimé que ces commentaires étaient de nature à remettre en doute la séparation des pouvoirs politiques et juridiques au Canada.
« Il [John McCallum] est le porte-parole du gouvernement du Canada dans le pays même où la situation se présente. Il s'agit d'un processus indépendant », a martelé M. Scheer.
Plus tôt jeudi le premier ministre Justin Trudeau a rejeté l’idée de congédier son ambassadeur comme l’exigeait l’opposition. Il a précisé que son gouvernement travaillait pour la libération de Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, tous deux détenus en Chine.
La veille, sans vouloir présumer du sort de Meng Wanzhou, M. Trudeau avait dit s'attendre à ce que la directrice financière de Huawei se défende pleinement pour éviter d'être extradée vers les États-Unis.
« Nous avons reconnu depuis le début à quel point c'est important de défendre la règle de droit, d'assurer l'application dans l'intégrité de ce système de la justice, a répété M. Trudeau aux journalistes. Évidemment, ça comprend le droit de toute accusée de se défendre pleinement des accusations portées contre elle, et c'est exactement ce à quoi nous nous attendons dans ce cas », avait-il indiqué.
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Un ancien ambassadeur se porte à la défense de John McCallum
En entrevue à l'émission Midi info, Fred Bild, ambassadeur en Chine de 1990 à 1995 et professeur invité au Centre d'études de l'Asie de l'Est de l'Université de Montréal, est venu au secours de John McCallum. Pour lui, M. McCallum n’a fait que son travail.
M. Bild a rappelé que le travail de l’ambassadeur est d’expliquer au pays où il est en poste « comment son pays, à lui, fonctionne et comment le système politique et judiciaire fonctionne […] C’est ce que M. McCallum a fait ».
Fred Bild a reconnu que la crise entre le Canada et la Chine est importante, mais il a fait remarquer qu’il y a également une crise entre Washington et Ottawa. « On entend très peu dans les médias canadiens dire que M. Trudeau devrait s’adresser à M. Trump. C’est son gouvernement qui a demandé l’extradition et c’est à eux qu’il faudra peut-être expliquer qu’ils n’ont peut-être pas toutes les chances de réussir. »
Tout a commencé le 1er décembre lorsque Meng Wanzhou, directrice financière du géant chinois de télécommunications Huawei, a été arrêtée à Vancouver.
Les autorités canadiennes répondaient à une demande d’extradition formulée par les États-Unis, a expliqué le ministère canadien de la Justice.
Cette arrestation a été qualifiée de « trahison » par l’ambassadeur de Chine.
Les relations entre Pékin et Ottawa se sont détériorées de l’aveu même de la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, qui a reconnu « un moment difficile avec la Chine », notamment après l’arrestation de deux ressortissants canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, par les autorités chinoises.
Ottawa a plusieurs fois indiqué qu’il ne voulait pas politiser l’affaire Meng Wanzhou. Ni la Chine ni le Canada n'ont formellement associé les deux événements, mais les experts ont peu de doute sur le lien entre les deux.
Avec les informations de La Presse canadienne