Les organismes de charité à l’ère de la transparence

Partout au pays, les jeunes donnent moins aux organismes de charité que leurs aînés.
Photo : iStock / Romolo Tavani
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les organismes de charité redoublent d'ardeur à la fin de l'année pour récolter le plus de dons possible. Cette compétition est d'autant plus féroce que les dons des Canadiens n'augmentent pas au même rythme que la population ces dernières années, selon le groupe CanaDon. Et cette surenchère peut décourager des donateurs constamment sollicités, qui voudraient parfois donner autrement.
Deborah Sword se trouve sur la liste d’appel d’au moins une dizaine d’organismes de charité. « Je suis inondée d’appels, d’enveloppes, de marketing », affirme la Calgarienne. Pour prendre les bonnes décisions, elle effectue beaucoup de recherches sur l’administration des fonds de ces organismes. Elle a arrêté son choix sur trois causes : l'environnement, la pauvreté et la paix dans le monde. « Je dois être très stratégique quant aux organismes à qui je donne », explique-t-elle.
Deborah Sword sait pourtant à quel point il est difficile d’obtenir du financement, puisqu’elle a elle-même récolté 80 000 $ pour faire construire une fontaine d'eau dans le parc Riley, à côté de chez elle. Elle ne pouvait concevoir que des enfants y jouent sous un soleil de plomb, l’été, sans qu’ils aient accès à de l’eau potable.
Le financement a toutefois été plus difficile que prévu. « Nous étions en compétition avec les réfugiés syriens, la pauvreté, la dépendance aux drogues », énumère-t-elle. Elle comprend que le public ne peut pas contribuer à toutes les causes, cependant. « Les organismes de charité ne veulent pas se faire compétition, ils veulent s’entraider », croit-elle.
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La conseillère en philanthropie qui l’a aidée à faire avancer son projet, Gena Rotstein, estime que la compétition entre les organismes de charité est bien réelle. « Il y a une fatigue du don qui s’installe quand les donateurs sont constamment sollicités », explique la cofondatrice du cabinet-conseil en philanthropie Karma & Cents.
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Révolution dans le monde caritatif
Le professeur spécialisé en philanthropie à l’Université Mount Royal James Stauch croit pour sa part que la « fatigue du don » n’est qu’une excuse qu’utilisent les organismes de charité pour expliquer la chute de leurs dons en argent.
En fait, les dons ont très légèrement augmenté à l'échelle canadienne en 10 ans. De 9,4 milliards de dollars en 2006, ils sont passés à 9,8 milliards de dollars en 2016. Durant la même période, la population du pays a toutefois augmenté de 4 millions, selon le rapport 2018 de l'organisme CanaDon, ce qui signifie donc une baisse des dons par habitant.
Ce sont les plus âgés qui, par ailleurs, donnent le plus : la moitié des donateurs canadiens sont âgés de 55 ans et plus, selon Statistique Canada.
« Les gens aiment donner de différentes manières. Faire partie d’un mouvement, donner du temps, c’est vraiment important pour la plus jeune génération », explique le professeur. « Se contenter de redonner de l’argent, c’était plus le modèle de la plus vieille génération. »
L’organisme Centraide Calgary a compris qu’il devait traiter ses donateurs différemment. En janvier, il sera l’une des trois branches canadiennes, avec Montréal et Toronto, à lancer une nouvelle plateforme numérique qui permettra aux donateurs de visualiser l’impact de leur contribution financière sur leur communauté.
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Les données collectées sur la plateforme renforceront également la capacité de l'organisme à mieux cibler les donateurs, afin de leur envoyer des appels à l'action plus efficaces. « En tant qu’organisme, nous avons vraiment compris le pouvoir de l’analyse de données », ajoute Karen Young. « Ça nous permet d’être plus réactifs, de rester pertinents et de répondre aux besoins de nos clients. »
Cette transition vers l’écoute est au coeur de la réinvention des organismes de charité. « Les gens veulent voir qu’il y a un véritable changement », croit James Stauch. Selon le professeur, les organismes de charité n'échappent pas à la tendance vers la transparence et ce sont ceux qui sont les plus branchés sur leur communauté qui auront le plus de succès.