La « renaissance » d’Aymen Derbali, survivant de l’attentat à la grande mosquée
Aymen Derbali est arrivé dans sa maison adaptée en août 2018
Photo : Radio-Canada / Julia Page
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Dans la cuisine de sa nouvelle maison adaptée, Aymen Derbali pianote sur le clavier de son ordinateur. Un geste simple, mais porteur d'immenses espoirs. Devenu tétraplégique après l'attentat à la grande mosquée de Québec, l'homme de 42 ans dit vivre « une renaissance ».
« C’est ma deuxième vie qui commence », lance Aymen. Même s’il sera à jamais confiné à son fauteuil roulant électrique, ses bras et ses doigts ont repris des forces dans la dernière année.
Avec ses deux index et son pouce gauche, il parvient à enfoncer les touches de son ordinateur portable. Les mouvements ne sont ni fluides ni rapides, mais ils ouvrent la porte à un retour au travail.
« J'ai cette possibilité-là parce que je peux utiliser la reconnaissance vocale et je peux taper un petit peu », explique ce consultant en technologies de l’information.
« »
Aymen a même postulé pour un emploi, il y a quelques semaines. Il raconte qu’il ne l’a pas obtenu, car il n’est disponible qu’à temps partiel. Mais le simple fait d’avoir tenté sa chance témoigne de tout le chemin parcouru.
Revenir de loin
Atteint par sept balles le soir de la tuerie à la grande mosquée, Aymen a passé des mois en coma artificiel et aux soins intensifs.
Par la suite, il a vécu 13 mois dans un centre de réadaptation physique. À l’époque, il confiait sa crainte de devenir un fardeau pour sa femme et ses 3 enfants aujourd’hui âgés de 2 à 10 ans.
« J'avais vraiment un portrait plus sombre, se souvient-il, un petit sourire en coin. Mais maintenant, je reprends des activités. Je peux sortir, je peux faire des choses. »
« »
Cette amélioration ne signifie pas que ses douleurs physiques ont disparu. L’atteinte du nerf radial, dans son bras droit, le force encore aujourd’hui à prendre des narcotiques trois fois par jour.
Un quotidien retrouvé
Aymen affirme néanmoins que les journées passent vite. Matin et soir, il reçoit la visite d’un préposé qui l’aide à faire le passage entre le lit et son fauteuil, puis à faire sa toilette.
Entre-temps, il trouve toujours le moyen de s’occuper, notamment en lisant l’actualité. Avec son petit doigt, il parvient à utiliser l’écran tactile de son cellulaire.
Puis vers 16 h, les enfants reviennent de l’école et de la garderie. Un bonheur qu’il ne connaissait plus depuis longtemps.
« Depuis le retour chez moi, je me sens très bien, surtout sur le plan psychologique. De me retrouver tout le temps avec la famille, les enfants quand ils reviennent […] Ça fait du bien. »
Un logis sur mesure
Ce n’est que depuis le mois d’août dernier qu’Aymen habite cette maison adaptée. Il s’agit d’une maison unifamiliale dont les couloirs et les portes plus larges lui permettent de circuler librement.
Il reste encore à faire certains travaux, notamment pour réaménager la salle de bain. Aymen est néanmoins reconnaissant, puisqu’il n’aurait jamais pu acheter cette maison lui-même.
L’an dernier, une campagne de sociofinancement en ligne visant à l'aider a permis d’amasser plus de 400 000 $. Des milliers de citoyens de partout au Canada ont contribué à cet effort de solidarité.
« Le mal est très minime dans cette vie sur Terre, philosophe-t-il. Ce qui est plus important, c'est [qu'il y a] beaucoup, beaucoup de bien. »
Aymen dit maintenant n’avoir qu’une envie : donner au suivant en s’impliquant, notamment pour sensibiliser les jeunes au vivre-ensemble.
Il assure avoir fait la paix avec tout ce qu’il a traversé. Bien qu’il ne puisse plus marcher, son baume est de reconnaître sa femme et ses enfants. « Le plus important, c'est la tête. Le reste, il y a toujours des solutions. »