Une femme sur les lignes de côté : devenir entraîneuse de football
Sonia Rodi pendant un entraînement de football
Photo : Radio-Canada / Kim Vallière
Avec sa casquette sur la tête et son sifflet autour du cou, Sonia Rodi enseigne discipline, rudesse et technique à un groupe d'enfants gatinois qui s'initient au football. Une femme parmi les hommes, une anomalie dans un monde typiquement masculin. Elle n'a toutefois pas de temps à consacrer aux regards inquisiteurs. Elle est trop occupée à devenir la meilleure entraîneuse de football possible.
Un texte de Kim Vallière
Lorsqu’elle a commencé à s’impliquer au sein des Vikings de Gatineau il y a deux ans, les jeunes de sept à neuf ans l’appelaient madame
ouSonia
, alors qu’ils s’adressaient aux autres entraîneurs en utilisantcoach
. Les jeunes garçons et leur père passaient parfois des commentaires sur sa présence sur le terrain.
Puis elle leur a enseigné à plaquer, à botter, à appliquer de la pression sur le quart-arrière. Elle a gagné leur confiance et leur respect.
Sonia Rodi est maintenant Coach Sonia.
J’ai des bonnes bases, j’ai un bon jeu de pied, je connais le sport, je connais les règlements. Pourquoi pas les mettre en pratique?
Les parents me voient entraîner seule avec ma petite équipe à moi et je vais leur montrer comment faire. Tu vois que les papas commencent à comprendre et à se dire “ah, c’est vraiment un entraîneur”
, explique celle qui est souvent confondue pour la gérante de l’équipe, un rôle plus traditionnellement occupé par les mères qui souhaitent s’impliquer.
L’ancienne joueuse de rugby se sert de ses connaissances dans les sports de contact pour enseigner des techniques sécuritaires de plaquage aux jeunes des Vikings.
La mère de deux garçons est une des responsables de la défense de l’équipe. Elle consacre près de 10 heures par semaine aux entraînements et aux matchs, ainsi qu’à la planification des stratégies en compagnie des cinq autres entraîneurs du club.
À lire aussi :
Elle participe également à des ateliers de perfectionnement pour les entraîneurs, où elle est généralement la seule représentante de la gent féminine.
C’est intimidant parce que c’est juste des hommes et il y a des hommes qui sont machos aussi. Certains ne croient pas que les femmes puissent entraîner un sport contact comme ça
, explique Rodi, qui a notamment participé en avril à une clinique offerte par le Rouge et Noir d’Ottawa. Dans la centaine d’entraîneurs présents, elle était l’unique femme.
Tout le monde dit “oh mon dieu, une femme!”. Moi, dans ma tête, je me dis que je suis un coach, tous les autres ici sont des coachs, bien moi aussi je suis ici en tant que coach, pour apprendre.
J’avais des regards par-ci, par-là. Mais je vais lever la main, je vais poser des questions, je vais donner mon avis. Les gens se retournent et ils se rendent compte que mes questions ont du sens que et j’ai souvent raison
, raconte fièrement la Gatinoise.
Des barrières à faire tomber
Des formations de la NFL ont ouvert la porte à la présence de femmes parmi les équipes d’entraîneurs.
Jennifer Welter a été la première à être engagée par les Cardinals de l’Arizona pour le camp d’entraînement et les matchs préparatoires en 2015.
Kathryn Smith est devenue la première femme à occuper une position d’entraîneuse à temps plein, avec les Bills de Buffalo pendant la saison 2016-2017. Katie Sowers l’a fait avec les 49ers de San Francisco et Kelsey Martinez avec les Raiders d’Oakland.
Les équipes de la Ligue canadienne de football (LCF) n’ont pas encore emboîté le pas, bien que des femmes aient occupé des positions importantes parmi les organisations. Jo-Anne Polak a été nommée directrice générale des Renegades d’Ottawa en 1988.
Catherine Raîche a occupé les fonctions d’adjointe au directeur général des Alouettes de Montréal, puis de directrice de l’administration football des Argonauts de Toronto.
À quand une première entraîneuse au nord de la frontière? Il faut qu’il y en ait une qui se démarque, qui continue de foncer et qui ne se laisse pas mettre à terre par les commentaires des autres
, avance Rodi, qui n’a pas l’ambition de faire de sa passion pour le football une carrière.
Elle espère quand même grimper les échelons au fur et à mesure que son fils Jacomo progresse dans le sport, lui qui fait partie de l’équipe des Vikings de Gatineau qu’elle entraîne.
Elle sait que d’autres embûches risquent d’être placées sur sa route, que d’autres commentaires risquent d’être prononcés et que les regards risquent d’être encore posés sur elle lorsqu’elle est la seule femme dans une salle remplie d’hommes pour en apprendre plus sur le sport.
Mais chaque fois qu’elle enfile sa casquette et son sifflet, elle contribue à normaliser sa présence et celle des autres femmes dans le monde du football. Même si elle doit les convaincre, un papa à la fois.