ArchivesL’impasse de réformer le système électoral québécois

L'histoire des tentatives de réforme du système électoral au Québec a jusqu'à maintenant conduit à une impasse.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les résultats de l'élection québécoise pourraient-ils relancer le débat sur la réforme électorale? Comme le confirment nos archives, le chemin de la réforme électorale a été au Québec très sinueux et a mené jusqu'ici à une impasse.
Une demande enterrée…
À Québec, le chef de l’opposition se lève en plein Parlement. Il exige la création d’un comité spécial.
Ce comité étudierait les différents modèles de représentation proportionnelle et l’adoption d’un nouveau mode de scrutin adapté aux spécificités du Québec.
Le gouvernement refuse cette demande.
Il n’y a aucune image de ce débat. Lorsque ce dernier survient, la télévision n’avait pas été encore inventée.
Nous sommes le 17 mars 1922.
Le chef de l’opposition est le conservateur Arthur Sauvé. Devant lui se trouve le libéral Alexandre Taschereau, premier ministre du Québec de 1920 à 1936.
… mais qui n’est pas morte
Nous sommes à Sainte-Marie-de-Beauce. Derrière nous, le ministre d’État, monsieur Robert Burns, est en train d’expliquer à un petit groupe qui l’a invité, ce qu’il y a dans ce livre vert.
Les élections générales québécoises de 1966 raniment le débat.
Le Parti libéral du Québec, dirigé par Jean Lesage, obtient le plus grand nombre de votes mais perd néanmoins le pouvoir au profit de l'Union nationale.
En novembre 1976, le Parti québécois (PQ) remporte le scrutin provincial. Son programme inclut l’engagement de modifier le système électoral.
Le premier ministre René Lévesque confie au député Robert Burns le mandat de mener à bien cette mission.
Robert Burns en tant que ministre d’État à la Réforme électorale et parlementaire dépose un livre vert le 24 avril 1979 qui propose divers scénarios de réforme. On parle de proportionnelle mixte ou même intégrale.

Le ministre parcourt le Québec pour consulter la population.
Le 17 juin 1979, la correspondante parlementaire Giselle Gallichan est présente à une assemblée publique qu'elle décrit dans un reportage à l’émission Hebdo dimanche.
La journaliste détaille les propositions du ministre et les réactions de Beaucerons et de Rimouskois.
Elle inclut également la réponse du Parti libéral du Québec (PLQ) qui montre peu d’enthousiasme pour ce projet de réforme.
La tentative de modification de Robert Burns ne va nulle part. Les partis d’opposition rechignent.
Le premier ministre René Lévesque y est pour sa part favorable. Cependant, il ne réussit pas à l’imposer aux députés du PQ.

Le 20 février 1985, comme le rappelle le correspondant parlementaire Gilles Morin à l’émission Ce soir, René Lévesque annonce que la réforme est reportée à un éventuel troisième mandat.
Il entend tout de même agir au Parlement au cas « où un nouveau gouvernement souhaiterait enterrer le projet ». Sa crainte était fondée.
Le PQ perd les élections générales de 1985.
Ni le nouveau premier ministre, le libéral Robert Bourassa, ni son successeur, le péquiste Lucien Bouchard, ne veulent d’une réforme électorale.
Le successeur de Lucien Bouchard, Bernard Landry, y est pour sa part favorable, mais seulement après l’accession du Québec à la souveraineté.
Prises II et III
C'est une réforme qui va changer les moeurs politiques au Québec.
Aujourd’hui encore, un groupe de personnalités de toutes les allégeances revient à la charge pour faire la promotion d’un système de scrutin proportionnel, un système qui permettrait une meilleure représentativité de tous les électeurs.
Le PLQ de Jean Charest reprend le flambeau de la réforme à son arrivée au pouvoir en avril 2003.
Le 15 décembre 2004, le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques Jacques Dupuis dépose un imposant avant-projet de loi sur le sujet.

Ce soir-là, la journaliste Josée Thibeault explique les principaux points de la réforme proposée dans un reportage présenté à l’émission Le Téléjournal/Le Point. On entend réformer le système avec une mécanique proportionnelle mixte.
Le processus mis de l’avant semble assez compliqué, selon les journalistes.
Le député péquiste de Masson Luc Thériault se dit sceptique. Il soutient que le projet de loi de 700 articles a été déposé « entre la dinde et les tourtières », juste avant les fêtes afin de passer inaperçu.
De fait, c’est aussi le PQ qui doute. Les péquistes sont alors dirigés par André Boisclair qui ne croit pas à une réforme du scrutin.
C’est peut-être davantage d’écouter les citoyens et les citoyennes du Québec qui, depuis fort longtemps, ne cessent de réclamer que chaque vote compte.
C’est dans ce contexte que le 1er avril 2007 une coalition de personnalités, tous partis politiques confondus, exige pour une énième fois une réforme électorale au Québec.

Le journaliste Jean-Sébastien Cloutier résume la revendication dans un reportage présenté au Téléjournal qu’anime Céline Galipeau.
Pour la coalition, la solution, ce serait la proportionnelle mixte.
Le chemin du changement demeure semé d’embûches. Par exemple, lors de son congrès national d’avril 2011, le PQ a retiré la réforme électorale de son programme.
Lors de la campagne électorale de 2018, seul le PLQ a dit être opposé à une réforme du mode de scrutin.
Le gouvernement de François Legault a abandonné l'idée de cette réforme durant son premier mandat.
Lors des élections québécoises de 2022, c'est le système de scrutin uninominal à un tour qui a encore été utilisé.
Les distorsions de représentation à l'Assemblée nationale observées à la suite du dépouillement des votes convaincront-elles le gouvernement de proposer une réforme?
Les paris sont ouverts.