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La ministre de l’Environnement du Québec face à une première grande décision

La nouvelle ministre de l'Environnement du Québec MarieChantal Chassé, lors de son assermentation.

La ministre de l'Environnement du Québec MarieChantal Chassé.

Photo : Radio-Canada / Mathieu Potvin

Radio-Canada

La ministre de l'Environnement MarieChantal Chassé devra bientôt décider si elle soumet à l'examen du BAPE un projet de mine de lithium, situé à quelques dizaines de mètres de « la meilleure eau potable au monde » qui alimente la région d'Amos, en Abitibi, et l'usine d'eau Eska. Une coalition de groupes citoyens et environnementaux, ainsi que Québec solidaire et le Parti libéral le lui ont rappelé, mardi matin.

Un texte de Thomas Gerbet (Nouvelle fenêtre)

La compagnie minière australienne Sayona n'a jamais caché son intention d'éviter le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) pour que son projet de mine de lithium entre le plus rapidement possible en activité. Il faut dire que sur le marché, la demande est de plus en plus forte pour ce métal utilisé dans la fabrication des batteries de cellulaires et de véhicules électriques.

L'entreprise a délibérément réduit son plan de production à 1900 tonnes par jour pour qu'il ne dépasse pas la limite de 2000 tonnes fixées pour la tenue d'un BAPE.

Sauf que la nouvelle Loi sur la qualité de l'environnement, entrée en vigueur en mars, est venue contrecarrer ses plans. La ministre de l'Environnement a maintenant le droit de recommander au gouvernement d'assujettir un projet au BAPE, même s'il ne répond pas aux critères. MarieChantal Chassé aura trois mois pour prendre cette décision à partir de la demande de permis qui doit se faire cet automne.

Déjà, l'ancienne ministre de l'Environnement, la libérale Isabelle Melançon, préoccupée par ce projet, avait annoncé son intention d'utiliser son droit discrétionnaire et de demander un BAPE. Mais le 24 octobre, la nouvelle ministre MarieChantal Chassé a semé le doute sur ses intentions en refusant de s'engager.

L'opposition presse le gouvernement d'agir

La porte-parole libérale en matière d'Environnement, Marie Montpetit, demande à la ministre « d’affirmer clairement et rapidement qu’il sera soumis à l’examen du BAPE, comme nous l’avions déjà prévu. »

Le Parti québécois se dit « inquiet qu'un projet minier soit prévu si près d'une source d'eau potable d'une si grande importance ». Le PQ réclame lui aussi un BAPE.

Quant à Québec solidaire, sa porte-parole en matière d'Environnement, ne comprend pas l'hésitation de la ministre. Pour Ruba Ghazal, il n'est « pas éthique » pour une compagnie d'essayer d'éviter le BAPE. Elle compare cette stratégie à de l'évitement fiscal. « Il faut respecter l'esprit de la loi, ajoute la députée de QS. J'appelle la ministre à ne pas tomber dans ce piège. »

Une mine à quelques dizaines de mètres de l'esker

Carte du projet minier. La partie bleue en haut à droite représente l'esker. On voit qu'il est situé à 130 mètres de la mine et 40 mètres de l'aire d'accumulation des résidus miniers.

Carte du projet minier. La partie bleue en haut à droite représente l'esker. On voit qu'il est situé à 130 mètres de la mine et 40 mètres de l'aire d'accumulation des résidus miniers.

Photo : Sayona/SNC-Lavalin

La mine à ciel ouvert de la compagnie Sayona ferait un kilomètre de longueur, 600 mètres de largeur et 200 mètres de profondeur. Elle serait située sur le territoire du village de La Motte, à 30 kilomètres d'Amos, mais surtout très proche de l'esker Saint-Mathieu-Berry, un long cordon de sable et de gravier, hérité de la fonte des glaciers, qui filtre l'eau qui s'y accumule avant de s'écouler dans une rivière souterraine.

Dans un premier temps, la minière avait parlé d'une distance de 500 mètres séparant son projet de l'esker. Or, le rapport de consultations publié par la compagnie le 2 octobre démontre que la mine à ciel ouvert sera plutôt située à environ 150 mètres et son aire d'accumulations des déchets miniers sera à moins de 40 mètres.

Divers groupes citoyens et environnementaux ont interpellé la ministre au sujet de ce projet, mardi matin, à l'occasion du « Congrès Québec Mines + Énergie » qui se tient à Québec à l'initiative du gouvernement.

C'est une première occasion pour le gouvernement Legault de démontrer qu'il va faire du développement économique dans les règles de l'art, c'est à dire en évaluant correctement les impacts.

Une citation de Ugo Lapointe, porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine.

Lundi, la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine a envoyé un avis juridique à la ministre de l'Environnement ainsi qu'à son collègue des Ressources naturelles et de l'Énergie, Jonatan Julien. L'avocat Michel Bélanger y expose la nécessité de recourir au BAPE « le plus tôt » possible, compte tenu des « implications pour le promoteur, les municipalités, les Nations autochtones, les citoyens touchés et le public ». L'avocat ajoute que la ministre n'est pas obligée d'attendre le dépôt de la demande de permis ni le délai de trois mois, pour en faire la demande.

La ministre MarieChantal Chassé n'était pas disponible pour commenter. Quant au ministre Jonatan Julien, il a mis fin abruptement à une mêlée de presse, lors du Congrès, mardi, avant qu'une question puisse lui être posée à ce sujet.

« Meilleure eau potable au monde  »

Un ruisseau entouré de neige et de sapins. De petits flocons de neige tombent du ciel.

L’excès d’eau accumulé dans l’esker Saint-Mathieu-Berry, s’écoule et forme des ruisseaux d’une eau cristalline que les habitants d’Amos continuent de venir puiser pour l’eau de Pâques.

Photo : Radio-Canada / Emmanuelle Latraverse

Depuis des mois, la minière affirme qu'elle ne va « jamais toucher à l'intégrité ni à la qualité de l'eau de l'esker ». La compagnie connaît la réputation de cette eau, filtrée naturellement, qui a déjà obtenu le titre de meilleure eau potable au monde.

Sayona a fait réaliser plusieurs études d'impact environnemental (eaux souterraines, eaux de surface, sédiments, sols, faune et flore). Ses études hydrogéologiques ont conclu que les activités n’auraient aucun impact sur l’approvisionnement en eau. De plus, l'entreprise ne prélèvera pas de sable ni de gravier dans l'esker.

Le projet n'affectera d'aucune façon la qualité de l'eau de l'esker puisqu'il est isolé par une remontée du socle rocheux.

Une citation de Communiqué de la compagnie Sayona, daté du 6 juin 2018.

Que donne de plus un BAPE?

Qu'il y ait ou non un examen du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, les projets sont toujours analysés, au final, par les fonctionnaires. Mais, de par sa neutralité, le BAPE offre des couches supplémentaires d'évaluation. Son examen, qui détermine ses recommandations au gouvernement, va plus en profondeur. Les entreprises doivent soumettre davantage d'études. Tous les ministères concernés soumettent des questions et des commentaires. Il comporte aussi des consultations publiques.

Mobilisation citoyenne et crise politique locale

Des citoyens ont été contraints d’assister à la séance du conseil municipal dans le corridor, faute d’espace, alors que le ton a monté à plus d’une reprise entre citoyens et élus.

Des citoyens ont été contraints d’assister à la séance du conseil municipal dans le corridor, faute d’espace, alors que le ton a monté à plus d’une reprise entre citoyens et élus.

Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies

Les citoyens de la région d'Amos sont préoccupés par le projet. C'est particulièrement le cas près du site, dans le village de La Motte où vivent 453 personnes. L'endroit est connu pour être le lieu de naissance du cardinal Marc Ouellet.

L'entreprise promet 132 emplois durant 17 ans et envisage déjà des agrandissements potentiels. Les élus du village ont apporté leur soutien à l'unanimité au projet, mais la pression citoyenne les a fait envisager de changer de position et le maire a démissionné. Des élections auront lieu le 16 décembre.

À ce stade-ci, on n'est pas contre le projet, on est juste pour plus d'informations.

Une citation de Rodrigue Turgeon, porte-parole du Comité citoyen de protection de l'esker.

La Ville d'Amos demande, elle aussi, un examen du BAPE. Quant à la communauté autochtone de Pikogan, elle semble opposée au projet.

En campagne électorale, le chef de la Coalition avenir Québec François Legault a répété que les projets miniers doivent absolument obtenir une acceptabilité sociale. Mais le premier ministre a aussi plaidé pour que les projets miniers se fassent plus rapidement, afin que le Québec soit un joueur plus compétitif sur les marchés.

La ministre de l'Environnement MarieChantal Chassé devra prendre position au milieu de ce dilemme.

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