Partir à la chasse aux aurores boréales

Sur la route vers Saint-Gédéon, au Lac-Saint-Jean, des aurores boréales dansent dans le ciel.
Photo : Laurent Silvani
Que vous vous trouviez au Saguenay–Lac-Saint-Jean, en Abitibi-Témiscamingue, dans le Bas-Saint-Laurent, sur la Côte-Nord ou en Gaspésie, vous êtes très bien positionné pour observer des aurores boréales. Il suffit d'avoir une vue sur le nord, d'être éloigné de la pollution lumineuse et d'avoir la tête levée vers un ciel dégagé. Mais est-ce vraiment si facile? Nous avons tenté l'expérience en compagnie d'un photographe professionnel.
Un texte de Johanie Bilodeau
Depuis deux semaines, les prévisions annoncent une activité solaire intense et, jusqu’à aujourd’hui, la météo était favorable pour apercevoir des aurores boréales. Notre équipement est prêt, tout comme celui de notre expert, le photographe Laurent Silvani. À 23 h, dans une halte routière de La Baie, les yeux levés vers le ciel couvert, nous n’avons plus qu’à espérer voir les lueurs poindre à l’horizon. De l’avis des amateurs, généralement, le moment idéal pour observer ce phénomène lumineux se trouve quelque part entre 22 h et 2 h.
Une aurore boréale ou un nuage?
Pour l’oeil d’un néophyte, il n’est pas toujours si évident de distinguer une aurore boréale d’un simple nuage. En effet, lorsque le phénomène est plus faible, l’aurore prend une teinte grisâtre. Il n’est donc pas surprenant que, lors de ses chasses, Laurent Silvani ait vu des gens se méprendre.
Qu’est-ce qu’une aurore boréale?
Une aurore boréale est provoquée par le vent solaire. Des particules se détachent du Soleil pour interagir avec le champ magnétique de notre planète, un phénomène qui n’a rien à voir avec le temps qu’il fait dehors. Quand ces particules entrent dans l’atmosphère, elles frappent des molécules d’air. Cette collision excite les particules qui émettent de la lumière et qui peinturent le ciel, pour notre plus grand émerveillement. Le spectacle peut durer toute la nuit ou éclairer le ciel quelques minutes à peine.
Selon le type de charge de la molécule d’air touchée, les couleurs des aurores boréales diffèrent. Le vert, parfois teinté de jaune, est la couleur qui apparaît le plus fréquemment dans le ciel et est souvent celle qu’on peut observer en premier. Si le phénomène est plus puissant, le rouge, le bleu et le violet colorent ensuite le ciel. Les couleurs apparaissent à différentes hauteurs, en fonction de l’altitude à laquelle se crée l’aurore boréale. Elles peuvent également se superposer pour créer un mélange de tons et de teintes.
La caméra à la rescousse
Ce qu'on voit à travers la lentille de notre appareil peut être différent de ce qu’on voit à l’oeil nu. Tout dépend de la puissance du phénomène. Plus l’orage magnétique est fort, plus l’aurore boréale sera grande et plus notre oeil verra une image similaire à celle prise par notre appareil. Dans certains cas, pour obtenir des photos à couper le souffle, quelques retouches peuvent s'avérer nécessaires, explique Laurent Silvani. Regardez des aurores boréales avant et après les retouches photo. (Nouvelle fenêtre)
Il existe, au Québec, une communauté de photographes qui surveillent les meilleurs moments pour immortaliser ce spectacle. Avant de partir à la chasse, les photographes s’assurent qu’il y aura un orage magnétique et que le ciel sera dégagé. Des applications comme Aurora ou des sites Internet tels que spaceweather.com leur sont alors très utiles. Ces outils offrent des prévisions à court ou à moyen terme, de même que différentes données, comme l’échelle Kp, la polarité du champ magnétique ou la vitesse des vents solaires. La page Facebook Aurores boréales du Québec, créée par Laurent Silvani et des collègues, informe également les gens des spectacles qui s’annoncent, en plus de répondre à leurs interrogations.
La danse des aurores boréales
Soufflées par les vents solaires, les aurores boréales ondulent constamment. En fonction de la puissance des vents, elles peuvent ondoyer presque imperceptiblement ou plus intensément.
« Des fois, c'est très léger, mais il y a d'autres fois, c'est vraiment incroyable. On dirait des rideaux qui battent au vent. »
Lorsque le phénomène est puissant, le spectacle est extraordinaire.
« On dit que les aurores boréales dansent dans le ciel. C'est cette perception-là qu'on a quand on les observe. »
En plus de leurs couleurs et de leurs mouvements, les aurores boréales peuvent se manifester sous différentes formes. La plus fréquente est celle en arc.
Des aurores boréales à l’année...
Bien qu’on puisse observer ce phénomène lumineux à l’année, les spécialistes ont constaté que les équinoxes du printemps et de l’automne semblent être des moments particulièrement propices à la formation d’aurores boréales.
Selon le président du club d’astronomie Les Boréalides, Claude Boivin, cette pointe d'activité s’expliquerait par l'axe de la Terre qui est perpendiculaire aux vents solaires durant ces périodes. Les vents influeraient alors davantage sur les champs magnétiques. Cette explication demeure cependant hypothétique, puisqu’il est aussi possible d’admirer de très belles aurores boréales lors des solstices d’été et d’hiver.
... mais un automne tranquille
Même si le ciel est dégagé, il ne faut pas s’étonner de ne pas observer d’aurores boréales cet automne. Elles sont liées aux cycles du Soleil, qui durent 11 ans chacun, et nous sommes actuellement dans un minimum solaire. La quantité d’aurores boréales et leur intensité sont donc moindres par rapport aux années passées.
Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on compte approximativement 30 à 40 nuits d’aurores boréales par année. Le club d’astronomie Les Boréalides, de Saint-Félicien, a tiré cette conclusion à l’aide des informations recueillies par le magnétomètre prêté par l’Université d’Athabasca, en Alberta. Enfoui dans le sol, cet instrument détecte le champ magnétique de notre planète. Il arrive à déceler les perturbations causées par les vents solaires et perçoit les périodes où des aurores boréales se forment.
À partir de ces données, le club Les Boréalides a instauré un réseau d’alertes pour transmettre ces informations au grand public. Il suffit aux résidents du Saguenay-Lac-Saint-Jean de s’inscrire sur le site web du club d’astronomie pour obtenir les alertes.
Notons que Saint-Félicien n’est pas la seule ville à posséder un magnétomètre. On en trouve à une dizaine d’endroits au Québec. Saint-Félicien, Val-d’Or et Sept-Îles sont les trois villes les plus au sud à en posséder un.
Une chasse imprévisible
Quant à notre propre chasse aux aurores boréales, nous repartons bredouilles. Les nuages demeurent obstinément lourds, masquant le spectacle qui se déroule derrière. Dame Nature nous a joué un tour. À vous maintenant de tenter votre chance.
Bonne chasse!