Révolutionner l'agriculture urbaine dans des conteneurs à Dubaï

L'entreprise française Agricool a voulu s'implanter à Dubaï afin de mettre à l'épreuve l'isolation de son conteneur dans des températures élevées. L'objectif? Produire une récolte sans que l'environnement contrôlé ne consomme trop d'énergie.
Photo : Reuters / Philippe Wojazer
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Vu de l'extérieur, on ne soupçonne pas que le simple conteneur, recouvert de bardeaux de bois recyclé affichant un logo sobre et vert, renferme les ambitions révolutionnaires d'une petite entreprise émergente française dans le domaine de l'agriculture.
Agricool, née à Paris il y a deux ans, s’est donné pour mission de rapprocher l’agriculture des consommateurs en produisant directement dans les villes.
« L’urbanisation, je crois qu’on est déjà à 60 % dans le monde. Ça va augmenter à 80 % dans les 20 prochaines années. Ramener l’agriculture en ville, ça a du sens », dit Georges Beaudoin d’Agricool.
Si l’idée de l’agriculture urbaine n’est pas nouvelle en soi, la technologie mise au point par la compagnie est pour le moins originale. La culture hydroponique se fait à la verticale dans des conteneurs maritimes transformés, qui peuvent même s'empiler.
Chaque conteneur mesure un peu plus de 12 mètres. La culture est réalisée sur les quatre murs, ce qui permet d'exploiter une surface totale de production d'environ 80 mètres carrés.
« On peut planter jusqu’à 3000 plants de fraises et on peut faire une production annuelle, sur quatre saisons, explique M. Beaudoin. Il faut 3 mois pour faire une saison de fraise. Donc [annuellement], on peut faire jusqu’à 6 à 7 tonnes de fraises. C’est une quantité assez énorme. »
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De Paris à Dubaï
Il y a quelques mois, le jeune agronome a débarqué à Dubaï, aux Émirats arabes unis, pour tester les plans d’expansion d’Agricool. Le teint rougi par le soleil auquel sa peau n’est pas encore habituée, il raconte comment le petit émirat dans le désert représente une suite logique des activités de l’entreprise qui l’emploie.
« Nous, on cherchait des [pôles] dans le monde où, justement, ils ont les mêmes problématiques que les grandes villes comme Paris, où ils importent énormément de fruits et légumes », explique Georges Beaudoin.
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En plus de réduire l’empreinte de carbone engendré par les très grandes distances parcourues par les fruits et légumes, l’agriculture envisagée par Agricool se veut économe en tous points. La culture hydroponique dans les conteneurs se fait sans pesticides et sans OGM, et nécessite 90 % moins d’eau et de nutriments qu’une culture en pleine terre, selon la compagnie.
Les besoins énergétiques du conteneur sont fournis par des énergies renouvelables. À Dubaï, Agricool s’est implantée dans une petite communauté, The Sustainable City (La ville durable), où la vaste majorité de l’énergie est produite sur place grâce à quelque 26 000 panneaux solaires. Entre les deux projets, ça a été un coup de foudre philosophique, raconte Karim El-Jisr, le développeur de la petite ville durable.
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Le conteneur d’Agricool est donc niché dans un environnement verdoyant où les voitures sont interdites et où de jeunes familles se prélassent au bord d’étangs d’eau recyclée. Un petit paradis bucolique.
Mais à l’intérieur, la luminosité finement calibrée et constamment ajustée pour permettre la culture tout au long de l’année semble plutôt tout droit sortie d'un film de science-fiction ou d'une discothèque. Des néons rouge et bleu s’entremêlent aux plants qui poussent à la verticale alors que les bourdons relâchés se baladent tranquillement de rangée en rangée.
Et il y a le vocabulaire qui accompagne l’image branchée de l’entreprise : on fait de l’« agricoolture » dans des coolteneurs, bref, on est des « agricoolteurs ».
À la conquête du monde
À Dubaï, un seul conteneur est à l’essai depuis l’été dernier. Sous la supervision de Georges Beaudoin, il en est à sa deuxième récolte de fraises, un fruit symbolique en ce qui concerne la perte de saveur quand on le produit en masse et à distance, croit l’agronome. L'idée était de voir comment le prototype pourrait s’adapter à différents climats.
« Le design a été fait à Paris et, effectivement, il y avait cette inconnue : à 51 degrés Celsius, allait-on réussir à faire pousser des fraises dans un climat contrôlé sans consommer trop d’électricité et que ça devienne trop coûteux? »
« La réponse est oui, dit-il sans hésiter. On a réussi, on a planté en juillet, les fraises ont poussé en juillet et en août, puis on a récolté en septembre. Les fraises étaient très bonnes, donc ça, c’était un succès. Et le prototype a parfaitement résisté au climat. »
Georges Beaudoin croit que ce succès peut être reproduit dans un climat de grand froid. « À Paris, on a des hivers qui vont jusqu'à moins 10 degrés Celsius, ce n’est pas les climats du Canada, mais oui, ça peut s’adapter. Tout est faisable, c’est toute la force du conteneur, comme il est déjà isolé. »
Le prochain défi pour l’entreprise sera de rendre la production de ses fruits et légumes plus abordables. Pour le moment, les coûts de fabrication et d’opération d’un seul conteneur demeurent élevés et font des fruits et légumes des produits de luxe.
Mais le rêve ultime, c’est de franchiser des « agricoolteurs » un peu partout dans le monde, ville par ville, quartier par quartier, rue par rue.
Marie-Eve Bédard est correspondante pour Radio-Canada au Moyen-Orient
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