« Pas de commerce de cannabis dans ma ville » : des Ontariens prônent une prohibition locale

Les magasins Best Bud Forever espèrent avoir l'autorisation de vendre du cannabis au printemps prochain.
Photo : Radio-Canada / Christian Noël
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Pour le moment, la seule façon d'acheter du cannabis en Ontario, c'est en ligne. Les commerces sur rue sont interdits jusqu'au printemps. Or, des dizaines de villes ontariennes songent à interdire l'ouverture de ces points de vente sur leur territoire. Un mouvement qui prend de l'ampleur et qui génère de vifs débats.
Un texte de Christian Noël
Le carillon de Noël résonne au centre-ville d’Oakville. Les gens déambulent, font leurs emplettes en prenant tout leur temps. La ville de 193 000 habitants est à 30 minutes de route à l’ouest de Toronto, une banlieue tranquille et assez bien nantie.
Une quiétude qui serait menacée, selon beaucoup de résidents, si jamais des commerces qui vendent du cannabis avaient pignon sur rue à Oakville. « Ce n’est pas une place pour vendre de la marijuana », lance Jeanne, une grand-mère, en entrant à la banque. « Il faut éviter d’exposer trop les jeunes à cette substance », ajoute-t-elle.
Les gens sont fiers de leur communauté tranquille et sans histoire. Ils ne veulent pas de ces commerces décadents ici.
Le maire Rob Burton et la majorité des conseillers de la Ville élus lors des élections municipales cet automne sont pour le fait de déclarer Oakville « ville sèche ». La consommation du cannabis serait permise, mais pas les points de ventes physiques pour en acheter.

Pour le conseiller municipal Jeff Knoll, l'ouverture de magasins de vente de cannabis enverrait un mauvais message.
Photo : Radio-Canada / Christian Noël
Des villes « cobayes »
« D’abord, nous ne voulons pas normaliser l’accès à un produit qui est légal oui, mais dangereux pour les jeunes », lance le conseiller municipal Jeff Knoll. Mais surtout, précise-t-il, c’est une question de « prudence ».
En vertu de la loi provinciale, si la Ville accepte la vente de cannabis sur son territoire, elle n’aura ensuite aucun contrôle sur l’emplacement de ces commerces, leur nombre ou leur concentration. « Nous voulons protéger notre autonomie locale », affirme Jeff Knoll.
Et Oakville n’est pas la seule. Des dizaines de villes en Ontario songent également à déclarer une « prohibition locale » pour la vente de cannabis sur leur territoire. Des grands centres comme Markham (330 000 habitants), Vaughan (305 000 habitants) et Richmond Hill (195 000) pensent rejoindre les rangs du comté de Norfolk et de plusieurs petites localités rurales, comme Erin, Lake-of-the-Wood et Papineau-Cameroun, qui ont déjà interdit ces magasins.
Ces villes ont jusqu’au 22 janvier pour tenir un vote et faire connaître leur intention à la province. Les villes qui disent non aux magasins de cannabis avant cette date peuvent revenir sur leur décision plus tard. Mais celles qui disent oui ne pourront revenir en arrière. « Raison de plus d’être prudent », soutient Jeff Knoll.
« Une mentalité puritaine »
Si certains résidents d’Oakville appuient l’initiative du maire Burton, d’autres trouvent qu’il fait fausse route. « C’est une mauvaise décision qui manque de vision », lance Carole, une commerçante. « C’est une substance légale qui va rapporter beaucoup d’argent. »
Le maire, c'est un homme d'un certain âge et le monde change. On devrait avoir au moins un magasin qui vend du cannabis à Oakville.

Porte-parole de l’organisation Consumer’s Choice Centre, David Clement croit que les Villes font fausse route en voulant interdire les points de vente de cannabis.
Photo : Radio-Canada / Christian Noël
David Clement vit à Oakville. Il est aussi porte-parole de l’organisation Consumer’s Choice Centre. Selon lui, les villes qui songent à interdire la vente de cannabis sur leur territoire vont causer des problèmes au lieu d’en résoudre.
C’est une vieille mentalité puritaine et prohibitionniste, qui va entraîner davantage de problèmes.
Selon lui, si les gens ne peuvent pas acheter du cannabis dans leur ville, ils iront dans la ville voisine, ou bien ils se tourneront à nouveau vers le marché noir.
Le problème risque d’être encore plus prononcé dans les régions rurales, précise-t-il. « Si un groupe de municipalités régionales décident ensemble d’interdire ces point de ventes, ça va créer des grandes zones “sèches” et accentuer le problème. »
« Manquer le bateau »
Les villes qui interdiraient la vente de cannabis sur leur territoire vont « manquer le bateau », selon David Clement, parce qu’elles vont « se priver des avantages économiques » associés à la vente de cannabis. Au centre-ville d’Oakville par exemple, certains commerçants montrent du doigt quelques édifices vides et des commerces placardés.
Un magasin de vente de cannabis pourrait attirer des clients et relancer la vitalité du centre-ville.
Sans compter que les villes qui se déclarent « zone sans magasin de cannabis » perdront leur part du financement de 40 millions sur 2 ans promis par la province pour rembourser les coûts générés par la mise en place de politiques sur le cannabis.

Laurie Prus estime que le magasin Best Bud Forever de MIssissauga pourrait bénéficier de l'interdiction de vente à Oakville.
Photo : Radio-Canada / Christian Noël
À Mississauga, ville voisine d'Oakville, les commerces de cannabis seront permis. Le magasin Best Bud Forever vend présentement des accessoires liés à la consommation du cannabis. Les propriétaires souhaitent obtenir un permis de vente pour le produit d’ici le mois d’avril.
« Une interdiction de magasin à Oakville sera une bonne chose pour nous », selon l’employée Laurie Prus.
Sans magasin à Oakville, les gens vont faire 10 minutes de route pour venir nous voir. Ça agrandira notre bassin de clients et ce sera bon pour les affaires.
Ce qui est moins bon pour les affaires, admet Laurie, c’est l’incertitude qui règne dans certaines villes de la province. « Nous avons des succursales dans plusieurs villes qui pourraient décider d’interdire la vente de cannabis. Si c’est le cas, ce sont des investissements qui s’envoleraient en fumée. »