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Repentis de l'extrême droite : « la première victime de la haine, c'est la personne qui la ressent »

 Pierre connaît bien la haine. Jeune, il s’est joint à un groupe skinhead néonazi.

Pierre connaît bien la haine. Jeune, il s’est joint à un groupe skinhead néonazi.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence donne la parole aux repentis de l'extrême droite, qui sortent de l'ombre pour dénoncer le mal causé par des groupes à l'idéologie raciste, partager leurs propres souffrances et aider à combattre l'intolérance.

Un texte de Yannick Donahue

L’organisme a lancé mardi deux documents éducatifs : un film qui met en scène le parcours d'un ex-skinhead de Montréal et une bande dessinée intitulée Radicalishow 3 : Ils sont parmi nous.

Ces outils de prévention, qui racontent le cheminement de repentis, seront distribués dans plus de 500 écoles secondaires du Québec.

En faisant de l'éducation et de la sensibilisation le moteur de sa démarche, le Centre désire renforcer la résilience des personnes les plus vulnérables et favoriser le vivre-ensemble.

L’événement, qui avait lieu à l'auditorium de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, à Montréal, était accompagné d’une table ronde sur le thème Mieux comprendre les différentes facettes de l'extrémisme de droite.

La puissance de la haine

Chargé de projet au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, Maxime Fiset a passé une dizaine d'années au sein de la Fédération des Québécois de souche, une organisation d'extrême droite qu'il a fondée. En 2016, il a choisi d'en sortir pour plutôt combattre la radicalisation.

Désormais repenti, Maxime Fiset explique que le recours aux anciens extrémistes s’avère très utile pour aider les militants à délaisser les groupes radicaux.

Maxime Fiset  est chargé de projet au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.

Maxime Fiset est chargé de projet au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.

Photo : Radio-Canada

« L’utilité des repentis, je pense, n’est plus à démontrer. Aujourd’hui, l’expérience des personnes ayant vécu l’extrémisme violent permet à la fois de donner un message d’espoir et de pardon. Ce message est d’autant plus important qu’il s’inscrit dans une narrative qui permet aux personnes qui vivent l’extrémisme violent de se reconnaître en dehors de leur rôle d’extrémiste violent, de penser que, pour eux, il existe encore une chance de réintégrer la société et de croire au vivre-ensemble », a-t-il dit.

Maxime Fiset affirme que les repentis représentent en quelque sorte une porte de sortie et servent d’étincelle à une future transformation.

« Cette image est extrêmement importante parce qu’elle fait des repentis, si on veut, des modèles, des mentors parfois même. Cela permet de croire en une deuxième chance. Toute personne qui est prête à payer pour ses erreurs a le droit de recommencer à zéro et de montrer sa bonne volonté », a-t-il illustré.

Lorsque les repentis s’expriment publiquement ou en privé, leur parole est crédible et sincère, puisqu’ils sont passés par les affres de l’extrémisme.

L’un des plus gros avantages – c’est là aussi un des fardeaux des repentis –, c’est de savoir quels sont les effets destructeurs de la haine. La première victime de la haine, en ordre chronologique, c’est la personne qui la ressent. Personne ne peut être heureux en ressentant un sentiment aussi destructeur.

Une citation de Maxime Fiset, chargé de projet au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence

Le chargé de projet souligne que la haine constitue un moteur puissant de dévastation et possède également un pouvoir d'accoutumance important.

« Les repentis ont l’occasion de témoigner de l’effet destructeur de cela. C’est comme une drogue, mais encore plus fort. La personne qui ressent la haine ne peut pas s’en empêcher. Elle va même parfois la rechercher, mais cela va lentement la détruire », précise-t-il.

De criminel skinhead à bénévole

Pierre connaît bien la haine. Jeune, il s’est joint à un groupe skinhead néonazi. Seul, il était à la recherche d’une identité, et chez les skinheads, il a trouvé une deuxième famille, des frères d’armes qui lui ont donné un sentiment d'appartenance. Pour se faire accepter, il a commencé à prendre part à des actes de violence.

Il a patrouillé les rues de la métropole pour tabasser et battre des Noirs et des homosexuels, parce que ces derniers affaiblissaient, à ses yeux d'alors, la race blanche. L’homme a également commis de nombreux délits, dont un vol de banque qui l’a conduit derrière les barreaux.

Pierre, un homme de 53 ans, a déjà patrouillé les rues de la métropole pour tabasser et battre des Noirs et des homosexuels.

Pierre, un homme de 53 ans, a déjà patrouillé les rues de la métropole pour tabasser et battre des Noirs et des homosexuels.

Photo : Radio-Canada

Pendant un long séjour en prison, il a un jour regardé à la télévision la couverture du séisme de 2010 en Haïti et certaines images fortes lui ont fait comprendre que ceux qu'il méprisait étaient aussi des êtres humains.

L’ancien skinhead décrit son processus de rédemption : « Ce n’est pas que ça a été difficile, c’est que ça a été long. J’étais en prison. Graduellement, je me suis aperçu que la différence n’est pas dangereuse. Quand j’ai vu le reportage sur la petite fille qui était assise à côté de sa mère morte, cela a fait un déclic. Des fois, dans la vie, il y a des situations qui font qu’elles nous allument tout de suite. Cela a été le point final pour moi, que l’extrême droite était finie. »

L’ex-détenu est sorti de prison le 14 mai dernier, soit il y a presque six mois. Quatre jours plus tard, il se présentait dans les bureaux du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence pour se porter volontaire. Aujourd’hui âgé de 53 ans, Pierre veut améliorer les choses.

Le court métrage consacré à la lutte contre la radicalisation, réalisé par quatre jeunes de 17 ans, est son idée. Il se raconte, se dévoile et partage son expérience avec d'autres anciens extrémistes.

Moi, avant, quand je parlais de l’extrême droite, je m’en vantais. Aujourd’hui, j’en parle avec une certaine honte. Ce n’est pas évident d’avouer que j’ai posé des gestes violents envers des personnes par rapport à leur différence.

Une citation de Pierre, ex-skinhead

Pierre croit qu’il peut servir d’exemple pour convaincre quiconque qu’il est possible de changer d’opinion et de se sortir de la radicalisation. « S’il y en a [des militants de l’extrême droite] qui écoutent, ça ne fait pas mal de changer. Au contraire, ils s’endoctrinent eux-mêmes, ils se créent des lois qui n’ont aucun sens. Sortir de ce milieu va juste être réparateur pour eux. Ils vont se sentir beaucoup plus libres. »

Selon lui, l’extrême droite représente actuellement un danger dans la province. « Il ne faut vraiment pas prendre à la légère l’extrême droite. C’est un milieu qui va toujours exister. On ne pourra pas l’enrayer. C’est comme une gangrène : ça commence tranquillement et, à un moment donné, ça devient tellement gros qu’il faut que tu coupes », affirme-t-il.

D’ex-néonazie à militante lesbienne juive

Elisa Hategan a aussi connu la violence de l’extrémisme. Cette ex-néonazie a terrorisé des Juifs et des homosexuels quand elle était jeune. Établie à Toronto, elle est aujourd’hui coordonnatrice régionale du groupe Against Violent Extremism (AVE) Network, un réseau mondial de repentis et de victimes de violence.

Elle dénonce le discours des groupes d'extrême droite qui recrutent et qui prétendent seulement défendre des valeurs traditionnelles, alors qu'ils promeuvent la haine.

Elisa Hategan a déjà fait partie d'un groupe néonazi qui a terrorisé des Juifs et des homosexuels.

Elisa Hategan a déjà fait partie d'un groupe néonazi qui a terrorisé des juifs et des homosexuels.

Photo : Radio-Canada

« J’ai été recrutée à l’âge de 16 ans. J’étais une nouvelle immigrante venue de Roumanie. J’avais besoin d’un milieu auquel appartenir, d’une famille. Ce n’est pas l’idéologie raciste qui m’a attirée. J’étais séduite par la camaraderie, le sentiment de fierté, et c’est comme cela que j’ai été recrutée », se souvient-elle.

Au début, je croyais que c’était simplement parce que j’aimais mes racines européennes, mais rapidement, c’est devenu très apparent que c’était à propos de détester tout le monde qui n’était pas Blanc.

Une citation de Elisa Hategan, ex-néonazie

À cette époque, Elisa Hategan était présentée comme une tête d'affiche de son groupe. Elle était mise de l’avant, elle accordait beaucoup d’entrevues, elle s’occupait du recrutement, etc.

« Le point tournant a été quand j’avais 17 ans, on a commencé à me demander de harceler et de terroriser des membres de la communauté gaie de Toronto. Je découvrais à la même période que j’étais gaie. Bien sûr, je ne pouvais pas le dire à personne », souligne-t-elle.

« Un jour, j’ai eu une révélation. J’ai réalisé que je m’identifiais aux personnes qu’ils terrorisaient, qu’ils essayaient d’attaquer. Ce fut pour moi le moment où j’ai compris que nous sommes tous pareils et que j’étais une des leurs. Cela m’a menée à délaisser le groupe, témoigner contre ses leaders et le faire démanteler », affirme-t-elle.

Son père est mort alors qu’elle était jeune. Quand elle a quitté le mouvement d’extrême droite, elle s’est mise à la recherche de ses racines familiales. Elle a alors découvert que son papa et sa grand-mère paternelle étaient juifs.

« Cela m’a forcée à faire face au fait que j’avais honte d’avoir travaillé pour un chef de file mondial du négationnisme et du révisionnisme de l’Holocauste. Au même moment, je sentais que je réclamais mon héritage juif. C’est la haine qui l’a fait disparaître. J’ai décidé de me convertir au judaïsme et maintenant, je m’exprime dans des synagogues et divers festivals un peu partout », dit-elle fièrement.

Selon les dernières données de Statistique Canada, les crimes haineux ont augmenté de 21 % au pays entre 2013 et 2016.

Avec des informations de Sébastien Desrosiers

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