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Il y aurait beaucoup plus de Canadiens qui meurent au travail qu’on le croit, selon une étude

Un travailleur blessé gît au sol.

Selon une étude récente, le nombre de décès sur les lieux de travail signalés au Canada est considérablement sous-estimé et pourrait être jusqu'à 10 fois plus élevé que celui généralement pris en compte dans les statistiques sur la santé et la sécurité au travail.

Photo : Shutterstock

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Près de 1000 Canadiens meurent au travail chaque année, selon les chiffres officiels des organismes canadiens d'indemnisation des accidents du travail. Selon un chercheur de l'Université d'Ottawa, cette statistique sous-estime largement l'ampleur du problème.

Le professeur agrégé de criminologie, Steven Bittle, soutient dans une étude que les statistiques utilisées par l’Association des commissions des accidents du travail du Canada (ACATC) ne devraient pas être l’unique point de référence pour déterminer le nombre de décès liés au travail. Ces chiffres ne prennent en compte que les demandes d'indemnisation ayant été approuvées et ne constituent pas un système de suivi de tous les décès liés au travail, dit-il.

Les travailleurs sans couverture, qui sont victimes d’accidents de la route ou de maladies ou encore qui s’enlèvent la vie ne figurent pas dans ces statistiques, indique le rapport de l'étude, publiée dans la Revue d’études ouvrières canadiennes l'automne dernier.

C'est comme si les statistiques criminelles « ne comprenaient que des homicides résolus, laissant ainsi l'impression que les tentatives de meurtre, les meurtres non résolus ou les morts suspectes ne sont pas un sujet de préoccupation », peut-on lire dans l'étude.

L'année dernière, les différentes commissions des accidents du travail du pays ont approuvé 904 réclamations impliquant des accidents mortels. Environ le tiers de ces cas étaient liés à des accidents graves. Les autres concernaient des absences à long terme dues à une maladie professionnelle.

Steven Bittle estime que le chiffre réel oscille entre 10 000 et 13 000 décès par an.

Selon les provinces, entre 70 et 98 % de la population active est couverte par un système d'indemnisation des accidents du travail. Cela signifie qu'il y a plus de deux millions de travailleurs au Canada qui échapperaient aux statistiques officielles en cas de mortalité.

Les chiffres les plus récents de l’ACATC montrent ainsi que seulement 24 % des quelque 7,1 millions d’Ontariens qui travaillent sont couverts par un régime d’indemnisation des accidents du travail.

Les auteurs estiment en outre qu'environ 64 décès liés à des accidents agricoles échappent aux statistiques officielles.

Morag Marjerison, consultante en sécurité agricole basée à Brandon au Manitoba, convient que le manque de données pose problème. Au Manitoba, les propriétaires de ferme et les membres de leur famille sont exemptés de la couverture obligatoire.

« C'est vraiment un problème, car nous n'avons pas une image fidèle de la réalité », affirme-t-elle.

Nombre important d'accidents de la route

Dans son étude, Steven Bittle tient compte des décès survenus alors que les travailleurs se rendaient au travail ou en revenaient. Il estime qu'environ 460 décès se produisent dans ces circonstances. En les incluant dans les statistiques, on pourrait selon lui élargir le débat sur les accidents du travail.

« Nous vivons dans une culture de présentéisme. Les gens sont censés être au travail. On sent une pression pour se rendre au travail si on est malade ou si les conditions météorologiques ne sont pas favorables », donne-t-il en exemple.

Selon l'étude, on pourrait aussi inclure dans les statistiques les victimes collatérales des accidents du travail : un conjoint décédé après avoir été exposé à l'amiante parce qu'il a régulèrement lavé les vêtements de son partenaire; ou encore un piéton mort dans l'effondrement d'un échafaudage, alors qu'il marchait près d'un chantier.

Le nombre de suicides sous-estimé

L'étude suggère que le nombre de réclamations liées au suicide est fortement sous-estimé.

L'an dernier, une étude de la Commission de la santé mentale du Canada citait le stress au travail comme la principale cause des problèmes de santé mentale des travailleurs.

Selon Steven Bittle, entre 10 et 17 % des suicides au Canada pourraient être liés au travail, ce qui représente de 400 à 800 morts par année.

La directrice générale du Centre pour la prévention du suicide, Mara Grunau, admet que s'il existe des liens entre le travail et la santé mentale, il est difficile de prouver la cause de la mort.

« Dans notre culture, nous passons des heures et des heures au travail. Ce que nous ressentons au sujet de notre travail ainsi que les relations que nous entretenons au travail affectent notre identité », affirme-t-elle.

Nombreux cas de cancers liés aux conditions de travail

L'étude conclut que la catégorie la plus sous-estimée est celle du cancer et des maladies.

À l’heure actuelle, entre 500 et 600 réclamations approuvées par les organismes canadiens d'indemnisation sont liées à une maladie professionnelle. Cependant, Steven Bittle estime à 8000 le nombre de morts.

Steven Bittle explique que l'étude ne cherche pas à savoir comment mieux collecter les données, mais à exposer les enjeux liées à la sous-estimation de la mortalité au travail.

« Ce que nous disons, c'est que le gouvernement fédéral pourrait et devrait jouer un rôle de premier plan pour entamer des discussions sur ce sujet », affirme-t-il.

Avec des informations de Jacques Marcoux et Katie Nicholson, CBC

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