David Saint-Jacques, entre l'adaptation et l'émerveillement

L'astronaute David Saint-Jacques lors de sa première rencontre avec les journalistes québécois en direct de la SSI.
Photo : Agence spatiale canadienne
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Sept jours après son arrivée à la Station spatiale internationale (SSI), l'astronaute canadien David Saint-Jacques est revenu sur son expérience en orbite lors d'une première conférence de presse accordée en apesanteur, à 400 km d'altitude.
Un texte d'Alain Labelle
C’est un David Saint-Jacques visiblement ravi de s’entretenir avec les journalistes québécois qui a décrit sa première semaine dans la SSI.
L’astronaute de 48 ans flotte actuellement entre l’émerveillement, l’adaptation à son nouvel environnement et l'apprentissage des tâches dans ce laboratoire orbital.
David Saint-Jacques a expliqué que les premiers instants de sa mission se sont déroulés exactement comme prévu, sans surprise.
« Pendant le lancement à bord de Soyouz, c’était vraiment très familier, nous étions fort occupés avec les procédures multiples », mentionne l’astronaute.
C’était exactement comme le simulateur dans lequel nous nous entraînions. […] Tout était en terrain connu. On a pratiqué ça des dizaines de fois.
Mais dès que les moteurs se sont allumés, il a bien senti qu’il ne se trouvait pas dans un simulateur. L’ascension d’un peu plus de huit minutes était commencée.
« Là, on sent les vibrations, là, on sent l’accélération. On est écrasé dans le siège, ça accélère, ça accélère », raconte David Saint-Jacques.
Puis, la capsule atteint l’orbite terrestre et on coupe les moteurs. « On sent un coup de frein, c’est la fin de l’accélération », explique l’astronaute, qui a rapidement vu flotter devant lui un crayon et le toutou que ses enfants lui ont offert. Il était alors en apesanteur.
C’était la nuit et là, on a vu le premier lever de soleil en orbite. C’est un moment fort émouvant. En regardant par le hublot, il y avait cette lueur, et la courbe de la surface planétaire. Jamais je ne pourrais l’oublier, c’était tellement émouvant. Tellement beau.
L’adaptation physique
Après quelques heures, les trois astronautes ont rejoint la station et rencontré son équipage actuel.
« C’est un autre moment incroyable de rencontrer d’autres êtres humains qui vivent à bord de cette station spatiale qui orbite sur la Terre depuis des décennies. Je le savais en théorie, mais de reconnaître ça, ça m’a vraiment impressionné », a dit l'astronaute.
L’adaptation physique à la microgravité a vite rattrapé David Saint-Jacques.
Mon cerveau cherchait constamment à savoir où il se trouvait, à déterminer le haut et le bas. Normalement, notre oreille interne nous livre cette information, c’est vraiment désorientant au début.
L’astronaute soutient qu’après une semaine, il se sent maintenant moins désorienté. Il explique qu’il ressent également une certaine congestion, un peu comme lorsqu’on se place la tête vers le bas.
Le sang n’est pas mené vers le bas, alors le corps doit s’habituer. Au début, vous avez un visage un peu gonflé et avec le temps, ça se régularise. Mais je sens encore un sentiment de congestion.
Il doit aussi apprendre à gérer son sommeil dans un contexte pour le moins particulier. Les membres de l’équipage doivent en effet souvent changer de fuseau horaire pour s’adapter aux équipes au sol, qui se trouvent aux États-Unis et en Russie.
Les équipages ont donc mis au point au fil des années un éclairage intérieur propre à la SSI.
Nous allons changer la couleur de la température de la lumière vers le spectre rouge le soir tout en diminuant l’intensité, et l’inverse le matin, pour recréer un peu le cycle. Parfois, c’est le soir et on s’apprête à se coucher et on regarde dehors et c’est un lever le soleil fabuleux et vraiment éclatant. Il faut vraiment rentrer dans notre bulle et s’habituer à notre rythme à l’intérieur de la SSI.
Les premiers défis : prendre en main la SSI
Le premier grand défi de David Saint-Jacques et de ses collègues de l’équipage 58 sera de remplacer les résidents actuels de la station, qui la quitteront dans trois semaines.
Il faut absorber le plus possible de leurs connaissances pratiques parce que tout n’est pas que dans les procédures. Évidemment, il y a toute une partie de la vie à bord qui se passe d’un équipage à l’autre.
« On est dans cette phase-là en ce moment, on pose beaucoup de questions, eux-mêmes sont d’extrêmement bons leaders pour nous passer le bâton de la meilleure manière », ajoute-t-il.

Les équipages de la capsule Soyouz et de la SSI (David Saint-Jacques est en bas à gauche)
Photo : NASA
En outre, dans les premiers jours qui ont suivi leur arrivée, une capsule cargo Dragon de l'entreprise Space X a livré des vivres et du matériel à la SSI. Les équipages ont dû s’affairer à la vider et à placer le matériel.
« Ce qui est le plus extraordinaire, lorsqu’on est occupé à faire notre travail et qu’on pense aux procédures, c’est de regarder par la fenêtre et de voir la Terre qui est là. C’est vraiment éblouissant. On a tous vu des milliers de fois des images de la Terre vue de l’espace, mais la voir là devant moi, cette belle bille bleue gracieuse qui tourne doucement dans le vide de l’espace, c’est vraiment émouvant », a confié M. Saint-Jacques.
L’humanité au travail
L’astronaute s’est également dit humble et privilégié de se trouver dans la SSI, puisqu’il « y a très peu d’humains qui ont eu la chance d’être ici au nom de l’humanité ».
Je regarde la Terre et c’est évident qu’on est tous des êtres humains de la même espèce sur la même planète et que le fait qu’on soit Canadien ou Américain ou Russe, c’est un détail culturel, mais c’est pas fondamental à qui nous sommes.
David Saint-Jacques, dont l’emploi du temps sera grandement consacré à la recherche à caractère biomédical, s'est même arrêté quelques instants pour prendre quelques photos de sa ville natale à partir de l’orbite terrestre.