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Une décennie à attendre l’usine d'ozonation des eaux usées de Montréal

Un chantier de construction, où l'on voit des roulottes, de grosses structures et des panneaux de bois.

L'usine d'ozonation est toujours en chantier, dans l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Elle avait été annoncée en 2008 et promise pour 2012 par l'administration de Gérald Tremblay. Il y a trois ans, Denis Coderre promettait la mise en service d'une usine en 2018. Mais une décennie plus tard, la désinfection des eaux usées de Montréal à l'ozone n'a toujours pas commencé, un retard que la Ville attribue à un problème technique, tout en refusant d'en dire davantage.

Un texte d’Alexandre Touchette

Même si elle n’ose plus s’avancer sur une éventuelle date d’inauguration de l’usine d’ozonation, l’administration municipale insiste sur le fait que les travaux préparatifs ont progressé. La fabrication de l’unité d’ozonation, évaluée à 99 millions de dollars, a commencé, et les travaux de 31 millions de dollars pour la construction d’une station électrique sont aussi entamés.

La Ville affirme que la préparation des plans et devis du bâtiment de l’usine de désinfection est très avancée, mais qu’un problème technique imprévu a été décelé par l’équipe de projet. On refuse toutefois de révéler quoi que ce soit sur la nature du problème en question, pour ne pas influencer le processus d’appel d’offres.

Le vice-président du comité exécutif et responsable de l'eau à la Ville de Montréal, Sylvain Ouellet, attribue une partie des retards au fait qu’une usine d’ozonation d’une telle puissance constitue une première mondiale. Il y a beaucoup trop de projets dans l’histoire de Montréal qui ont été réalisés dans la précipitation, dit-il, alors qu’on avait mal préparé les plans et devis ou mal évalué l’ensemble des contraintes techniques.

Les installations, dont le coût estimé est passé de 210 millions à près de 400 millions de dollars, doivent désinfecter l'ensemble des eaux usées de Montréal en éliminant 99 % des bactéries et des virus rejetés dans le Saint-Laurent. Ce traitement devrait aussi éliminer une grande partie des contaminants émergents, comme les hormones des pilules contraceptives et autres perturbateurs endocriniens.

Plan du projet d'usine d'ozonation, avec notamment les emplacements de la station de pompage, du système de refroidissement et des unités de production d'oxygène, de production d'ozone et de destruction d'ozone.

Un plan, présenté en 2017, du projet d'usine d'ozonation de la station d'épuration Jean-R.-Marcotte, dans l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

Photo : Ville de Montréal

Bientôt en service, aussitôt dépassée

Avec près d’une décennie de retard sur l'échéancier initial, l’usine d’ozonation ne permettra pas de répondre à un resserrement des normes fédérales annoncé en 2012. La Ville de Montréal a jusqu’en 2030 pour répondre à une série d’exigences en matière de traitement des eaux usées.

La nouvelle norme sur les matières organiques dissoutes exige un maximum de 25 mg/l de demande biochimique d’oxygène (DBO5), alors que l’usine arrive présentement à abaisser la DBO5 à 45 mg/l.

Pour y arriver, il faudrait installer un nouveau traitement biologique secondaire à la station d’épuration, un projet évalué à plus de 1,5 milliard de dollars.

Or, des spécialistes font remarquer que, dans le contexte actuel, il aurait été plus efficace de construire un système de traitement biologique secondaire avant de mettre sur pied une usine d’ozonation qui constitue un traitement tertiaire. Désinfecter l’eau qui sortirait d’un traitement biologique secondaire prendrait trois à quatre fois moins d’ozone que dans le cas du traitement primaire en fonction à Montréal, selon l’ingénieur Yves Comeau, professeur à Polytechnique.

Si on avait fait d’abord un traitement biologique, on aurait réduit les besoins d’ozone, et si on avait eu une installation de moins grande taille, on aurait réduit les coûts de capitalisation de moitié peut-être.

Une citation de Yves Comeau, professeur à Polytechnique Montréal

Montréal persiste et signe

Interrogés à ce sujet, les porte-parole de l’administration Plante estiment que le choix de l’ozonation en 2008 était justifié, parce qu’il permet des gains plus importants que le traitement biologique qui n'élimine pas les bactéries, les virus et les produits pharmaceutiques.

La Ville soutient aussi qu'en raison de son grand débit et de son taux d'oxygène élevé, le fleuve est capable d'absorber les matières organiques dissoutes rejetées par Montréal. La Ville estime donc que le critère de 25 mg/l de DBO5 fixé par Ottawa est arbitraire, parce qu'il ne tient pas compte des besoins environnementaux du cours d'eau où se fait le rejet.

Un point de vue partagé par le président de la Fondation Rivières, Alain Saladzius. L’ancien ingénieur au ministère de l'Environnement du Québec estime que la Ville de Montréal devrait obtenir une exemption du fédéral.

Il faut que ce règlement mur à mur soit modifié pour permettre peut-être 50 mg/l. C’est un gaspillage de fonds publics de plusieurs milliards qui se prépare. Ce n’est vraiment pas acceptable, il y a vraiment d’autres enjeux environnementaux plus prioritaires que ça.

Une citation de Alain Saladzius, président de la Fondation Rivières

Alain Saladzius croit qu'au lieu d’investir 1,5 milliard de dollars dans un système de traitement secondaire, la Ville devrait consacrer ses efforts à réduire les surverses, ces débordements d'égouts non traités qui surviennent en temps de pluie. Il estime aussi qu'Ottawa et Québec doivent financer en priorité des systèmes de désinfection pour les autres villes québécoises.

Quoi qu’il en soit, Montréal va se plier aux exigences réglementaires et amorcer sous peu une étude de faisabilité pour un système de traitement secondaire dans le but de répondre à la norme fédérale en 2030. Mais avec tous les projets d'infrastructure urgents en cours, et un déficit d’actifs de 3,5 milliards de dollars dans ses infrastructures d’eau et d’égout, la Ville n'a tout simplement pas l'argent nécessaire. Montréal réclame donc que les gouvernements du Québec et du Canada fournissent la somme de 1,5 milliard requise pour l’implantation d’un traitement secondaire.

Un bassin rempli d'eau, alors qu'on voit une grue sur un chantier à l'arrière.

Le projet d'usine d'ozonation avait fait l'objet d'une première annonce de la Ville de Montréal en 2008.

Photo : Radio-Canada

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