Entretien de navires : Lévis obtient une part importante d'un contrat de 7 milliards

L'entrée du chantier Davie
Photo : Radio-Canada / Cimon Leblanc
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le chantier maritime de la Davie obtient une part importante du contrat fédéral de 7 milliards de dollars pour la modernisation de 12 frégates de la Marine royale canadienne.
Un texte d'Alain Rochefort
Les trois chantiers maritimes du pays, Victoria, Halifax et Lévis, vont se partager les travaux.
Le chantier de Victoria, en Colombie-Britannique, devrait obtenir le contrat pour les cinq frégates des Forces maritimes du Pacifique, tandis qu’Halifax et Lévis se partageraient à parts égales les travaux sur les sept frégates des Forces maritimes de l'Atlantique, selon nos informations.
Le porte-parole de Chantier Davie, Frédérick Boisvert, n’en attend d'ailleurs pas moins.
« Sachant que les deux autres chantiers sont à pleine capacité et ont beaucoup de misère à livrer la marchandise, on s’attend à avoir un nombre significatif de frégates pour les moderniser à Chantier Davie », a-t-il indiqué sur les ondes de RDI, jeudi matin.
Des centaines d’emplois... en 2021
Plusieurs centaines d'emplois seront créées à la Davie grâce à cette annonce du fédéral. Il s'agira vraisemblablement du plus important contrat de l'histoire du chantier de Lévis.
La patience est toutefois de mise pour les travailleurs québécois de l'industrie maritime. Les travaux ne commenceront qu'en 2021.
J’ai une pensée spéciale pour les 1100 travailleurs qui ont perdu leur emploi depuis octobre dernier. Toutefois, on sait que ça ne commence pas avant 2021.

Le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Sheer, a visité le chantier Davie.
Photo : Radio-Canada / Alexandra Duval
Le syndicat nuance
D'ailleurs, le porte-parole du syndicat des travailleurs de la Davie, Réjean Guay, accueille avec méfiance cette annonce, malgré son ampleur. Il souligne qu'il ne reste que 60 travailleurs sur le chantier et que l'annonce d'aujourd'hui n'aura des retombées qu'en 2021.
« C'est une belle demande en mariage qu'on fait aujourd'hui. Mais, on fait le voyage de noces seulement en 2021. Donc, quelque part, ça ne nous donne rien pour les travailleurs présentement. Le chantier sera dans une autre dynamique à ce moment-là, les propriétaires vont être dans une autre situation financière », déplore-t-il.
Présentement, les travailleurs, ce n'est pas avec cette annonce qu'ils vont réussir à passer les Fêtes [financièrement].
Appelé à réagir, le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, trouve « particulier » que cette annonce survienne au moment même où il est de passage devant la chambre de commerce de Lévis.
« C’est une annonce pour 2021. Davie a un besoin aujourd’hui, mais le gouvernement fédéral ne fait rien », dénonce-t-il.
Du travail pour deux décennies
N'empêche que ceux qui seront employés par Chantier Davie en 2021 pourraient avoir du travail pour plusieurs années. Les travaux d'entretien de ces navires seront étalés sur une période de deux décennies, soit jusqu'à la fin de leur durée de vie.
Frédérick Boisvert décrit les tâches qui seront accomplies à Lévis.
« Des fois, ça peut carrément être refaire la peinture ou refaire tout le système de plomberie, explique Frédérick Boisvert. Un navire, c'est un peu comme une petite ville flottante. Tout doit être changé au fur et à mesure, donc c'est un entretien normal ».
Le vent dans les voiles?
Les sommes faramineuses prévues dans ce contrat pourraient par ailleurs être ce dont la Davie avait besoin pour « avoir le vent dans les voiles », selon Frédérick Boisvert.
« On veut exporter. On est le seul chantier qui a des ambitions internationales. On a des visées au Pérou, au Monténégro, en Scandinavie. Et ça, il n’y en a pas d’autres au Canada. Ça va nous donner une stabilité dont on a besoin », souligne-t-il.
Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) souligne également qu’il s’agit d’une excellente nouvelle à long terme, même si des solutions devront être trouvées pour retenir une main-d’œuvre hautement qualifiée dans la grande région de Québec d’ici 2021.
La CSN affirme pour sa part qu’il s’agit d’un juste retour du balancier pour la Davie, mais se questionne toutefois sur les priorités stratégiques mises de l'avant par le gouvernement canadien au cours des dernières années.
« Si le gouvernement fédéral doit aujourd'hui rafistoler les frégates Halifax, c'est parce que les chantiers sélectionnés pour la construction de nouveaux navires militaires, soit ceux de Vancouver et d'Halifax, n'ont pas été capables de livrer dans les délais prévus », souligne Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec-Chaudière-Appalaches de la CSN.
L'Obélix comme solution proposée
La Fédération des Chambres de commerce du Québec (FCCQ) rappelle de son côté que la Davie a la capacité de reconvertir avec succès l'Obélix pour maintenir des travailleurs en poste. Le gouvernement fédéral annonçait toutefois en novembre 2017 qu'il n'avait pas l'intention de commander un deuxième navire de ravitaillement au chantier maritime Davie.
« Bien que l'annonce d'aujourd'hui soit positive, le gouvernement doit garder à l'esprit que dans un contexte de rareté de main-d'œuvre, notamment dans l'industrie maritime, la Davie doit être en mesure de maintenir ses travailleurs et son expertise au sein de son chantier maritime », soutient Stéphane Forget, président-directeur général de la FCCQ.
« Le gouvernement fédéral devrait considérer l'octroi du contrat Obélix qui répondrait à deux enjeux importants : livrer un navire ravitailleur nécessaire aux opérations de la Marine royale canadienne et ce, à l'intérieur de 24 mois, et maintenir l'expertise sur place jusqu'au début des contrats annoncés aujourd'hui, pour 2021 », conclut M. Forget.
Le contrat d'aujourd'hui s'ajoute à celui de 610 millions récemment octroyé à la Davie pour la conversion de trois navires scandinaves en brise-glaces pour la Garde côtière canadienne.
Le chantier de Lévis a aussi inauguré récemment le ravitailleur Astérix, livré à la Marine royale canadienne cet automne.
Avec les informations de Pascal Poinlane et Philippe-Vincent Foisy