Moins de viande et plus de fruits et légumes pour sauver la planète

La consommation de viande a été liée aux émissions de gaz à effet de serre, à la déforestation, à l'obésité et au cancer.
Photo : La Presse canadienne / J. Scott Applewhite
Pour nourrir adéquatement 10 milliards d'êtres humains d'ici 2050 sans détruire les écosystèmes, il faudra une profonde transformation de notre régime alimentaire et de nos pratiques agricoles. Le constat n'est pas nouveau, mais une vaste étude internationale publiée dans la revue médicale The Lancet explique en détail les efforts collectifs qui seront nécessaires pour y arriver.
Un reportage d’Alexandre Touchette
Le défi lancé dans le rapport de la Commission EAT-Lancet est immense : nourrir 2,3 milliards d’humains de plus d’ici 2050 sans augmenter les superficies dédiées aux exploitations agricoles. Un objectif essentiel pour mettre fin à la conversion d'écosystèmes naturels en production agricole qui menace la biodiversité en plus d’entraîner des émissions de cinq gigatonnes de gaz carbonique chaque année.
Le tout vient d’un constat : pour éviter un dérèglement du climat, il ne sera pas suffisant de réduire la dépendance aux carburants fossiles, puisque de 20 à 30 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre proviennent de la production alimentaire.
L'amélioration de l’efficacité des modes de production alimentaire est aussi essentielle pour protéger les ressources en eau. L'agriculture accapare 80 % de la consommation mondiale d’eau, une eau de plus en plus contaminée par des engrais comme les nitrates et les phosphates.
Bouleversement nécessaire des habitudes alimentaires
La quarantaine de scientifiques qui ont participé à la Commission EAT-Lancet avaient pour mission de proposer un régime en accord avec la capacité planétaire de production alimentaire.
Leur recommandation principale est de réduire de moitié la consommation moyenne de sucre et de viande rouge et de doubler l’apport quotidien en fruits, légumes, noix et légumineuses.
Ce régime, qualifié de flexitarien, n’impose pas d’éliminer la viande, mais exige d’augmenter substantiellement l’apport de protéines végétales. Plus précisément, il propose de manger un maximum de 200 grammes de viande rouge et de porc par semaine, soit 6,5 fois moins que la consommation moyenne actuelle des Nord-Américains.
Protéger les écosystèmes et la santé humaine
Les auteurs reconnaissent que le changement proposé est radical, mais ils espèrent que les gains qu’une telle alimentation apporterait à la santé contribueront à convaincre le public et les politiciens de son bien-fondé.
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Selon les auteurs du rapport, l’adoption du régime proposé réduirait le taux de diabète de type 2 d’un pourcentage allant de 17 à 42 % et les morts attribuables aux maladies coronariennes de 21 à 30 %.
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Des obstacles identifiés
En plus d’avoir à convaincre le public, les auteurs reconnaissent qu’il faudra affronter le lobby des producteurs agricoles et ceux de l'industrie alimentaire, des semenciers et des producteurs d'engrais. Un milieu qui compte beaucoup de multinationales très influentes, qui n'ont pas intérêt à voir changer le modèle de production.
Pour y arriver, le directeur de recherche à la Fondation EAT, Fabrice DeClerk, estime que les gouvernements devront revoir en profondeur leurs politiques agricoles puisqu’il est complètement illogique, selon lui, de continuer à subventionner des pratiques qui se font au détriment de l’environnement et de la santé publique.
Le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie politique de l'alimentation, Sébastien Rioux, estime, quant à lui, qu’une certaine résistance populaire est prévisible, puisqu'une agriculture plus respectueuse de l'environnement va entraîner une hausse des prix.
Malgré tout, le chercheur estime qu’un tel coup de barre est possible et surtout essentiel.
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Le défi demeure colossal puisque, comme dans le cas de la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, le temps manque.
Pour atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre de l'Accord de Paris, il faudrait que les changements alimentaires recommandés par la Commission EAT-Lancet surviennent d'ici cinq ans, au plus tard.