Diplomation au secondaire : l’Ontario inspire le Québec

Des équipes de réussite dans les écoles de l'Ontario aident les élèves en difficulté ou en manque de motivation.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
En 10 ans, l'Ontario a fait grimper le taux de diplomation des élèves au secondaire de plus de 10 %. Ce modèle suscite curiosité et intérêt au Québec.
Un texte de Jean-Philippe Robillard
La province voisine est souvent citée en exemple par le nouveau ministre de l’Éducation du Québec, Jean-François Roberge. Celui-ci veut améliorer le système québécois d’éducation en mettant en place des mesures qui s’inspirent de ce qui se fait déjà en Ontario. On n’a qu’à penser aux maternelles quatre ans ou encore à l'obligation de fréquentation scolaire jusqu'à 18 ans.
Presque tous les élèves ontariens terminent leur secondaire avec un diplôme en poche. Selon Statistique Canada, le taux de diplomation au secondaire dans le réseau public dans les délais prescrits est de 84 % en Ontario, tandis qu'il est de 64 % au Québec. Le taux dépasse les 70 % au Québec lorsqu’on ajoute la diplomation des écoles privées (qui ont un taux de diplomation de 88 %).
Pour tenter de mieux comprendre pourquoi ce système d’éducation est parmi les plus performants en Amérique du Nord, nous sommes allés à l’école secondaire Louis-Riel à Ottawa. Dans cette école publique de langue française qui compte 500 élèves, on forme, entre autres, l’élite sportive de demain. Dans cet établissement, les performances sont donc de mise tant au niveau sportif qu'au niveau scolaire. Il est rare que des élèves décrochent avant la fin de leurs études secondaires.
Les jeunes ne décrochent pas en Ontario. On ne veut pas que les élèves tombent dans les craques. Chaque élève va avoir un diplôme d'études secondaires.
Dans cette école, comme ailleurs, plusieurs mesures ont été mises en place par le gouvernement ontarien au cours de la dernière décennie pour augmenter le taux de diplomation.
On a notamment créé des équipes de la réussite dans chacune des écoles secondaires pour aider tout élève qui a besoin d'une attention particulière ou de motivation.

Christina Richard fait partie d'une équipe de réussite à l'école secondaire Louis-Riel à Ottawa.
Photo : Radio-Canada
Christina Richard fait partie de cette équipe à l'école Louis-Riel. Elle travaille avec deux autres enseignantes. « Avec l'équipe de la réussite, on va travailler avec un élève qui a une moyenne de moins de 60 % ou qui éprouve de la difficulté à accumuler tous ses crédits pour avoir son diplôme d'études secondaires ».
Elle croit qu’elle fait personnellement avancer les choses dans la vie d’au moins 10 à 15 jeunes par année, comme c’est le cas avec Caleb, un adolescent de 16 ans qui souffre de dyslexie et qui est à risque de décrocher.
« Je ne connais aucune autre personne avec une difficulté d'apprentissage aussi forte que [la mienne] dans mes classes. Je n'ai pas décroché parce que j'ai eu de l'aide de l'école. » Il est aujourd’hui en onzième année, l’équivalent de la quatrième secondaire au Québec.
Lors de notre passage, dans un local, Christina donnait un coup de pouce à Caleb et une enseignante aidait des élèves qui avaient des difficultés en mathématique et en français.
« Parfois, on va retirer les élèves des salles de classe et on va travailler sur les concepts qu'ils n'ont pas compris en classe, dit-elle.
On est comme un filet de sécurité pour ces élèves.
L'équipe peut rencontrer les élèves plusieurs fois par semaine selon leurs besoins et les suivre tout au long de leur secondaire.

Caleb reçoit de l'aide de Christine Richard. Cet élève estime qu'il aurait décroché sans le soutien supplémentaire offert à l'école.
Photo : Radio-Canada
Pour Caleb, cette aide a été bénéfique.
Je n'aurais pas d'aussi bonnes notes. Je serais à un niveau beaucoup plus faible et évidemment je ne pourrais pas réussir comme je réussis. Est-ce que j'aurais décroché? Sûrement!
Des mesures efficaces, mais à quel prix?
Mais la recette du succès du système d'éducation ontarien repose sur davantage. Il y a également les maternelles quatre ans et l'obligation de fréquenter l'école jusqu'à 18 ans. La note de passage en Ontario est de 50 %, alors qu’elle est de 60 % au Québec.
Christina Richard affirme que tout est mis en œuvre pour garder les adolescents sur les bancs d’école le plus longtemps possible. « On est responsables des élèves jusqu'à l'âge de 18 ans, donc l'élève n'a pas le choix de rester à l'école jusqu'à l'âge de 18 ans et puis on veut que tous nos élèves aient leur diplôme en quatre ans. » En Ontario, les études secondaires sont d'une durée de quatre ans dans les délais prescrits.
Cette recette a porté ses fruits, puisque depuis 10 ans, le taux de diplomation a grimpé de 12 points de pourcentage en Ontario, alors qu'au Québec il a stagné.
Mais l’implantation de toutes ces nouvelles mesures n’est pas sans impact sur les enseignants, les élèves et les parents, selon la professeure et chercheure Phyllis Dalley de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. Elle affirme que la pression pour réussir est forte.

Phyllis Dalley, directrice de l'Unité de recherche éducationnelle, Une école pour tous, située à la Faculté d'éducation de l'Université d'Ottawa.
Photo : Radio-Canada
« Lorsque les évaluations du ministère arrivent, il y a un niveau d'anxiété élevé tant chez les familles que chez le personnel enseignant. […] Je pense que la performance à outrance, ce n'est pas nécessairement bien non plus. Ce qui est bien de l'autre côté, c'est qu'on s'assure que tout le monde monte. »
Implanter ce modèle au Québec?
Si les résultats semblent concluants en Ontario, certains ont des réserves à implanter le modèle au Québec.

Implanter le modèle du système scolaire ontarien ailleurs n'est pas si simple qu'on le croit, estime Alain Fortier, président de la Fédération des commissions scolaires du Québec
Photo : Radio-Canada
« Je trouve qu'on fait fausse route à comparer des pommes et des oranges », croit Alain Fortier, président de la Fédération des commissions scolaires du Québec.
Il estime que le Québec peut difficilement calquer le modèle. « Je ne crois pas qu'on puisse importer un modèle d'une province à l'autre en disant : si ça fonctionne chez eux, ça fonctionne chez nous. Maintenant, est-ce qu'il n'y a pas des éléments là-dedans qui peuvent nous amener à réfléchir à nos différentes pratiques? Ça, c'est une autre question. »
Il croit que l'ensemble de la société québécoise doit revoir son attitude face à l'école publique.
Changeons d'attitude par rapport à notre réseau, ayons un gouvernement qui y croit, qui ne joue pas au yoyo avec les structures, mais qui cherche davantage à mobiliser les acteurs qui veulent s'impliquer en éducation.
Un modèle sous pression
De son côté, la chercheure de l'Université d'Ottawa craint toutefois pour l'avenir du système d'éducation de l'Ontario, puisque la province fait face à un important déficit. « C'est beaucoup une question d'argent et le gouvernement Ford ne semble pas un gouvernement qui est très proéducation. […] Donc, je ne pense pas que l'avenir pour l'éducation pour les quatre prochaines années soit des plus positifs. »