Les nouveaux Gatinois votent moins aux élections municipales

Le bureau de scrutin de l'école secondaire de l'Ile
Photo : Radio-Canada
Les nouveaux Gatinois votent moins aux élections municipales que ceux qui y sont établis depuis longtemps, révèle une étude en partie financée par Radio-Canada.
Un texte d'Antoine Trépanier
Environ 56 % de la population gatinoise provient de l'extérieur de la région. Or, la participation aux élections est plus faible chez ces résidents, selon cette étude réalisée par une doctorante de l'Université du Québec en Outaouais.
La participation démocratique augmenterait après une période de 6 à 10 ans.
Lorsqu'on leur a demandé leur participation aux élections municipales, on a remarqué que les gens qui habitent à Gatineau depuis moins de cinq ans ont été beaucoup moins nombreux en termes de proportion à voter aux élections que ceux qui sont ici depuis 20 ans et plus
, explique Nathalie Brunette, consultante en marketing et auteure de l'étude.
Par exemple, de ces gens qui ne sont pas originaires de Gatineau, il semble que ceux qui y habitent depuis plus de 20 ans votent deux fois plus que ceux qui y vivent depuis cinq ans et moins. Ces derniers ont voté dans une proportion de 32 % en novembre 2017.
Mme Brunette explique que le lien fiscal avec le gouvernement
est un facteur particulier au municipal qu'on ne retrouve pas aux autres niveaux gouvernementaux.
Au provincial, au fédéral, tout le monde remplit son rapport d'impôt, on paye des impôts tout cela, donc on se sent vraiment une partie prenante, tandis qu'au municipal, ce sont surtout les propriétaires de maison qui se sentent interpellés
, affirme la chercheure.
Outre l'enracinement et l'âge des électeurs, le fait d'être propriétaire et l'utilisation des services municipaux expliqueraient donc le taux de participation.
Les élus cherchent des solutions
Le maire Maxime Pedneaud-Jobin est catégorique : la population n'accorde pas assez d'importance à la politique municipale.
L'essentiel de l'offre en sports et loisirs, c'est la Ville qui l'offre, l'essentiel de l'offre en culture, c'est la Ville qui est là, en développement économique, on joue un rôle majeur. Moi, je répète ça partout en disant : "Intéressez-vous à ce qu'il se passe dans votre ville, parce que si on n'est pas là [dans ces services-là], on ne part avec pas grand chose qu'il reste". Sans être un plan pour augmenter la participation, ça fait partie de mes objectifs
, explique-t-il.
Au lendemain de sa réélection l'année dernière, le conseiller municipal du district du Carrefour-de-l'Hôpital, Gilles Carpentier, se disait ébranlé par le faible taux de participation. Il avait alors revendiqué une réforme approfondie de la façon de voter lors des élections municipales.
Mis au fait des résultats de l'étude, M. Carpentier s'explique mal que l'enracinement soit un facteur aussi important dans la participation électorale. Selon lui, plusieurs choses doivent être faites pour améliorer les choses : moderniser la façon de voter et se rapprocher davantage de la population.
« »
On se pavane à dire qu'on est un gouvernement de proximité et c'est vrai qu'on touche au quotidien des gens. Mais en même temps, je pense que [ça aiderait] s'il y avait une plus grande proximité entre les citoyens et la machine municipale pour faire comprendre comment ça marche
, plaide-t-il.
Or, rien n'a encore été entrepris par le conseil municipal.
Pas vraiment autrement que de se dire que ce chiffre-là n'est pas une bonne nouvelle. Et candidement, on n'est pas allé au-delà de ça collectivement
, a-t-il déclaré.
En entrevue, le maire affirme que ce n'est pas en changeant la façon de voter que les taux de participation augmenteront.
Un vote électronique n'aura pas d'influence sur le pourcentage de vote, j'en suis convaincu. Les gens pensent que ce n’est pas important, ça fait que si ce n'est pas important, ils n'iront pas à pied, et si ce n'est pas important, ils ne rempliront pas leur bulletin de vote électronique, ça ne les intéresse pas
, tranche-t-il.
L'étude
En dépit d'un taux de participation de 39 % aux élections municipales du 5 novembre 2017, Gatineau se situe légèrement au-dessus de la moyenne des 100 plus grandes villes canadiennes. Lors des trois dernières élections, la participation moyenne était de 36 % à l'échelle nationale.
Or, elle accuse tout de même un retard de quatre points de pourcentage par rapport à sa voisine, Ottawa, qui elle aussi tente d'attirer les électeurs aux urnes. Lors des élections de 2013, 41 % des électeurs gatinois se sont exprimés.
C'était déprimant à la dernière élection, parce que j'avais l'impression que mon équipe et moi on a proposé un projet qui était emballant et intéressant, basé sur toutes sortes de priorités bien concrètes des Gatinois et malgré cela, le taux ne bouge pas. Je le prenais un peu comme un échec personnel, je me disais qu'on n'avait pas réussi à les convaincre que c'était important au municipal
, soutient le maire Pedneaud-Jobin.
Dans son étude d'une quarantaine de pages, Mme Brunette a testé ses sept hypothèses auprès de l'électorat gatinois par le biais d'un sondage mené du 1er mai au 2 juin 2018 de personnes à personnes dans des lieux publics. En tout, 808 questionnaires ont été retenus pour l'analyse, dont la marge d'erreur est de 3,5 % 19 fois sur 20.