Elles ont dit adieu à l’industrie pétrolière

À 36 ans, Evelyne Nyairo a décidé d'explorer l'industrie de la cosmétique.
Photo : Radio-Canada / Louise Moquin
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'une étudie pour devenir infirmière, l'autre s'est lancée dans la confection de produits cosmétiques. Pour certains travailleurs, un changement de carrière est nécessaire pour échapper aux déboires de l'industrie pétrolière.
Elles s’appellent Julie Eckert et Evelyne Nyairo. Elles ont toutes les deux travaillé pendant près de vingt ans dans l’industrie pétrolière. Mais pour avoir une plus grande stabilité d’emploi, elles se sont dirigées vers des professions complètement différentes.
Evelyne était consultante pour le secteur pétrolier avant de prendre cette importante décision en 2014, quand les prix du baril se sont mis à dégringoler. Le courriel d’un client lui annonçant la fin de son contrat a été l’élément déclencheur.
Pour la femme d'affaires dans la quarantaine, il n'était pas question de se retrouver encore au chômage comme lors de la récession en 2008: « Tu ne sais pas quand ça va s’arrêter. Je veux avoir le contrôle. »
Evelyne a donc écouté son instinct en choisissant sa passion pour les produits de beauté. Elle a tout recommencé à zéro jusqu'à retourner aux études pour créer la marque Ellie Bianca. Elle ne s'en cache pas, c'est un projet qui lui a demandé beaucoup de travail.
« J’ai dû me réinventer, bâtir de nouvelles relations. C’est une industrie complètement différente. Il a fallu que j'apprenne un autre langage. »
Le parcours d’Evelyne n’est pas atypique. Julie Eckert, 47 ans, a laissé l'industrie pétrolière pour devenir infirmière. Elle obtiendra son diplôme dans un an.
« Il n’y avait plus de stabilité dans l’industrie pétrolière et gazière. On doit travailler vraiment fort pour garder un emploi », raconte Julie, une contrôleuse de projet qui a été licenciée en 2016.
Pour Julie, faire un retour aux études à temps plein n’a pas non plus été facile. Certains de ses collègues ont été surpris par sa décision et pensaient qu’elle était « tombée sur la tête ». Elle avoue qu'il y a des jours où elle s’est remise en question.
C’était un geste courageux, mais aujourd’hui, Julie réalise qu’elle a choisi une profession qui lui convient mieux.
« Je me sens beaucoup plus près des gens. »
Pas un phénomène isolé
« La réalité a frappé en Alberta et particulièrement à Calgary », remarque Joanne Leskow, professeure dans des programmes d’éducation continue à l’Université Mount Royal de Calgary.
Cette dernière constate qu’environ la moitié des étudiants dans ses classes sont des travailleurs de l’industrie pétrolière.
Selon la professeure, beaucoup s’inscrivent à des programmes de certificat comme celui de Gestion des affaires ou de Développement du leadership, parce qu’ils craignent des mises à pied dans leur secteur.
« Dans 90 % du temps, ce sont leurs employeurs qui paient leurs cours pour qu'ils puissent faire face à la crise et aux perturbations qui surviennent tous les jours dans les entreprises. »
Selon Joseph Doucet, le doyen de la Faculté d'administration de l'Université de l'Alberta, les travailleurs ont raison d'être inquiets. D'après lui, certains emplois associés au développement de mégaprojets dans les sables bitumineux risquent de disparaître.
« On risque de ne pas voir de nouveaux projets démarrer en Alberta pendant un certain temps », dit Joseph Doucet.
« Sortez de la zone de confort »
Evelyne et Julie sont conscientes qu’elles ne gagneront jamais un salaire comme dans le temps où elles travaillaient dans le secteur pétrolier. Mais vivre de leur passion et dans la stabilité vaut encore plus pour elles.
« Réinventez-vous, n’ayez pas peur », conseille Evelyne.
Il se pourrait d'ailleurs qu'ils soient nombreux à le faire en 2019, avec un taux de chômage qui atteint encore 8 % à Calgary.