Rino Volpé, ancien PDG de Vitalité, se confie quatre ans après son départ

Président-directeur général du réseau de santé Vitalité en 2013-2014, Rino Volpé se confie publiquement pour la première fois depuis que la Cour a jugé que le gouvernement du Nouveau-Brunswick n'avait aucune raison valable de le congédier.
Un texte d’Anaïs Brasier avec les informations de Michel Nogue
Ce qu’on fait souvent au niveau des fonctions publiques, [...] on étouffe les services
, lance Rino Volpé. Et ça, vous connaissez le principe, si tu étouffes quelqu’un assez lentement, il n’y a personne qui s’aperçoit autour qu’il est en train de mourir.
Si, à 70 ans, l’ancien PDG du réseau Vitalité est moins actif sur la scène publique, il n’en a pas moins long à dire sur l’état du système de santé du Nouveau-Brunswick.
Pour lui, la fusion des huit régies de santé du Nouveau-Brunswick en 2008 pour en créer seulement deux, Vitalité et Horizon, est née de bonnes intentions. Mais il constate aujourd’hui qu’elle a plutôt éloigné les preneurs de décisions des communautés desservies.
Le système de santé n'est pas centré sur les citoyens.
La main de fer de Rino Volpé
Le système de santé, Rino Volpé le connaît bien. Il devient président-directeur général du réseau de santé Vitalité le 1er février 2013. On lui donne alors le mandat, tout comme au PDG du réseau Horizon, de ne pas augmenter les dépenses pour l’année 2013-2014.
Il se met rapidement au travail et annonce dès le lendemain de son arrivée en fonction que 400 postes seront supprimés en trois ans, notamment au sein de l'administration.L'endroit où on a été le plus agressif en termes de cibler, puis de resserrer les coûts, c'est définitivement au niveau de l'administration
, dit-il.
Cette volonté ferme de réduire les coûts lui a permis de mener à bien son plan de trois ans en seulement 21 mois.
Deux poids, deux mesures
Avec le mandat de geler les dépenses, le ministre de la Santé de l’époque, Hugh Flemming, demande aux réseaux Vitalité et Horizon de publier leur bilan financier, explique Rino Volpé.
Le réseau Vitalité obéit. Bon élève, il enregistre même un surplus. Mais à la grande surprise de Rino Volpé, Horizon refuse d’afficher ses chiffres publiquement. M. Volpé n’est toutefois pas du genre à laisser passer pareille entorse aux directives provinciales : il exige que la régie anglophone publie elle aussi son bilan annuel.
Il découvre alors qu'Horizon a augmenté ses dépenses de 1,7 %. De quoi mettre Rino Volpé en colère et faire monter la tension.
C’est là que j’ai réalisé pourquoi ils ne voulaient pas me donner [les chiffres].
Pourquoi vous pensez qu'à un moment donné, la tension a monté assez que moi j'ai dit au sous-ministre “Je ne traite plus avec toi, je vais traiter avec le ministre”. Il n’était pas de bonne humeur.
Facilicorp, la goutte d’eau qui fait déborder le vase
À l’époque, l’entreprise Facilicorp gérait certains services pour les hôpitaux des deux régies de santé, comme la buanderie.
En 2014, Rino Volpé apprend que Facilicorp a développé un projet avec le réseau Horizon sans en parler avec Vitalité. C'en est trop.
J’ai dit à mes gens : “OK, on les a accommodés assez longtemps”. La majeure partie des gens qui représentaient Facilicorp étaient des anglophones, ils ne parlaient pas français. J'ai dit à nos gens : “On parle juste en français”.
Les employés du réseau Vitalité ont continué de servir les patients francophones et anglophones. C’est plutôt avec tous les autres intervenants du milieu que la règle de communiquer uniquement en français s’est appliquée.
Selon Rino Volpé, cette décision a semé la panique parmi les hauts fonctionnaires à Fredericton.
Rino Volpé, congédié sans bonne raison
En novembre 2014, le nouveau ministre de la Santé, Victor Boudreau, congédie le PDG du réseau Vitalité.
Rino Volpé intente alors une poursuite en justice contre la province. En juin 2017, un juge lui donne raison : le gouvernement du Nouveau-Brunswick n’avait aucune raison valable pour le congédier. La province doit lui verser plus de 600 000 $.
Cette saga, difficile à vivre pour beaucoup à l’époque, révèle quelque chose d'important pour Rino Volpé : c’est un précédent qui donne le droit de contester les décisions des hauts fonctionnaires et des sous-ministres.
Il a toutefois tourné la page : il compte désormais passer du bon temps avec son épouse Jo-Anne et célébrer, l'an prochain, leurs 50 ans de mariage.