MNBAQ : un regard neuf sur l'histoire de l'art du Québec

L'exposition 350 ans de pratiques artistiques au Québec dresse un portrait de l'histoire de l'art au Québec.
Photo : Idra Labrie
Fruit d'une intense réflexion sur la collection nationale, l'exposition 350 ans de pratiques artistiques au Québec au pavillon Gérard-Morisset revampé du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) s'avère magnifique, et nécessaire.
Un texte d'Anne-Josée Cameron
La commissaire de l'exposition et conservatrice de l'art moderne au MNBAQ, Anne-Marie Bouchard, souhaitait présenter de manière nouvelle la collection nationale. L'inspiration est venue de l'esthétique des réseaux sociaux.
« J'avais envie qu'on regarde les oeuvres avec un regard neuf, avec nos yeux d'aujourd'hui, explique-t-elle. On a donc pensé réseaux sociaux, Pinterest, Instagram. On a réfléchi à de nouvelles façons d'apprécier les oeuvres. »
Le résultat est une exposition plus plastique, moins didactique. Ici, pas de longs paragraphes expliquant la vie de l'artiste, mais des oeuvres disposées de manière à susciter l'émotion, à faire vivre une expérience forte. Malgré le peu de textes explicatifs, l'information est tout de même transmise.
Ces 350 ans de pratiques artistiques au Québec sont donc répartis en cinq salles, chacune identifiée sous un thème.
Croire
Dans la salle Croire, les visiteurs sont invités à découvrir une sélection d'oeuvres religieuses témoignant de l'émergence des pratiques artistiques au 17e siècle. On est cependant ici très loin de la mise en place traditionnelle.
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Pour le désigner principal du MNBAQ, Jean Hazel, l'idée de l'église s'est imposée d'entrée de jeu. « On a fait une espèce d'anamorphose de l'église, c'est ça qui nous a allumés. Donc, on a mis le maître autel au centre de la pièce, puis on a explosé les différents éléments qu'il y avait autour de ça. Le résultat est impressionnant, il se dégage de cette salle d'exposition une impression de grandeur et d'humanité, car on montre aussi l'arrière des oeuvres. »
Le MNBAQ a choisi de montrer l'envers des oeuvres afin de rappeler aux visiteurs que celles-ci ont besoin de soins, qu'elles ne sont pas éternelles.
Devenir
La salle Devenir s'ouvre sur une collection de portraits réalisés dès la fin du 18e siècle. On y dévoile le portrait des notables, des bourgeois et des gens du peuple.
« En face de la salle des portraits, c'est comme si on avait installé les gens dans les bancs de l'église. C'est comme ça que nous, on s'est raconté notre histoire », explique en souriant Jean Hazel.
Installés sur des panneaux de verre grâce à de gros aimants, les portraits semblent flotter tels des fantômes du passé ou encore exister pour notre amusement.
En effet, chaque portrait, qui est à hauteur d'homme, devient l'objet d'un jeu. Spontanément, de nombreux visiteurs se cachent derrière les portraits et ajoutent ainsi des jambes aux individus représentés. « On était bien conscient que cette salle ferait l'objet d'amusement et de nombreuses photos sur les réseaux sociaux », admet en souriant Anne-Marie Bouchard.
Imaginer
Cette salle fait la part belle aux artistes formés dans les grandes institutions académiques de la seconde partie du 19e siècle. Le premier coup d'oeil nous invite dans l'atelier du peintre Napoléon Bourassa.
« On a essayé de rentrer dans la tête du peintre, mentionne Jean Hazel. On a essayé d'en faire un rêve. On a essayé de voir comment l'artiste imagine son univers. C'est pour ça qu'on a placé cette petite courbe-là dans le bas du mur. Pour faire comme si les tableaux étaient directement appuyés sur le plancher parce que souvent les artistes travaillent et retravaillent leurs tableaux qui sont directement au sol. »
En tant que visiteur, on a l'impression d'entrer chez l'artiste, on ressent tout de suite l'intimité des lieux, ce qui bonifie l'expérience vécue par celui-ci.
Ressentir
Cette salle est consacrée aux paysages, très à la mode à la fin du 19e siècle. Elle témoigne de l’éclatement des formes et des pratiques picturales.
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On y retrouve des toiles horizontales, suspendues sur des stèles de verre. L’effet est magique. Le visiteur a l’impression d’évoluer à travers le changement des saisons. Les œuvres exposées sont absolument superbes.
Revendiquer
La salle Revendiquer présente des œuvres plus modernes qui rappellent à quel point la première moitié du 20e siècle a été marquée par la contestation de l’académisme alors jugé rétrograde.
L'exposition permanente 350 ans de pratiques artistiques au Québec dresse un panorama vivant et interactif du début de la colonie à aujourd'hui. On y découvre des oeuvres, près de 600 disséminées dans les cinq salles, dont plusieurs n'ont jamais été exposées.
Ce redéploiement arrive à point nommé et confirme hors de tout doute la place du MNBAQ dans le grand circuit des musées internationaux.