Les enfants pauvres toujours très nombreux au Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Avec 1,2 million de jeunes de moins de 18 ans vivant dans un ménage à faible revenu, le Canada n'a pas vraiment amélioré la situation de ses enfants vulnérables au cours des dernières décennies.
Parmi les enfants qui vivent avec deux parents, le taux de pauvreté est stable depuis plus de 40 ans à environ 10 %. Il a cependant diminué pour les enfants vivant dans une famille monoparentale ayant une femme à sa tête, ainsi que pour ceux qui vivent avec leurs grands-parents (autres familles).
Certaines provinces s’en tirent mieux que d’autres en ce qui concerne la pauvreté des enfants. Ainsi, c’est dans l’Ouest, en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan, que l’on trouve la plus faible proportion d’enfants pauvres.
À l’inverse, c’est dans la région de l’Atlantique que la situation est plus difficile.
Il est flagrant, dans tous les cas, que la pauvreté touche en bien plus grande proportion les enfants issus de familles monoparentales dirigées par des femmes. Le taux de pauvreté est environ trois fois plus élevé chez les enfants ne vivant qu'avec leur mère que chez ceux vivant avec leurs deux parents.
Proportion d'enfants vivant dans des familles à faible revenu

En jaune, le taux de pauvreté est moins de 5 %, en bleu, il dépasse 60%.
Photo : Radio-Canada
Source : Campagne 2000
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En comparant le taux de pauvreté chez les enfants par circonscription, on constate que celles où les enfants ont le plus de risque de souffrir de la pauvreté sont situées dans des régions majoritairement autochtones ou dans les grands centres urbains.
Outre les Premières Nations, la pauvreté infantile touche majoritairement les immigrants récents, les familles monoparentales et les locataires, explique Nathalie Appleyard, porte-parole de Campagne 2000, une coalition canadienne de plus de 120 organismes de lutte contre la pauvreté.
« La discrimination et les iniquités sous-tendent la pauvreté », soutient Mme Appleyard. « Il ne s'agit pas seulement d’une question de malchance ou de choix personnels mal avisés. »
Campagne 2000 salue la décision du gouvernement Trudeau de mettre en place une stratégie fédérale de réduction de la pauvreté, qui vise à faire diminuer le nombre de ménages pauvres de 20 % d’ici 2020 et de 50 % d’ici 2030. Toutefois, elle déplore « le manque d’ambition » des objectifs et de l’échéancier.
« Ça n’apporte pas beaucoup de réconfort aux enfants qui n’ont pas assez à manger maintenant ou qui ne savent pas où ils vont vivre le mois prochain », souligne Mme Appleyard.
Même si on réduit le taux de pauvreté de 50 % en 2030, il y aura toujours 600 000 enfants qui vont vivre dans la pauvreté.
L’insécurité alimentaire

Un enfant sur cinq est pauvre au Nouveau-Brunswick.
Photo : iStock
Pauvreté rime presque toujours avec insécurité alimentaire. Que ce soit en matière de qualité ou de quantité, bien des enfants issus d’une famille pauvre n’ont pas accès aux ressources nutritionnelles dont ils auraient besoin.
Et pour les jeunes vulnérables, l’insécurité alimentaire est un enjeu majeur, rappelle Geneviève Mercille, professeure adjointe au Département de nutrition de l’Université de Montréal.
« Ils sont en pleine croissance et leurs besoins nutritionnels sont très importants », note Mme Mercille. En outre, le stress familial qu’ils subissent peut aussi avoir un effet à long terme sur leur développement socioaffectif, et même parfois sur leur santé mentale.
Il y a des conséquences sur tout le parcours de vie.
Et si ça passait par l’école?
« On est le seul pays du G7 qui n'a pas un programme national de nutrition scolaire », rappelle Daniel Germain, président fondateur du Club des petits déjeuners.
Celui qui travaille depuis des années afin d'offrir aux écoliers de partout au pays un repas équilibré pour commencer la journée pense qu’il est temps que les gouvernements s’impliquent dans ce secteur.
Il se réjouit d’avoir senti une certaine écoute de la part de Québec, qui s’est traduite par l’annonce, en juin dernier, de l’injection de 50 millions de dollars sur trois ans pour permettre aux enfants de milieux défavorisés de déjeuner.
C’est un bon début, mais il en faudrait beaucoup plus, estime la nutritionniste Geneviève Mercille.

Offrir davantage de services sociaux est un bon investissement de la part des gouvernements, selon des chercheurs de l'Université de Calgary.
Photo : Club des petits déjeuners
« La mesure alimentaire scolaire, c’est un soutien aux ménages parce que ça vient soulager les dépenses en alimentation, mais ça ne corrigera pas la précarité économique », croit-elle.
Pour véritablement améliorer les conditions de vie des plus pauvres, c’est toute une panoplie de mesures ciblées qu’il faut mettre en place, croit Mme Appleyard.
Un service de garde subventionné, comme celui qui existe au Québec, l’accès à des logements à prix abordable, un programme de soutien au revenu et des soins dentaires gratuits pour tous sont quelques-unes des mesures proposées par Campagne 2000.
Et il faut aussi cibler une population particulièrement négligée : les Autochtones. « Ce sont les plus vulnérables parmi nos personnes vulnérables », souligne Geneviève Mercille. Au pays, 38 % des enfants autochtones vivent en situation de pauvreté.