Une vodka à base de lait fabriquée au Canada

La Dairy Distillery est situéedans l'Est de l'Ontario. C'est la seule distillerie de l'Ontario à s'être lancée dans la création de vodka à partir de rejets de lait.
Photo : avec l'autorisation d'Omid Mcdonald
Une distillerie ontarienne a trouvé le moyen d'utiliser des déchets de lait pour en faire de la vodka. Le propriétaire de la Dairy Distillery pense que la fabrication de vodka à partir de matières animales est un nouveau marché à exploiter pour les agriculteurs.
Depuis le 1er novembre, la distillerie d'Almonte, en Ontario, commercialise une vodka conçue à partir de déchets de lait.
Une idée pour l’avenir
L’idée lui est venue de son cousin qui est producteur de lait en Ontario.
Celui-ci lui expliquait que les producteurs laitiers doivent payer cher pour se débarrasser du perméat de lait, car, s'il est déversé dans la nature, il peut causer d'importants dégâts environnementaux.
Très vite, Omid McDonald contacte le gouvernement fédéral, des producteurs de lait et des entreprises laitières comme Parmalat.
Ils fabriquent depuis peu du lait concentré
dit Omid McDonald, et comme je cherchais des sources de lactose, ils m’ont parlé du perméat de lait
.
Ce liquide est une sorte de lait, mais qui est peu utilisé pour la production et la consommation
, comme l’explique le directeur de la Dairy Distillery.
C’est un lait qui ne détient ni protéines ni gras, dans lequel il ne reste que les vitamines, le lactose et les minéraux.
Même si le perméat de lait est naturel, il n’a été que peu exploité.
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Omid McDonald assure qu’à Winchester, au sud d’Ottawa, le perméat de lait produit par les agriculteurs finit aux ordures, et en plus ils doivent payer pour cela
, ajoute-t-il.
Selon lui, une partie de leur rendement est déduit par l’État, pour l’évacuation de ce perméat.
Un procédé simple et rapide
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C’est en huit jours qu’est produite la Vodkow dont le nom vient de l’association des mots vodka et cow
en anglais, qui signifie vache
.
Au cours de ce même cycle, la distillerie produit 1000 litres d’alcool pour 700 bouteilles.
Une nouvelle source de revenus pour les fermiers
Les fermiers soutiennent mon projet parce que ça offre une solution à leur problème
affirme Omid McDonald.
Il dit que les fermiers vivent moins bien aujourd’hui qu’il y a encore quelques années, car les consommateurs sont moins friands de lait qu’il y a 20 ans.
Les fermiers ont besoin d’autres produits et un alcool fait avec du lait leur permettrait d’avoir d’autres sources de revenus.
Le directeur de Dairy Distillery assure qu’il y a un marché à exploiter avec les rejets de lait.
Il dit que la vodka est l’alcool le plus populaire devant le whisky et le rhum.
L’environnement, poubelle de l’humanité
Les rejets de lait sont chers à traiter
, explique Omid McDonald. Il dit qu’il y a une dizaine d’années, une loi est passée pour interdire aux fermiers de jeter le perméat dans la nature.
« Le perméat de lait est trop dangereux pour notre écologie. »
Alexandre Poulain, dont le laboratoire est financé par les gouvernements provincial et fédéral, est professeur biologiste à l’Université d’Ottawa
Il explique que les sous-produits de l’industrie laitière ne sont pas des produits toxiques.
Il dit que produire du lait provoque la création de lactose en grande quantité et que ces rejets, extrêmement importants, sont directement dommageables pour l’environnement.
Regardez le lait : à moins d’y être allergique, il ne représente aucun risque pour la santé
, dit le professeur Poulain.
Le problème avec ce type de produits industriels, c’est que c’est de la nourriture pour les micro-organismes qui sont naturellement présents dans notre environnement
, explique le scientifique.
Si vous relâchez ces substances dans la nature, les micro-organismes vont consommer l’oxygène, en grande quantité
précise-t-il.
Selon lui, l’utilisation de ces produits contribue à la disparition de l’oxygène des environnements aquatiques.
Bien que la substance ne soit pas toxique à l’origine, ce sont les conséquences de son utilisation, qui est un processus naturel, qui conduit à l’anoxie ou à l’hypoxie
.
Ce qui veut dire que les cours d’eau, les lacs et les rivières sont asphyxiés.
Ainsi, les poissons et les invertébrés n’ont plus d’oxygène pour prospérer. C’est un peu une mort inévitable pour ces animaux
, ajoute-t-il.
Cependant, M. Poulain explique que valorisation d’un déchet comme le perméat est très bénéfique tant que le procédé est fait dans un contexte de développement durable.
Beaucoup de petits producteurs de fromage ou d’entreprises laitières ont dû mettre la clé sous la porte quand cette loi est passée
, explique M. McDonald.
Leurs revenus insuffisants ne leur permettaient pas de financer l’évacuation de leur perméat de lait.
Des risques pour la santé encore non évalués
On n'est jamais sûrs de rien
, dit Alexandre Poulain.
« Dans l’état des connaissances actuelles, il me paraît peu probable que le perméat de lait ait des conséquences néfastes sur la santé humaine. »
Le biologiste rappelle que notre santé dépend cependant de notre environnement.
Si l’oxygène disparaît des cours d’eau, cela peut créer des toxines qui peuvent être alors néfastes pour notre organisme.
L’idée d’utiliser le perméat de lait est d’éliminer sa présence dans notre environnement, afin qu'il soit consommé par l’homme ou utilisé comme une nouvelle source d’énergie.
Le perméat de lait, un trésor caché
Pour Alexandre Poulain, utiliser le perméat de lait est une filière originale pour valoriser un rejet industriel.
Il y a une avenue de recherches évidentes dont celle de la fabrication de bioéthanol qui peut être utilisé comme biocarburant ou comme source alternative d’énergie
, affirme-t-il.
On peut aussi créer des boissons énergisantes ou du Coca-Cola qui se font aussi à partir de petit lait comme le perméat
, dit Omid McDonald, qui développe de nouveaux projets à partir de ce rejet.
Le directeur de Dairy Distillery pense que dans 20 ans, on ne verra pas le perméat de lait comme un produit à jeter
, mais plutôt comme un trésor caché.
En mars, la vodka Vodkow sera disponible dans certaines succursales de la LCBO en Ontario.
Omid McDonald espère produire 200 000 bouteilles de vodka pour pouvoir les vendre dans 150 succursales ontariennes d’ici fin 2019.