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Le long combat des Gaspésiennes qui fuient la violence

Une jeune femme est assise sur le sol.

Le Centre Louise-Amélie vient en aide aux femmes violentées de la Haute-Gaspésie depuis 1985.

Photo : iStock

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Les 12 jours d'action contre les violences faites aux femmes se sont terminés jeudi. Pour clôturer cette initiative, le Centre d'aide et d'hébergement Louise-Amélie de Sainte-Anne-des-Monts a ouvert ses portes à ses partenaires, une rare occasion de découvrir le quotidien des femmes qui fuient la violence.

Un texte de Catherine Poisson

Dehors, aucune enseigne, aucun signe ne permet de différencier cette maison des autres qui l'entourent.

C'est pourtant là que se rejoignent une dizaine d'intervenants du milieu communautaire et des agents de la Sûreté du Québec en ce matin du 6 décembre.

La direction du Centre Louise-Amélie a organisé cette journée portes ouvertes afin d'informer ses partenaires sur le fonctionnement de la maison, puisque ce sont souvent eux qui y dirigent les femmes, bien que la plupart d'entre eux n'y aient jamais mis les pieds.

Quand elles arrivent ici, les femmes sont démolies, souligne l'intervenante à la retraite Brigitte Sohier.

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— Une citation de  Brigitte Sohier, intervenante à la retraite

Toujours aussi passionnée par son travail après cinq années de retraite bien méritée, elle détaille avec émotion la mission des intervenantes en centre d'hébergement.

On commence à travailler sur la violence le plus vite possible et ensuite on travaille sur l'estime de soi, la confiance, l'affirmation; mais c'est du travail qui prend du temps, on commence à zéro. Un simple compliment et elles commencent à pleurer, parce qu'elles n'ont jamais eu de compliment. Elles ont toujours été les pas bonnes, explique-t-elle.

Un taux d'occupation de 200 %

Le Centre Louise-Amélie dispose de 12 places financées par le gouvernement québécois.

Or, il accueille actuellement 24 personnes, une situation qui est loin de sortir de l'ordinaire. Depuis 2017, la maison affiche un taux d'occupation moyen de 143,6 %.

En plus des chambres et des salles de bain, la maison compte notamment une grande cuisine, un salon, une salle de jeux pour les jeunes enfants et une salle réservée aux adolescents.

Des jouets pour enfants jonchent le sol de la salle de jeux, munie de grandes armoires et d'une télévision.
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Le Centre Louise-Amélie héberge gratuitement les femmes violentées et leurs enfants.

Photo : Radio-Canada / Catherine Poisson

Les femmes peuvent y vivre jusqu'à trois mois, parfois plus selon les circonstances. Certaines se trouvent un logement et décident de refaire leur vie, tandis que d'autres finissent par retourner vivre avec leur conjoint. Quelle que soit leur décision, elles ne sont jamais jugées par les intervenantes.

Ce n'est toutefois pas toujours le cas du reste de la société, qui a trop souvent tendance à blâmer les femmes pour les violences dont elles sont victimes, estime la directrice du Centre Louise-Amélie, Monic Caron.

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— Une citation de  Monic Caron, directrice du Centre Louise-Amélie

On dit souvent que les violences conjugales et les agressions sexuelles sont les seuls crimes pour lesquels on se permet de pointer du doigt les victimes plutôt que les agresseurs. Culturellement, les femmes n'ont pas les mêmes droits que les hommes. On peut bien parler d'égalité, mais elle n'est pas encore atteinte, déplore la directrice.

Au-delà de la violence physique

Par ailleurs, un conjoint violent exerce souvent un contrôle financier ou psychologique sur sa conjointe, souligne l'intervenante Nadia-France Lévesque. Le quitter devient donc difficile pour la femme, particulièrement lorsque cet homme est aussi son mari et le père de ses enfants.

Les femmes cheminent toutes à leur rythme. Elles apprennent, elles abaissent leur seuil de tolérance à la violence. Elles vont endurer moins de choses et elles vont voir des choses qu'elles ne voyaient pas avant. Elles ont une meilleure estime d'elles-mêmes, ce qui les aide aussi à poser des limites, précise-t-elle.

Violences vécues par les femmes hébergées au Centre Louise-Amélie en 2017-2018

Violence verbale : 84,2 %

Violence psychologique : 72,2 %

Violence physique : 54,5 %

Violence économique : 53,5 %

Violence sexuelle : 34,6 %

L'important, c'est de rester dans leur vie le plus possible, de les outiller pour qu'elles arrivent à faire d'autres changements, et c'est la somme de tous ces changements qui fait qu'elles arrivent un jour à quitter un conjoint violent, ajoute Nadia-France Lévesque.

Elle tient une feuille où apparaissent plusieurs petits dessins très similaires. Le premier dessin représente le visage d'un homme, et le dernier la silhouette d'une femme. Entre les deux, seules quelques lignes sont modifiées à la fois.
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L'intervenante Nadia-France Lévesque explique que c'est une somme de petits changements qui finissent par faire une différence dans la vie des femmes.

Photo : Radio-Canada / Catherine Poisson

Même lorsqu'elles s'en sortent, très peu de femmes décident de porter plainte contre leur conjoint, observe Mme Caron.

L'idée de devoir raconter ce qu'elles ont vécu, le long processus judiciaire et les sentences jugées trop clémentes sont tous des facteurs qui découragent les femmes, selon la directrice.

La plupart des femmes refusent de porter plainte, parce qu'elles craignent les représailles du conjoint. C'est beaucoup d'énergie, beaucoup de stress, explique-t-elle.

La vie après la violence

Malgré tous les obstacles, il est possible de s'en sortir.

Johanne en est la preuve. Aujourd'hui membre du conseil d'administration du Centre Louise-Amélie, elle y a mis les pieds pour la première fois il y a 13 ans, pour fuir son conjoint de l'époque qui la battait.

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— Une citation de  Johanne, survivante de la violence conjugale

Tout au long de la journée portes ouvertes, Johanne agit comme figurante pour illustrer la réalité des maisons d'hébergement. À un moment, son personnage se met à paniquer parce qu'il vient de voir son conjoint passer devant la maison, une situation qu'elle a elle-même vécue.

J'avais tout le temps peur, parce qu'il ne savait pas où j'étais, mais il passait souvent devant la maison. J'ai traversé de grosses, grosses épreuves, mais en venant ici, j'ai eu une sécurité. Si c'était à refaire, je n'hésiterais pas, je viendrais ici tout de suite, affirme-t-elle.

Johanne a choisi de ne pas porter plainte contre son conjoint. Après quatre mois au Centre Louise-Amélie, elle a emménagé dans un appartement et a refait sa vie.

Ce sont les histoires comme la sienne qui motivent les intervenantes du Centre Louise-Amélie à continuer leur travail et à multiplier les initiatives comme les 12 jours d'action mis sur pied par l'Alliance gaspésienne des maisons d'aide et d'hébergement.

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